LE Pr BERNARD BEAUDUCEAU rappelle que les essais cliniques ont débuté dans les années 1970-1980 avec une première étude négative (UGDP) et surtout avec deux grands essais réalisés dans les diabètes de type 1 (DCCT) et de type 2 (UKPDS). Deux études qui ont connu un prolongement (EDIC et suivi UKPDS) de 10 ans, ce qui apporte des renseignements précieux sur les bénéfices à long terme du traitement hypoglycémiant.
On retiendra surtout les résultats du suivi d’UKPDS, pendant 20 ans, des diabètes de type 2 qui, à l’inclusion, étaient de découverte récente, chez des patients jeunes (53 ans). On constate qu’alors que l’équilibre glycémique devient identique dans les groupes « intensif » et « standard », le gain lié au contrôle intensif se maintient pour les complications microvasculaires (p ‹ 0,001) et augmente devenant significatif, pour les complications macro-angiopathiques (p ‹ 0,014), avec une diminution également significative, de la mortalité globale (-13 %, p ‹ 0,007).
Le Pr Bauduceau souligne le caractère essentiel de ces résultats qui montrent qu’en matière de diabète le temps perdu ne se rattrape guère, il faut intervenir tôt et de manière efficace (le diabète était récent dans UKPDS) et il reste une mémoire métabolique faisant qu’au bénéfice microvasculaire rapide s’ajoute, à plus long terme, un gain macrovasculaire.
ACCORD, ADVANCE et VADT : protocoles différents, résultats divergents.
2008 a été marqué par la publication de trois grands essais (ACCORD, ADVANCE et VADT) dont les résultats discordants ont semé le trouble, reconnaît le Pr Bauduceau.
En fait, c’est l’arrêt prématuré de l’étude ACCORD qui a fait douter du bénéfice du traitement intensif du diabète de type 2, une augmentation du nombre des décès ayant été observé dans ce groupe (257 décès versus 203). Toutefois ACCORD présente des spécificités qui expliquent très vraisemblablement la surmortalité dans le groupe intensif. Tout d’abord, le traitement était trop intensif, associant souvent 4 classes de médicaments d’où une diminution trop rapide du taux d’HbA1c (-1,4 % en 4 mois) et des hypoglycémies fréquentes qui peuvent expliquer les décès inexpliqués. De plus, ces patients qui étaient initialement obèses (IMC à 32 kg/m2), prennent du poids pendant le traitement intensif.
L’étude ADVANCE est bien différente car le traitement intensif, à base de doses croissantes de gliclazide, entraîne une diminution beaucoup plus progressive du taux d’HbA1c ce qui explique que la fréquence des hypoglycémies sévères n’est que de 3 % dans le groupe intensif. Par ailleurs, aucune prise de poids significative n’a été observée dans le groupe intensif. Dans ces conditions on observe une réduction significative du critère principal qui associe événements macro et microvasculaires majeurs, une réduction significative des complications microvasculaires (-14 % p = 0,014) et, en particulier, des néphropathies (-21 % p = 0,006). En revanche, on n’observe pas, comme dans VADT, de réduction significative des événements macrovasculaires et de la mortalité globale.
Mais, de VADT et d’ADVANCE, le Pr Bauduceau retient deux informations qui nuancent fortement ce dernier point :
- dans VADT le bénéfice cardio-vasculaire devient significatif si le diabète est récent (moins de 12 ans) et si le score calcique coronaire est inférieur à 100 ;
- dans ADVANCE, on observe une tendance non significative à une mortalité cardio-vasculaire plus faible dans le groupe intensif et cette tendance semble s’accentuer pendant la dernière des 5 années de l’essai. Ce qui va d’ailleurs dans le sens de l’étude de suivi d’UKPDS.
D’où deux aphorismes qui servent de conclusion au Pr Bauduceau : « le temps perdu ne se rattrape guère » et « il faut laisser du temps au temps », (comprenez à la mémoire métabolique). Sans oublier au sujet d’ACCORD, « le mieux est parfois l’ennemi du bien ». Quand les grands essais cliniques ramènent au bon sens paysan, on peut être rassuré.
› Dr ALAIN MARIÉ
(1) Val-de-Grâce, Paris.
(2) Réunion organisée avec le soutien institutionnel des laboratoires Servier.
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