Par le Pr Serge Halimi*
LES PREMIERS chiffres bruts sont éloquents. Dans cette cohorte portant sur 17 493 patients traités par hypoglycémiants oraux (ADO) seuls, 3 118 (18 %) nécessitaient une intensification du traitement selon les recommandations actuelles, mais 39 % seulement en ont bénéficié à six mois : pour 57 % il s’agissait d’une augmentation de la posologie, 35 % d’une augmentation du nombre d’ADO, 3,5 % d’une augmentation de dose et du nombre d’ADO et dans 4,5 % d’un passage à l’insuline (4-5). Cette intensification atteignait 59 % à un an. La deuxième partie de l’étude avait pour but de décrire la typologie des patients afin d’identifier les éventuelles raisons pour lesquelles leur médecin généraliste (MG) avait décidé d’intensifier ou non leur traitement. Des données ont été recueillies chez 2 109 diabétiques de type 2 traités uniquement avec des ADO pendant au moins six mois. Pour 1 732 d’entre eux on disposait d’au moins un taux d’HbA1c datant de moins de six mois : 41 % nécessitaient une intensification du traitement (n = 702). Pour ceux en monothérapie, le MG justifiait le non-renforcement du traitement dans 53 % des cas parce que le taux d’HbA1c était jugé satisfaisant quel qu’il soit dans 32 % des cas supérieurs à 7 %. Les autres raisons invoquées par ordre décroissant étaient : l’attente d’un effet des mesures hygiénodiététiques, une décision repoussée à la prochaine consultation, une baisse du taux d’HbA1c en cours (quoique non confirmée 6 fois sur 10), d’autres priorités de santé que le diabète, un motif lié au patient. La première partie de cette étude avait déjà clairement confirmé que l’inertie existe en France en ce domaine, mais aussi que le jeune âge (40 à 60 ans) et des taux d’HbA1c entre 7 et 8 % incitaient au renforcement alors que, à l’inverse, un âge plus élevé (à partir de 68 ans) et un taux d’HbA1c approchant puis dépassant 9 % accroissaient les freins au renforcement (3,4-5). On peut ainsi conclure que le MG hésite à intensifier si le sujet est très déséquilibré et a plus de 68 ans, et donc lorsqu’il se questionne quant au bénéfice santé « réel et global » à renforcer le traitement et/ou lorsqu’il doute de sa compétence à l’entreprendre. Si, de plus, on considère qu’un contrôle glycémique médiocre et un âge avancé peuvent déboucher sur un risque hypoglycémique accru (avec les sulfonylurées) ou des indications de mise à l’insuline, on peut imaginer que ce soit pour beaucoup de MG un obstacle que d’en convaincre le patient et aussi de la mettre en œuvre lui-même ! DIAttitude est la première étude importante en France permettant de décrire l’inertie clinique face au diabète de type 2 et ses déterminants, elle est riche d’enseignements et constitue un guide pour mieux cerner les façons de la faire reculer, mais aussi de la comprendre.
*Service endocrinologie diabétologie nutrition, pôle DIGIDUNE, CHU et université J. Fourier, Grenoble.
Liens d’intérêts : coordinateur de l’étude DIAttitude financée par BMS Astra Zeneca et a reçu des honoraires de ce groupe à ce titre et comme membre de différents boards nationaux et internationaux sur le diabète.
1) Phillips LS et coll. Clinical inertia. Ann Intern Med 2001;135: 825-34.
2) Reach G. Diabetes Metab. 2008;34:382-5.
3) Bouée S et coll.BEH 2010; 42-43: 436-40.
4) Balkau B et coll. Diabetes Metab, 2012, en cours de référencement.
5) Halimi S et coll. Diabetes Metab, 2012, en cours de référencement.
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