DANS CE QUI constitue dorénavant l’affaire « Mediator », beaucoup de données chiffrées ont été publiées et souvent remises en cause. L’étude « Tribouilloy » était destinée à contourner les biais méthodologiques des études antérieures accusées pour les unes d’extrapolations non fondées, pour les autres de ne considérer que les cas sévères hospitalisés sélectionnant les cas les plus graves.
Pas de cas sévères.
Pour corriger ces aléas, cette cohorte longitudinale prospective a inclus les patients de façon prospective. « Tous les patients ont été adressés pour échographie par les médecins généralistes, précise le Pr Tribouilloy, parce que nous souhaitions avoir des patients consécutifs et écarter ceux déjà vus par des cardiologues qui auraient pu demander un deuxième avis sur une suspicion de valvulopathie. Nous avons également exclu ceux qui présentaient un souffle ou une valvulopathie, ceux qui prenaient des traitements entraînant des valvulopathies médicamenteuses, et ceux qui avaient une histoire connue de valvulopathie. » Les patients inclus devaient avoir été exposés au moins trois mois au benfluorex. Dix centres de référence ont participé à l’essai. Les échographies étaient lues deux fois en aveugle.
«Ce n’est pas une étude d’imputabilité, tient à préciser le Pr Tribouilloy. Nous avons pris deux groupes de diabétiques, l’un exposé au benfluorex, et l’autre non, et nous avons regardé la fréquence des fuites aortiques et/ou mitrales de grade ≥ 1 sans se poser la question de l’imputabilité. C’est une approche purement épidémiologique. »
Sept cent cinquante-deux patients diabétiques ont été inclus dans l’étude, 376 exposés au benfluorex et 376 contrôles ; 293 patients ont été conservés dans chaque groupe pour être complètement appariés et homogènes sur les autres caractéristiques tels que tabac, dyslipidémie, hypertension, âge, sexe et antécédent de coronaropathie. La posologie moyenne de benfluorex est de 352 mg (médiane 450 mg ; 150 à 900 mg) et la durée moyenne d’exposition 61,2 mois (médiane : 36,5 mois, 3 à 360 mois).
Pas de cas sévère.
Dans l’échantillon apparié, la fréquence des fuites aortique et/ou mitrale de grade ≥ 1 était de 31,7 % pour les patients diabétiques exposés au benfluorex et de 12,9 % chez les patients contrôles, soit une différence statistique significative (OR 3,55 ; 2,03-6,21, p ‹ 0,001) ; de 19,8 % versus 4,7 % pour les fuites aortiques (OR : 5,29 ; 2,46-11,4) et de 19,4 % versus 9,6 % (OR 2,38 ; 1,27-4,45) pour les mitrales. Les doubles fuites, aortique et mitrale, sont également plus fréquentes (8 % en cas d’exposition au benfluorex contre 2 %).
« Dans cette étude nous n’avons pas observé de régurgitations aortiques ou mitrales sévères cela vraisemblablement en raison de la rareté du phénomène, estimé à 1/1 000 patient années, mais aussi parce que les cas hospitaliers ou nécessitant d’emblée un deuxième avis avaient été d’emblée écartés », précise le cardiologue.
Et Regulate ?
Ces résultats sont à rapprocher de ceux de l’étude Regulate, qui n’étaient pas publiés au moment où « Circulation » acceptait cette dernière contribution. À ceci près : Regulate avait été designée pour comparer l’effet de deux antidiabétiques oraux ; elle comportait une échographie de base contrairement à celle-ci ; la durée d’exposition, d’un an, était imposée par le protocole. Enfin, les promoteurs ne sont pas les mêmes. Pour autant, les odds ratio retrouvés dans ces deux essais sont voisins.
L’histoire naturelle des régurgitations sous benfluorex reste mystérieuse, expliquent les auteurs ; elles peuvent se stabiliser, régresser ou s’aggraver. La réponse sera donnée par l’étude REFLEX pour laquelle les inclusions viennent de se terminer et dont les résultats sont attendus dans trois ans (cf. encadré).
Increased Risk of Left Heart valve regurgitaion Associated with Benfluorex Use in Patients with Diabetes mellitus A multicenter Study Circulation 9 novembre 2012.
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