VOYONS les faits… Premier constat, le benfluorex est un médicament ancien, mis sur le marché en 1976, dans le diabète de type 2 avec surcharge pondérale, en complément d’un traitement adapté. Mediator n’a jamais été un produit « stratégique » pour Servier, représentant moins d’un pour cent du chiffre d’affaires du groupe.
Cependant, reconnaît-on chez Servier, il est vrai que Mediator a été apprécié en raison de ses propriétés originales, confirmées par deux études versus placebo (publiées en 2003 et 2006) : au delà d’une diminution significative de la glycémie à jeun et du taux d’HbA1c (1 %), on notait en effet une action favorable sur les triglycérides, une neutralité sur le poids et un effet favorable sur le cholestérol LDL.
Une surveillance rigoureuse depuis 1997
L’Afssaps a-t-elle perdu du temps ? A-t-elle été négligente ? Y-a-t-il eu dissimulation de la part du laboratoire ?
En réalité, dès 1997, l’Afssaps a décidé une mise sous surveillance, conduite par la Commission Nationale de la Pharmacovigilance, en raison d’un métabolite commun au Mediator et à l’Isoméride (ce médicament ayant été, on s’en souvient, retiré du marché pour HTAP et valvulopathies). Or, de 1997 à fin 2005, le nombre de cas de HTAP rapporté chez des malades traités par benfluorex ne dépassait pas l’incidence des HTAP dans la population générale. Par ailleurs, sur la même période, 5 cas de valvulopathies avaient été rapportés, chiffre qui est passé à 12 fin 2008 et à 45 fin 2010, à la date de retrait du médicament.
La Commission Nationale de Pharmacovigilance a jugé que ces données représentaient un « signal faible », d’autant que la majorité de ces cas n’ont pas été validés au plan anatomopathologique, ce qui est nécessaire pour affirmer l’origine médicamenteuse d’une valvulopathie.
Pendant tout ce temps, Servier a étroitement collaboré avec les structures de pharmacovigilance, souligne-t-on au laboratoire, notamment en prévoyant, dans l’étude Regulate, qui comparait benfluorex et pioglitazone chez 847 diabétiques de type 2 et comprenant (pour près de 700 d’entre eux), un contrôle échocardiographique à l’inclusion et après un an de traitement.
Cette analyse échocardiographique, centralisée et en aveugle des traitements, a tout d’abord confirmé la très grande fréquence des anomalies valvulaires morphologiques (51,1 %) et fonctionnelles (84,2 %) avant traitement.
Au terme de l’essai, on a retrouvé 8 aggravations morphologiques dans le groupe benfluorex contre 4 dans le groupe pioglitazone. L’incidence des anomalies fonctionnelles a été respectivement de 27,2 % sous benfluorex et de 11,2 % sous pioglitazone ; cette différence est statistiquement significative mais il s’agit le plus souvent de formes asymptomatiques (grade I). Pour les régurgitations symptomatiques on a dénombré 2 cas dans le groupe benfluorex et 3 dans le groupe pioglitazone.
Connus pendant l’été 2009, ces résultats ont été présentés à la Commission de Pharmacovigilance, le 23 septembre 2009. La prise en compte de ces données a conduit l’Afssaps à suspendre l’AMM des médicaments à base de benfluorex le 26 novembre 2009, dont 2 génériques du benfluorex qui avaient reçu leur AMM en octobre 2009.
Evaluation de la CNAM : des points d’interrogation
La dramatisation est venue avec l’enquête effectuée par la CNAM et sa mise en ligne sur le site de l’Afssaps : de là vient le chiffre de 500 morts sous benfluorex, qui ne correspond absolument pas aux données de la pharmacovigilance dont disposent les Laboratoires Servier, ni à celles de l’Afssaps.
De plus, la méthodologie utilisée reste en partie mystérieuse, y compris pour Servier qui a découvert l’étude sur le site de l’Afssaps. « Même si, comme l’a précisé M. Marimbert, directeur de l’Afssaps, il s’agit d’une extrapolation et non d’une élucubration », il ne serait pas inutile de mieux connaître la méthodologie retenue au niveau de l’imputabilité et du calcul des malades exposés…
Aura-t-on un jour ces données ? Saura-t-on un jour si les données extrapolées de la CNAM sont exactes ? Peut-être que oui, si la démarche scientifique arrive à se frayer un chemin dans cette tourmente médiatico-politique. Mais, rien n’est moins sûr… !
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