« LES MÉDECINS sont encore trop souvent réticents à prescrire une contraception à une femme diabétique », remarque Véronique Kerlan. Ce que confirment d’ailleurs les enquêtes réalisées dans différents pays : par rapport à la population générale de femmes en âgé de procréer, les diabétiques sont moins nombreuses à suivre une méthode contraceptive. Or, « il est impératif de programmer les grossesses chez ces patientes », souligne le Pr Kerlan. Il faut en effet obtenir un équilibre glycémique parfait, attesté par la valeur de l’hémoglobine glyquée, au moins trois mois avant la conception pour éviter les risques de malformations ftales, notamment cardiaques et neurologiques, ainsi que les morts in utero. Contrairement à ce que l’on croit, les diabétiques de type 2 sont plus exposées à des complications obstétricales que les diabétiques de type 1 bien équilibrées, en raison de fréquentes comorbidités, essentiellement l’obésité et l’hypertension. « Une contraception efficace et adaptée doit donc être proposée aux femmes diabétiques avant tout projet de grossesse ; en cas désir d’enfant, l’équilibre glycémique doit être strictement maintenu plusieurs mois, ou tout du moins trois mois, avant la conception et une contraception efficace doit être prescrite après l’accouchement ».
Quelle méthode contraceptive proposer à ces patientes ? « Les dispositifs intra-utérins (DIU) sont à privilégier chez les multipares, car ni les DIU au cuivre ni le DIU au lévonorgestrel n’ont d’impact métabolique », répond le Pr Kerlan. De plus, contrairement à ce que l’on pensait il y a quelques années, ces patientes ne sont pas plus exposées que les autres femmes à des complications infectieuses sur stérilet.
Mais les autres méthodes contraceptives ont aussi leurs indications, chez les nullipares et chez les femmes qui ne souhaitent pas de stérilet ou qui le supportent mal.
La contraception hormonale estroprogestative.
Elle peut être prescrite chez les diabétiques sous certaines conditions. Il faut d’abord bien entendu respecter les contre-indications générales : antécédent thromboembolique, infarctus, tumeurs malignes du sein ou de l’utérus, valvulopathies…
Les estroprogestatifs n’ont pas d’effet hyperglycémiant, en revanche, ils sont susceptibles d’augmenter le taux de triglycérides. Ils sont contre-indiqués en cas d’hypertriglycéridémie supérieure à 4 g/l. Chez les diabétiques de type 2, qui ont un taux de triglycérides compris entre 2 et 4 g/l, leur prescription est soumise à une surveillance attentive.
Micro et macroangiopathie.
« La pilule n’augmente pas le risque de complications microvasculaires chez les diabétiques indemnes de ces complications. En cas de rétinopathie, il est possible que la pilule ait un impact délétère, mais nous ne disposons pas d’étude permettant de le confirmer ou de l’infirmer ; dans le doute il est donc préférable d’éviter cette méthode contraceptive. Il en est de même en cas d’atteinte rénale », explique le Pr Kerlan.
En ce qui concerne les complications macrovasculaires, peu d’études ont cherché à évaluer le risque de la contraception estroprogestative chez les diabétiques ; « il semble qu’il y ait une petite augmentation du risque coronarien chez les diabétiques qui prennent la pilule par rapport aux diabétiques qui ne la prennent pas ». Par ailleurs, on sait que le diabète augmente le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC), mais aucune étude n’a montré que ce risque était plus élevé sous pilule.
Accidents thromboemboliques et hypertension artérielle.
« Le diabète n’accroît pas le risque thromboembolique, mais l’obésité oui, il convient donc d’éviter la pilule chez les patientes obèses », précise le Pr Kerlan. « En revanche, il n’y a pas de problème pour les diabétiques de type 1 », ajoute-t-elle.
L’hypertension artérielle (HTA) est une contre-indication à la prescription d’une pilule estroprogestative chez la diabétique. « En l’absence d’hypertension, comme certaines femmes présentent une augmentation des chiffres tensionnels sous pilule et étant donné que les diabétiques de type 2 ont souvent une prédisposition à l’HTA, la surveillance régulière de la pression artérielle s’impose », insiste le Pr Kerlan.
Rappelons que les autres formes de contraception estrogénique, patch ou anneau, ont les mêmes contre-indications, tout comme la nouvelle pilule à base d’estradiol naturel, du moins pour le moment tant que l’on ne dispose pas de données cliniques précises sur son impact métabolique.
Les autres méthodes.
Les progestatifs purs, notamment les microprogestatifs, peuvent être intéressants chez ces femmes, car ils n’ont aucun effet cardiovasculaire, mais ils sont souvent mal tolérés car ils peuvent être responsables de saignements intempestifs. De plus, chez la diabétique de type 2, ils sont susceptibles de favoriser les ovaires polykystiques ; ils sont donc généralement réservés aux femmes qui présentent une contre-indication aux estroprogestatifs.
Les implants n’ont pas non plus d’effet métabolique, ils offrent une contraception simple et prolongée pendant 3 ans, mais ils exposent également à des ménorragies, qui conduisent un certain nombre de femmes à demander leur ablation.
La progestérone injectable sous forme retard, peu utilisée dans notre pays, est contre-indiquée chez la diabétique de type 2.
En revanche, il n’y a aucune contre-indication à la contraception d’urgence, communément appelée contraception du lendemain.
En résumé, chez la diabétique de type 1 multipare, le stérilet sera proposé en première intention. Chez la nullipare ou si la femme n’adhère pas à ce type de contraception, une pilule estroprogestative pourra être prescrite à condition qu’elle n’ait pas de complications microvsculaires (rétinopathie, néphropathie), qu’elle n’ait pas d’hyperlipidémie et qu’elle ne fume pas ;
Chez la diabétique de type 2, multipare, on préférera aussi un dispositif intra-utérin ; sinon un microprogestatif ou un implant, les estroprogestatifs étant réservés aux patientes non obèses, sans troubles lipidiques et sans HTA.
D’après un entretien avec le Pr Véronique Kerlan, CHU de Brest
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