La radiothérapie se place en deuxième, voire en troisième ligne dans les tumeurs hypophysaires, lorsque la chirurgie ne suffit pas, n’est pas faisable ou refusée. Le but est à la fois de bloquer la croissance tumorale et d’endiguer les troubles engendrés par son expansion sur les structures voisines (notamment sur le chiasma optique, à l’origine d'une baisse de l’acuité et d’un rétrécissement du champ visuel).
« L’analyse, à partir des données du registre national français de l’acromégalie, de plus de 1 000 patients ayant un adénome de l’hypophyse, a montré que le recours à la radiothérapie avait fortement diminué durant les trois dernières décennies : passant d’environ 20 % à 10 % en 15 ans (1) », note le Dr Luigi Maione (Le Kremlin-Bicêtre, AP-HP), centre de référence des maladies rares de l’hypophyse (CRMR Hypo), Université Paris-Saclay. La décision se fait au cas par cas.
Les modalités pratiques ont également beaucoup évolué : « Autrefois, on avait surtout recours à la radiothérapie fractionnée, comportant 30 à 35 séances sur deux mois (cela reste d’actualité pour les tumeurs qui ont tendance à s’étaler). Mais de nouvelles techniques ont émergé. Les thérapies stéréotaxiques (comme le Gamma knife), permettent de réduire le nombre de séances ; elles sont surtout réservées aux petites tumeurs très bien circonscrites. La protonthérapie améliore le ciblage de la région à traiter (elle n’est pas pratiquée partout). Le choix se fait après discussion au sein d’une équipe multidisciplinaire (endocrinologue, neurochirurgien, radiothérapeute) et le patient », explique le Dr Maione.
Fonctions de l’hypophyse antérieure
Les axes hypophysaires sont plus ou moins sensibles aux radiations. Une radiothérapie cérébrale majore le risque d’hypopituitarisme, mais qui dépend de la technique utilisée et des doses reçues. De 30 à 60 % des patients vont être touchés. Le déficit peut apparaître au maximum dans les dix ans qui suivent la radiothérapie cérébrale (le plus souvent dans les cinq ans). Après ce délai, cette probabilité devient nulle. « En pratique, ces patients sont suivis en centre expert et les résultats intermédiaires (examen clinique, tests hormonaux statiques et dynamiques) déterminent le rythme de la surveillance. S’y ajoute un suivi par les radiothérapeutes », détaille le Dr Maione.
Les cellules somatotropes, qui fabriquent l’hormone de croissance (GH), sont les plus sensibles à la radiothérapie cérébrale, raison pour laquelle on retrouve plus souvent ce déficit hormonal. Lorsqu’il est avéré, une substitution peut être proposée. « La supplémentation en GH repose sur des injections sous-cutanées quotidiennes : elle est indispensable chez l’enfant mais pas systématique chez l’adulte, qui tolère bien le déficit, en dehors de certaines anomalies du métabolisme et de la composition corporelle. C’est donc discuté au cas par cas », précise le Dr Maione.
Un déficit en gonadotrophines justifie le plus souvent un traitement substitutif, sauf en cas de contre-indication (et, bien évidemment, pas après la ménopause).
Les déficits thyréotropes et/ou corticotropes, quant à eux, doivent être compensés : ce dernier est le plus difficile à adapter et nécessite une éducation spécifique avec des ateliers pratiques. Le patient doit être capable de savoir comment réagir en cas de vomissements ou de diarrhées, ou d’un autre évènement intercurrent comme une infection, une chirurgie, etc. Il faut aussi lui proposer de porter en permanence une carte d’insuffisant surrénal sur lui. « En revanche, il n’y a jamais de diabète insipide (maladie de l’hypophyse postérieure) après radiothérapie cérébrale », rassure le Dr Maione.
Méningiome secondaire ou AVC
La survenue d’une seconde tumeur post-radique à la base du crâne est à contrôler, notamment s'il s'agit d’un méningiome. Ceux de petite taille relèvent d’une simple surveillance. S’ils grossissent ou entraînent des déficits focaux du fait de leur localisation, ils doivent bénéficier d’imageries à répétition voire d’une chirurgie.
Une étude britannique portant sur 4 300 patients soumis à une radiothérapie pour adénome hypophysaire (ou pour craniopharyngiome, autre tumeur de la région hypophysaire) a comparé l’incidence et le risque de survenue d’une seconde tumeur à distance après radiothérapie, par rapport à celui d’une population contrôle (2). Ce risque est multiplié par 2,18 après radiothérapie cérébrale. « C’est finalement assez loin des précédentes estimations (on pensait ce risque multiplié par huit). Il n’y a donc pas lieu de diaboliser la radiothérapie cérébrale (3) », rassure le Dr Maione.
Des séries anciennes rapportent également un surrisque d’AVC, mais il s’agissait de radiothérapies étendues à doses élevées (plus de 20 Gy). Des études plus récentes incluant les nouvelles radiothérapies seraient donc utiles. « Encore faut-il, pour se poser la question d’une indication de la radiothérapie cérébrale, pouvoir concentrer les doses dans la zone cible la moins étendue et la plus circonscrite possible, ne pas trop attendre que la tumeur grossisse et/ou touche des structures avoisinantes sensibles », souligne le Dr Maione.
Entretien avec le Dr Luigi Maione (Le Kremlin Bicêtre) (1) Maione L et al. Eur J Endocrinol. 2017 May;176(5):645-55 (2) Hamblin R et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2022 Aug;10(8):581-8 (3) Maione L et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2022 Aug;10(8):552-4
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?