On distingue globalement deux types d’acides gras poly-insaturés oméga 3 : ceux issus des plantes, comme l’acide alpha-linolénique qui peut être converti par l’organisme en EPA (acide éicosapentaénoïque) et DHA (acide docosahexaénoïque), et ceux issus des poissons gras, l’EPA et le DHA.
« La mise en évidence, dans des études in vitro, d’un effet anti-inflammatoire et vasodilatateur de l’EPA et du DHA a conduit à proposer une supplémentation en oméga 3, afin de faire pencher la balance oméga 3/oméga 6 vers les effets supposés bénéfiques des oméga 3 et limiter les effets négatifs des omégas 6 », rappelle la Pr Ariane Sultan (Montpellier). Une supplémentation qui a gagné en popularité après que des études observationnelles ont montré une relation entre les taux plasmatiques d’oméga-3 et le risque de décès après un infarctus du myocarde.
Échec sur la mortalité totale, coronaire et les évènements
Mais une revue Cochrane publiée en 2018, ayant porté sur 79 essais randomisés en prévention primaire ou secondaire sur plus de 110 000 personnes, a conclu à l’absence ou au peu d’effet de la supplémentation en oméga 3 (quelle que soit sa nature), que ce soit sur la mortalité totale, cardiovasculaire ou les événements cardiovasculaires (1). Au niveau biologique, la supplémentation à forte dose en EPA/DHA était associée à une réduction significative des triglycérides plasmatiques, avec un effet dose-réponse mais sans impact sur le taux de cholestérol. Quant à la supplémentation en acide alpha-linolénique, elle était sans effet sur le bilan lipidique.
De plus, la supplémentation en oméga 3 (acide alpha-linolénique ou EPA/DHA) n’apporte aucun bénéfice quant à la réduction de l’indice de masse corporelle (IMC) ou de la pression artérielle (PA). Parallèlement, des effets secondaires notables ont été constatés lors de la supplémentation en EPA/DHA, notamment digestifs (douleurs abdominales, diarrhée, nausées), conduisant à de nombreux arrêts de traitement. « Si l’on se penche plus spécifiquement sur la supplémentation en acide alpha-linolénique, elle était clairement sans effet sur la mortalité totale et coronaire et sur les événements coronaires, mais elle pourrait avoir un bénéfice sur le risque d’arythmie », précise la Pr Sultan.
Depuis la publication de cette revue Cochrane, l’étude Vital (ayant inclus 25 000 personnes) a elle aussi conclu à l’absence d’effet bénéfique de la supplémentation en oméga 3 et en vitamine D3 (analyses factorielles) sur le risque cardiovasculaire comme sur celui de cancer, en prévention primaire et ce avec un suivi de 5 ans (2).
Un effet sur le risque résiduel ?
L’étude Reduce-IT, publiée en début d’année, menée sur une population particulière de sujets en prévention secondaire ayant une hypertriglycéridémie et déjà traités par statines, a de son côté souligné les bénéfices d’une supplémentation avec un ester d’EPA à forte dose (4 g/j) : elle a été associée à une réduction du MACE de 25 % (3).
« Dans ce dernier essai, la supplémentation a eu un effet sur le risque résiduel de personnes au profil spécifique. Mais dans une population tout-venant en prévention primaire, la supplémentation en oméga 3 ne s’accompagne pas de bénéfice cardiovasculaire », conclut la Pr Sultan.
Entretien avec la Pr Ariane Sultan, CHU de Montpellier
(1) Abdelhamid AS et al. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Jul 18;7:CD003177
(2) Manson JE et al. N Engl J Med. 2019 Jan 3;380(1):23-32
(3) Bhatt DL et al. N Engl J Med. 2019 Jan 3;380(1):11-22
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