SELON les deux chercheurs canadiens qui ont mené l’enquête, leur travail est la première analyse systématique sur la relation entre les contraceptifs oraux et le cancer de la prostate. David Margel et Neil E. Fischer (Toronto, Canada) viennent de mettre en évidence, par la voie d’une étude écologique, un lien entre les deux. Et l’une des forces de leur travail repose sur son ampleur, puisqu’il porte sur 87 nations, prises au hasard parmi 50 % des États des cinq continents.
La relation a été établie partir des données 2008 de l’Agence internationale de recherches sur le cancer, pour le cancer de la prostate, et de celles de l’utilisation mondiale des contraceptifs en 2007 fournies par les Nations Unies. Les deux urologues canadiens établissent que la prise des contraceptifs oraux est significativement associée à une augmentation mondiale de l’incidence et de la mortalité du cancer de la prostate (respectivement, r = 0,61 et r = 0,53, p< 0,05). Il en va de même pour l’incidence de la tumeur en Europe (r = 0,545, p< 0,05) et par continent (r = 0,522, p< 0,05). Une analyse multivariée montre qu’il n’existe pas de relation avec l’état de santé des diverses populations.
Les données recueillies sur la contraception ne portaient pas que sur les estroprogestatifs, mais aussi sur les dispositifs intra-utérins, les préservatifs et les barrières mécaniques ou chimiques. Aucune relation n’a été établie entre leur usage et le cancer prostatique.
Deux grandes hypothèses.
Reste à comprendre comment une telle relation est possible. Deux grandes hypothèses sont proposées par les auteurs. La première évoque une transmission sexuelle. De fait des travaux récents ont suggéré le rôle d’un virus lié au virus xénotropique de la leucémie murine (XMRV). Certes, cette piste mérite d’être creusée, mais semble ici peu vraisemblable aux yeux des chercheurs. Si tel était le cas, la relation mise en évidence existerait avec les autres modes de contraception, dont l’un assure pourtant une protection.
Plus plausible est l’impact environnemental des estroprogestatifs, par leur rôle de perturbateurs endocriniens. Leurs dérivés (ou l’éthinylestradiol directement) sont éliminés par les urines. Ils arrivent, en fin de parcours de retraitement des eaux usées, dans l’eau de boisson, qu’ils contaminent, ou dans la chaîne alimentaire. Si les contraceptifs oraux sont disponibles depuis les années 1960, ils connaissent une réelle expansion mondiale depuis les années 1980. Ce qui favoriserait l’exposition des populations à des quantités infinitésimales, certes, mais de façon chronique sur vingt à trente années. De quoi provoquer un effet clinique significatif.
Modifications génétiques ou épigénétiques.
L’étape suivante de la compréhension du phénomène porte sur l’atteinte du tissu prostatique par ces perturbateurs endocriniens. Ils pourraient agir au niveau du tissu de la glande en créant des modifications génétiques ou épigénétiques, insoupçonnables par des dosages sanguins. Des études antérieures ont mis en évidence que des polymorphismes des gènes impliqués dans la synthèse et le métabolisme des estrogènes influent sur le risque de cancer de la prostate.
« D’aucuns pourraient dire que nos résultats ne sont que le reflet du dépistage et des thérapeutiques du cancer de la prostate, notamment dans les pays les plus développés qui utilisent davantage les contraceptifs oraux et connaissent une incidence élevée de cancers de la prostate », écrivent les auteurs. Un argument qu’ils balaient en expliquant que dans leur analyse multivariée, les contraceptifs oraux étaient toujours impliqués même après avoir tenu compte de divers facteurs confondants, notamment le produit intérieur brut.
La conclusion, cependant, se montre moins formelle, au moins sur la physiopathologie. Si les Canadiens confirment le lien qu’ils ont mis en évidence, il apparaît moins sûr que de classiques études de cohorte, cas-témoins, puissent affirmer son origine dans les perturbateurs endocriniens. Ils suggèrent donc la mise en place d’études corrélant environnement et lésions tissulaires.
BMJ Open, doi:10.1136/bmjopen-2011-000311.
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