UNE SORTE « d’organe microbien ». C’est ainsi que la flore intestinale est qualifiée aujourd’hui, son influence ne cessant de s’accroître au fil des recherches. À ce point qu’il serait même possible, en modifiant sa composition, de prévenir certaines maladies métaboliques telles que le diabète, la stéatose hépatique et l’obésité, comme le suggèrent plusieurs études françaises présentées récemment. Pour l’équipe de Rémy Burcelin et Matteo Serino, chercheurs dans l’unité Inserm 1048 « Institut des maladies cardiovasculaires (I2MC) », Université de Toulouse III-Paul Sabatier (1), des additifs nutritionnels (gluco-oligosaccharides, fibres alimentaires) visant le microbiote intestinal pourraient empêcher le développement de troubles du métabolisme, en particulier de diabète. Pour d’autres, l’équipe INRA Franck Duca et celle de T.Leroy, une manipulation de la flore par greffe pourrait s’avérer prometteuse non seulement dans le diabète et la stéatose, mais aussi dans l’obésité.
Maigres et diabétiques.
Alors que les mille espèces bactériennes du microbiote intestinal se nourrissent de ce que nous ingérons, des travaux antérieurs ont montré qu’une alimentation riche en graisse déséquilibre la flore intestinale, ce qui peut entraîner l’apparition d’un diabète. L’équipe de Rémy Burcelin a étudié des souris mâles identiques pour l’âge et la génétique, qui ont été nourries pendant trois mois par une alimentation grasse (diabétogène et non obésitogène). Alors que certaines étaient devenues diabétiques en restant maigres et d’autres, toujours maigres, restaient non diabétiques, les chercheurs se sont aperçus que le profil microbien était différent entre les deux phénotypes.
Les souris maigres diabétiques étaient caractérisées par une flore composée majoritairement de bactéries de type Bacteroides, à la différence des souris maigres non diabétiques où le type Firmicutes était prédominant. Se posait alors la question de savoir si la flore intestinale était cause ou conséquence du trouble métabolique. Surprise, en ajoutant des fibres alimentaires, des gluco-oligosaccharides, au régime riche en graisse, les scientifiques ont constaté que « le métabolisme des souris traitées avec ces fibres est proche de celui des souris maigres et non diabétiques, comme le précise Mattéo Serino. Cependant, la flore intestinale des souris traitées par les fibres est devenue très différente par rapport à celle des autres phénotypes observés ».
Des souris suralimentées.
La greffe de flore intestinale pourrait avoir un rôle thérapeutique dans le diabète et la stéatose hépatique (NAFLD en anglais, Non Alcoholic Fatty Liver Disease). C’est ce que suggèrent T. Le Roy et al. (2), dont les travaux chez la souris sont très proches de ceux de l’équipe INRA dirigée par Frank Duca (3). La première a étudié l’effet du transfert de flore sous l’angle du diabète et de la stéatose, la seconde sous l’angle de l’obésité. Dans l’étude de T. Le Roy et al., la flore greffée était issue soit de souris suralimentées ayant développé un diabète et une stéatose, soit de souris surnourries mais restées saines ; dans l’étude INRA, la flore transférée provenait de rongeurs obèses ou non obèses.
Les scientifiques ont fait des constatations très intéressantes, de part et d’autre. Dans l’étude sur le diabète et la stéatose, le groupe greffé avec de la flore issue de souris malades a développé à son tour une insulinorésistance et une augmentation des lipides hépatiques, ce qui n’était pas le cas dans l’autre groupe. Et ce avec une diminution de microorganismes intestinaux, en particulier de l’espèce Lachnospiraceae. Dans l’étude sur le diabète, les souris greffées avec de la flore d’obèses mangeaient davantage, grossissaient plus et devenaient plus facilement obèses, et là aussi avec un profil microbien différent. La greffe de microbiote pourrait ainsi permettre de prévenir des maladies métaboliques chez les sujets à risque. Il reste désormais à transposer ces résultats chez l’homme. L’équipe de Rémy Burcelin est confiante sur l’issue de leurs recherches « si on ne peut pas comparer la flore bactérienne d’une souris à celle d’un homme (2 % seulement de superposition), certains mécanismes inflammatoires liés à certaines bactéries, comme le Fæcalibacterium prausnitzii, semblent être les mêmes. »
(1) Gut, version papier, avril 2012 ; (2) communiqué de l’International Liver Congress, avril 2012 (Barcelone), organisé par l’European Association for the Study of the Liver (EASL) ; (3) communiqué de l’Experimental Biology, avril 2012 (San Diego), organisé par la Federation of American Societies for Experimental Biology (FASEB).
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