Une définition théorique
D’après l’OMS le diabète gestationnel est un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué pour la première fois pendant la grossesse quels que soient le traitement nécessaire et l’évolution à l’issue de l’accouchement. Il s’agit là d’une définition qualitative non opérationnelle. Cette définition est critiquable car elle regroupe de fait deux populations de femmes dont le pronostic fœto-maternel n’est probablement pas le même : d’une part, des femmes ayant un trouble de la tolérance glucosée antérieur à la grossesse mais méconnu, d’autre part, des femmes dont l’anomalie de la tolérance glucosée apparaît en cours de grossesse à l’occasion de l’insulino-résistance para-physiologique qui accompagne la grossesse.
Morbi-mortalité périnatale
Relation entre glycémie maternelle et morbidité périnatale.
Les bénéfices du dépistage et de la prise en charge du diabète gestationnel sont assez bien évalués. En effet le diabète gestationnel est associé à une augmentation des risques fœto-maternels, en particulier de la mortalité périnatale et des risques liés à la macrosomie (dystocie de l’épaule, lésions du plexus brachial, césarienne), de l’hypertension artérielle gravidique et des risques à long terme pour l’enfant et pour la mère dont le risque relatif de voir apparaître un diabète de type 2 dix ans après l’accouchement est de 3 à 20 selon les séries. S’il n’existe aujourd’hui aucune preuve directe qu’un dépistage systématique ou ciblé du diabète gestationnel réduit la morbi-mortalité périnatale il est certain que le taux de macrosomie croît avec le niveau de la glycémie maternelle. La glycémie maternelle est également le principal facteur prédictif de la survenue d’un diabète à distance de la grossesse chez la mère.
Une définition opérationnelle
Fortes de ces données, plusieurs sociétés savantes et instances ont proposé des stratégies de dépistage et de diagnostic. La Haute Autorité de Santé n’a pas été en reste et a formulé des recommandations en 2005. Elles ont toutes été à l’origine de tergiversations, de controverses et de querelles d’école préjudiciables et ne sont pas parvenues à clarifier de nombreuses questions restées en suspens. S’il était admis par tous que la glycosurie ou l’hémoglobine glycosylée (HbA1C) étaient des moyens de dépistage critiquables et insuffisants et que la période la plus favorable pour le dépistage était située entre la 24e et la 28e semaine d’aménorrhée, le débat persistait quant aux outils du dépistage, au caractère systématique ou ciblé de celui-ci et, enfin et surtout, aux valeurs seuils glycémiques. Les divergences les plus importantes portaient sur la difficulté à déterminer un seuil arbitraire de prise en charge face à un risque continu.
L’étude HAPO (Hyperglycemia and Adverse Pregnancy Outcome) publiée en 2008 est une étude d’observation en double aveugle chez 25 505 femmes enceintes dont l’objectif était de mieux clarifier l’association entre l’hyperglycémie maternelle et les complications périnatales après réalisation d’un test de charge glucosé entre la 24e et la 32e semaine d’aménorrhée. Les critères de jugement étaient le poids de naissance supérieur au 90e percentile, la césarienne, l’hypoglycémie néo-natale et la concentration sur le sang du cordon du peptide C (équivalent de la sécrétion d’insuline) au 90e percentile. Ses résultats ont confirmé qu’une relation entre la glycémie maternelle et la morbidité fœto-maternelle existait dès les niveaux les plus bas de la glycémie (< 0,75 g/l) et persistait selon le principe d’une relation continue. Ils ont également confirmé les liens physiopathologiques entre la glycémie et la macrosomie fœtale après ajustement sur de nombreux facteurs. L’hyperglycémie est donc bien un facteur de risque indépendant, toutes choses étant égales par ailleurs.
Dépistage : nouvelles valeurs seuils
L’étude HAPO a apporté des arguments robustes pour fixer des niveaux seuil d’hyperglycémie à l’état basal et après un test de charge glucosée et a inspiré des recommandations internationales édictées par l’IADPSG (International Association of Diabetes and Pregnancy Study Group), que l’on espère enfin consensuelles et durables. Elles proposent un dépistage systématique aux alentours du 6e mois de la grossesse par une stratégie en un temps (sans recourir à une sélection par le test de O’Sullivan) afin de dépister au plus vite les formes les plus graves. Le dépistage est effectué d’emblée par un test d’hyperglycémie par voie orale (HGPO) à 75 g de glucose sur 2 heures. Cette épreuve de charge glucosée fournit plusieurs valeurs mais une seule valeur anormale suffit au diagnostic de diabète gestationnel. Les valeurs seuils sont les suivantes :
- glycémie à jeun ≥ 0,92 g/l
- glycémie à 1 h ≥ 1,80 g/l
- glycémie à 2 h à 1,53 g/l.
Le diabète patent est défini par une glycémie à jeun ≥ 1,26 g/l, un taux d’HbA1c ≥ 6,5 % ou une glycémie à la volée ≥ 2 g/l mais des tests de confirmation sont nécessaires.
Il est par ailleurs recommandé de déterminer la glycémie à jeun et l’HbA1c lors de la première visite prénatale soit chez toutes les femmes, soit chez les femmes à risque. Si à ce stade, la glycémie à jeun est supérieure à 0,92 g/l mais inférieure à 1,26 g/l (seuil conventionnel de diagnostic du diabète patent) il est nécessaire de réaliser d’emblée une HGPO. Selon l’ADA (American Diabete Association) l’existence de facteurs de risque devrait inciter à réaliser une HGPO dès le 1er trimestre et à la renouveler au 6e mois s’il n’existe pas d’anomalie. Les principaux facteurs de risques sont l’âge › 30 ans, les antécédents de diabète dans la famille, de macrosomie, de mort in utero ou à la naissance, de surpoids ou d’obésité.
Conséquences
Conséquences de la découverte d’un diabète gestationnel.
La découverte d’un diabète gestationnel impose une éducation nutritionnelle, la mise en place d’une auto-surveillance de la glycémie (4 déterminations par jour) et un monitoring foeto-maternel régulier. Une insulinothérapie est indiquée lorsque la glycémie n’est pas normalisée par les mesures hygiéno-diététiques. C’est à ce prix que pourra être maitrisée la morbi-mortalité imputable au diabète gestationnel au prix d’un risque faible d’hypoglycémie maternelle.
Gageons que l’application de ces nouvelles recommandations de diagnostic et de dépistage du diabète gestationnel qui va plus que doubler la prévalence de celui-ci et donc son coût pour un bénéfice modéré ne convaincra pas tous les sceptiques et ne suspendra pas les polémiques suscitées depuis des lustres par cette situation particulièrement sensible.
Référence :
HAPO Study Cooperative Research Group. Hyperglycemia and adverse pregnancy outcomes. N. Engl. J. Med 2008, 358, 1991-2002.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024