PAR LE Dr FRANÇOIS DIÉVART*
EN UNE dizaine d’années, une vingtaine d’essais thérapeutiques ont évalué l’utilité d’un abaissement intensif, c’est-à-dire jusqu’à des valeurs proches de la normale, de la glycémie chez des patients hospitalisés. Ces études ont été conduites chez des malades diabétiques ou non, dès lors que leur glycémie était élevée. Elles ont été entreprises car il avait été montré que la glycémie est corrélée avec le pronostic chez les patients hospitalisés, notamment en soins intensifs : plus la glycémie est importante, plus le risque de décès est élevé.
Une évolution des résultats des essais.
Les premiers de ces essais thérapeutiques, le plus souvent de petite taille et effectués dans un seul centre investigateur, avaient indiqué qu’un abaissement intensif de la glycémie chez les patients hospitalisés était bénéfique. En conséquence, plusieurs hôpitaux avaient élaboré des protocoles spécifiques de prise en charge de la glycémie, protocoles impliquant des diabétologues et plusieurs autres spécialistes, dont les cardiologues des unités de soins intensifs.
Puis est venue une vague d’essais thérapeutiques ne montrant pas de bénéfice de l’abaissement intensif de la glycémie. Plus encore, en 2009, est paru le plus grand essai thérapeutique conduit dans le domaine, l’étude NICE SUGAR, montrant une augmentation précoce et significative de la mortalité totale avec une stratégie thérapeutique ayant pour objectif d’abaisser la glycémie entre 0,80 et 1,08 g/l, plutôt que de la laisser entre 1,44 et 1,80 g/l (3).
Une analyse nécessaire.
Afin de juger et de quantifier l’apport d’un abaissement de la glycémie chez des patients hospitalisés, l’American College of Physicians (ACP) a fait réaliser une métaanalyse des essais disponibles (2).
Première constatation, la littérature sur le sujet est globalement de faible qualité. Ainsi, elle a été disparate en termes de taille d’étude et cette taille a été le plus souvent faible. Par exemple 12 000 patients ont été inclus dans les 12 études faites dans des services de soins intensifs, dont 6 000 dans une seule et même étude. Elle a souvent été de faible qualité méthodologique, avec des groupes non strictement comparables, des modalités de randomisation mal précisées, de nombreuses études monocentriques, etc. Et seulement quelques types d’hospitalisations ont été concernés par les essais thérapeutiques, essentiellement des hospitalisations en soins intensifs et en postchirurgie.
Ce travail a abouti à trois grandes conclusions
…
La première et la principale est que la diminution intensive de la glycémie avec de l’insuline chez un patient hospitalisé n’est associée ni à une réduction de mortalité précoce (c’est-à-dire à 28 jours) ni de la mortalité différée (c’est-à-dire à 90 ou 180 jours). Et ce, dans des études où l’incidence de la mortalité totale précoce était de l’ordre de 20 %.
La deuxième est que la diminution intensive de la glycémie avec de l’insuline chez un patient hospitalisé multiplie par 6 le risque d’hypoglycémie inférieure à 0,40 g/l et que ce risque concerne 10 % des patients.
La troisième est que la qualité globalement médiocre des études disponibles ne permet pas de juger si un bénéfice d’un abaissement de la glycémie pourrait être envisagé dans une population particulière.
Et à une simplification.
Au terme de l’analyse de la littérature, l’ACP émet donc trois recommandations simples.
La première est de ne pas utiliser un traitement intensif par insuline pour contrôler strictement la glycémie chez des patients hospitalisés en dehors de soins intensifs médicaux ou chirurgicaux, qu’ils aient ou non un diabète.
La deuxième est de ne pas utiliser un traitement intensif par insuline pour normaliser la glycémie chez les patients hospitalisés en soins intensifs médicaux ou chirurgicaux, que les patients aient ou non un diabète.
La troisième est de viser une cible glycémique entre 1,40 et 2,00 g/l (7,8 à 11,1 mmol/l) si un traitement par insuline est utilisé chez des patients en soins intensifs médicaux ou chirurgicaux.
L’objectif n’est donc plus une glycémie « normale », mais une glycémie garante d’un rapport bénéfice-risque acceptable.
*Cardiologue, Dunkerque
(1) Qaseem A, et al. Use of intensive insulin therapy for the management of glycemic control in hospitalized patients: a clinical practice guideline from the American College of Physicians. Ann Intern Med 2011;154(4):260-7.
(2) Kansagara D, et al. Intensive insulin therapy in hospitalized patients: a systematic review. Ann Intern Med 2011;154(4):268-82.
(3) The NICE-SUGAR Study Investigators. Intensive versus conventional glucose control in critically ill patients. N Engl J Med 2009;360(13):1283-97.
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