Le DT1 cliniquement établi est précédé par deux stades précliniques : le stade 1, défini par une auto-immunité bêta pancréatique mais sans anomalie de la tolérance glucidique, et le stade 2, où l’auto-immunité s’associe à des altérations débutantes du bilan glycémique. Quant au stade 3, il correspond à une majoration du niveau d’hyperglycémie et à des signes cliniques de diabète qui, s’ils ne sont pas repérés rapidement, pourront conduire à une acidocétose, anomalie métabolique sévère mettant en jeu le pronostic vital. « C’est malheureusement actuellement le mode de révélation le plus fréquent chez les patients », rappelle la Dr Élise Bismuth (hôpital Robert-Debré, AP-HP).
La recherche de quatre autoanticorps (aAcs) dirigés contre les cellules bêta pancréatiques permet de faire le diagnostic dès le stade 1, lorsqu’au moins deux aAcs sont présents. La présence d’un seul aAc définit le pré-stade 1, qui peut régresser, persister ou se compléter avec d’autres aAcs. Le stade 2 y associe une intolérance au glucose, avec des hyperglycémies transitoires, en particulier sur les temps précoces de l’HGPO, les tracés de mesure du glucose en continu, voire des anomalies de la GAJ – entre 1 et 1,26 g –, et/ou une HbA1c entre 5,8 et 6,5 %.
Un dépistage chez les apparentés au premier degré
Divers programmes de dépistage se sont développés dans le monde et ont montré leurs bénéfices. Le risque pour un apparenté au premier degré de développer un DT1 étant au moins dix fois plus élevé que dans la population générale, le programme européen Innodia est fondé sur la recherche des aAcs, chez les apparentés âgés de 1 à 45 ans. En France, il a été déployé ces dernières années par le Pr Roberto Mallone (hôpital Cochin, Paris), premier auteur d’une prise de position d’experts français détaillant comment et quand intervenir (1).
Cette approche devra entrer en soins courants, avec des précisions sur ses modalités
Le but est de faire entrer cette approche de dépistage en soins courants, en précisant ses modalités : à partir de quel âge, quand recontrôler en cas de résultats négatifs, quel suivi pour les patients repérés à un stade précoce de DT1.
Retarder la maladie et limiter les complications
Le dépistage précoce permet d’éviter l’acidocétose (les études ayant d’ailleurs bien montré que, même quand un apparenté est déjà diagnostiqué DT1 dans la famille, le taux d’acidocétose n’est pas réduit), d’accompagner les personnes repérées à un stade précoce notamment sur le plan psychologique, d’agir sur les facteurs modifiables (sédentarité, surpoids, obésité) et d’améliorer le pronostic de la maladie par un traitement le plus précoce possible, avec un meilleur équilibre métabolique initial et à long terme, donc moins de complications.
Par ailleurs, certaines molécules peuvent être proposées dans le cadre d’études cliniques et/ou dans le soin courant, selon certains critères précis, afin de ralentir la transition entre les stades 2 et 3, et donc potentiellement retarder (mais pas éviter) le besoin de traitement insulinique. L’une d’entre elles, le teplizumab, anticorps monoclonal anti-CD3, a été approuvé par la FDA – et à titre compassionnel pour le moment en France – chez les patients au stade 2 âgés d’au moins 8 ans (2) ; « cela ouvre donc des perspectives concrètes pour les patients dépistés qui souhaiteraient agir sur l’histoire naturelle de la maladie », explique la Dr Bismuth.
Éradiquer le risque d’acidocétose
Pour l’experte, s’il est nécessaire de sensibiliser les médecins traitants à la possibilité du dépistage des apparentés DT1, il est encore plus primordial d’insister sur le repérage des signes cliniques précoces de DT1 afin d’éradiquer l’acidocétose en population générale. « D’énormes progrès sont à faire, il y a trop de retard au diagnostic, alors même que les signes cliniques d’hyperglycémie sont caractéristiques et que des examens simples au cabinet (bandelette urinaire, dextro) suffisent, en présence de symptômes explicites à confirmer le diagnostic, déplore la Dr Bismuth. Le recours à des examens de laboratoire, trop souvent demandés, ne fera que faire perdre du temps et majorer le risque d’évolution vers l’acidocétose. Cela est bien sûr particulièrement vrai chez l’enfant et l’adolescent, chez qui la mortalité par acidocétose est la plus élevée. » Actuellement, 40 % à 50 % des enfants DT1 arrivent à l’hôpital au stade d’acidocétose, alors que les trois quarts ont consulté la semaine précédente ; mais soit le diabète n’a pas été envisagé, soit la prescription d’examens complémentaires a retardé le diagnostic.
L’association Aide aux jeunes diabétiques (AJD) poursuit ses actions de prévention dans ce domaine et vient de lancer la campagne de sensibilisation « Ensemble, repérons les signes du diabète de type 1 avant qu’il ne soit trop tard » , qui cible l’enfant et l’adolescent.
Entretien avec la Dr Élise Bismuth, hôpital Robert-Debré (AP-HP)
(1) Mallone R, et al. Dépistage et prise en charge du diabète de type 1 préclinique, stade 1-2. Prise de position d’experts français. Med Mal Metab 2024;18:405-32
(2) Herold et al. N Engl J Med. 2019;381(7):603-13
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