La prévalence de l’obésité ne cesse de croître partout dans le monde, en particulier chez les enfants, pour concerner jusqu’à 30 à 40 % des adultes dans certains pays, avec 8 % d’obésités sévères (IMC > 40 kg/m2). La chirurgie bariatrique est aujourd’hui de plus en plus proposée comme un traitement des obésités sévères ou lorsqu’un IMC ≥ 35 s’accompagne de comorbidités, cela en raison de sa capacité à obtenir une perte de poids plus significative que les autres méthodes non chirurgicales, avec une rémission du diabète de type 2 et la réduction de la mortalité à long terme. Avec l’arrivée des méthodes cœlioscopiques et l’expérience chirurgicale, la morbimortalité liée à ce geste a considérablement diminué au fil des années atteignant 0,1 % de mortalité et 5 % de morbidité sérieuse.
Un million d’opérés
En France, alors que la prévalence de l’obésité est relativement faible, nous sommes, après les États-Unis et le Brésil, au 3e rang mondial en nombre de chirurgies bariatriques ! Il y a eu, en 2018 dans notre pays, au moins 60 000 gestes. Ce chiffre était de 15 000 il y a 10 ans (fig. 1). Soit un nombre total d’opérés entre 900 000 et 1 million depuis les débuts de cette chirurgie. Les anneaux sont moins posés (5 %), au profit des by pass gastriques (> 30%) et surtout de la sleeve gastrectomie (60 %).
Ces chiffres sont fondés sur des données démographiques nationales exhaustives très fiables (croisement Sniiram-PMSI) mais les données manquent quant aux résultats : perte de poids obtenue, paramètres métaboliques et l’évolution des pathologies associées, qui ne peut qu’être indirectement évaluée, par l’achat de médicaments. On peut cependant en déduire une forte réduction de la mortalité (– 50% sur 7 années de suivi et – 62 % pour la sleeve gastrectomie), meilleure que dans l’étude SOS, et une baisse du recours aux antidiabétiques, antihypertenseurs, hypolipémiants et antidépresseurs.
Une répartition déconnectée de celle de l’obésité
Comment expliquer qu’il y ait plus de gestes en France qu’ailleurs ? La seule réponse plausible semble être le système de soins, qui prend totalement en charge cette chirurgie pour tous les patients, incitant ou autorisant à plus de gestes qu’ailleurs. Par exemple, avec une prévalence de l’obésité chez les adultes de 15,3, 17 et 20 % en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne respectivement, le nombre de gestes en 2013 était de 7298, 5 558 et… 41 648 ! Autre fait notable dans notre pays : de fortes disparités régionales (fig. 2).
On doit insister aussi sur le fait que cette chirurgie n’est pas anodine, avec des effets indésirables non négligeables et surtout plus fréquents qu’on l’imagine, en premier lieu des troubles digestifs sérieux ou graves, dont un tiers conduisent à des réhospitalisations et des gestes chirurgicaux itératifs (10 % la première année). Mais le fait le plus préoccupant est la très médiocre qualité du suivi, très éloigné des recommandations, et considéré conne satisfaisant pour seulement 12 % des patients ! Des lacunes importantes sont notées dès la première année, notamment en ce qui concerne la prescription de compléments nutritionnels (pour la prévention des carences martiales et calciques).
Autorisation préalable et registre
Il existe pourtant des recommandations nationales précises et une organisation territoriale – dans les établissements publics du moins. Il conviendrait en particulier de favoriser le recours aux 37 centres spécialisés de l’obésité (CSO), créés par le plan obésité 2011-2013.
La Haute Autorité de santé (HAS) a édité un ensemble de documents décrivant les conditions de sélection des patients, la nature du bilan préopératoire et celle de la surveillance postopératoire, et ce afin de prévenir les complications précoces comme tardives. Elle rappelle que « l’intervention ne peut être envisagée que pour les personnes souffrant d’obésité grave et uniquement en deuxième intention, après échec d’une prise en charge médicale comprenant un accompagnement diététique et psychologique et de l’activité physique », et souligne qu’il s’agit d’une « intervention lourde qui peut entraîner des complications et qui nécessite un suivi du patient à vie ».
Depuis janvier 2019, une demande d’accord préalable dématérialisée a été mise en place pour la chirurgie bariatrique. Un téléservice, accessible aux établissements et aux chirurgiens libéraux, permet d’effectuer cette demande en ligne. Une réponse sera donnée aux demandeurs dans des délais très courts.
Ces tutelles souhaitent aussi créer un registre « chirurgie bariatrique », en lien avec les sociétés savantes, et instaurer un seuil d’activité minimum pour les centres de chirurgie de l’obésité. Cette proposition a été portée auprès de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) et devrait être intégrée aux travaux de réforme des autorisations d’activité.
La pratique de cette chirurgie en France doit répondre à son cadre médical légal et bénéficier d’une organisation bien définie.
Exergue : « Il s’agit d’une intervention lourde qui peut entraîner des complications et qui nécessite un suivi du patient à vie – HAS »
Professeur émérite, Université de Grenoble-Alpes 6Halimi, Chirurgie bariatrique : état des lieux en France en 2019. Méd Mal Métab. 2019(13)8:677-86
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