LE DÉVELOPPEMENT de l’autosurveillance glycémique a révolutionné la gestion de l’insulinothérapie. Cette approche a toutefois ses limites, surtout chez les diabétiques ayant une glycémie instable, tant en termes d’inconfort qu’en raison des zones d’ombre de la surveillance glycémique. En effet, déduire un profil glycémique à partir d’une valeur instantanée n’est pas nécessairement pertinent. La réponse à ces objections est la mesure du glucose interstitiel par des capteurs enzymatiques sous-cutanés et, via le développement d’algorithmes (programmes d’adaptation), l’ajustement automatique de l’apport d’insuline, c’est-à-dire in fine l’insulinothérapie en boucle fermée.
En pratique, le glucose interstitiel sous-cutané se mesure en continu au moyen de capteurs enzymatiques de type aiguille. Ils sont implantés dans le tissu sous-cutané pendant 5 à 7 jours. Il est également possible d’effectuer les mesures par microdialyse sous-cutanée. L’estimation glycémique implique un étalonnage périodique par une mesure contemporaine de la glycémie capillaire. Parmi les nombreuses initiatives développées à partir de ce concept, la plus élaborée, qui a été intégrée dans un modèle de pancréas artificiel, a consisté en l’implantation intraveineuse centrale par voie jugulaire ou sous-clavière, de capteurs enzymatiques couplés à des électrodes transmettant le signal de mesure à une pompe à insuline implantée. En effet, les implants sous-cutanés sont insuffisamment fiables au long cours en raison de réactions locales qui altèrent la mesure du glucose. Les méthodes non invasives restent actuellement entachées d’une imprécision trop importante et sont du domaine de la recherche.
Du Holter glycémique.
Les données de la mesure continue du glucose ont initialement été évaluées rétrospectivement après un enregistrement « en aveugle ». Le Holter glycémique CGMS (Medtronic) permet d’identifier les inadaptations de l’insulinothérapie et de corriger les modalités du traitement, afin d’améliorer le contrôle glycémique.
Le capteur sous-cutané utilisé a été secondairement amélioré pour stabiliser la mesure de glucose. Les progrès ayant abouti au CGMS Gold (Medtronic) ont rendu possible le développement d’un système fonctionnant en temps réel. Le Guardian RT (Medtronic) fournit ainsi toutes les 5 minutes une estimation du niveau glycémique pendant 3 jours en moyenne. Des seuils d’alertes haute et basse de glycémie peuvent être programmés. Une étude multicentrique européenne a permis de mettre en évidence le bénéfice obtenu chez des diabétiques de type dont le contrôle initial était mauvais. L’utilisation continue du Guardian RT pendant 3 mois a été associée à une réduction nette du taux d’hémoglobine glyquée. Plusieurs essais récents ont mis en évidence le bénéfice de ce dispositif sur le contrôle glycémique lorsqu’il est couplé à une pompe à insuline portable (Paradigm RT, Medtronic). Les hypoglycémies sévères peuvent être prévenues grâce à l’adjonction d’un dispositif de sécurité (pompe Veo, Medtronic).
Le système STS (DexCom), concurrent, permet une mesure du glucose en continu sur 3 jours. La prise en compte de ses données par les malades a montré la possibilité de réduire significativement le temps passé en hyper- et en hypoglycémie. Une version perfectionnée, Seven, permet son utilisation pendant 7 jours. Un autre capteur de glucose de type aiguille a été développé par Abbott sous le nom de FreeStyle Navigator. Il se connecte sans fil à un moniteur miniaturisé. Ces différents capteurs ont été utilisés dans une étude de grande ampleur qui a montré que les adultes de plus de 25 ans améliorent ainsi significativement leur niveau d’HbA1c, mais pas les plus jeunes essentiellement pour des raisons de manque d’adhésion au système. Ce résultat s’est maintenu sur 12 mois lors de l’étude d’extension.
La mesure continue du glucose permet donc d’obtenir un meilleur contrôle glycémique chez les diabétiques de type 1 sous insulinothérapie intensive, sous réserve d’une utilisation quasi permanente. La nécessité du port permanent du dispositif et l’existence d’alarmes erronées constituent les éléments limitant son acceptabilité. Son utilisation quasi continue et une éducation initiale et entretenue à la gestion de l’information sont nécessaires à l’obtention d’un bénéfice.
Par étapes.
L’insulinothérapie automatiquement gluco-régulée, née il y a près de 30 ans en milieu hospitalier spécialisé, n’est pas encore un moyen thérapeutique ambulatoire et autonome. Le problème des excursions glycémiques en dehors de la cible lors des repas a conduit à introduire le concept de boucle semi fermée : une intervention manuelle sur la perfusion d’insuline anticipe la variation glycémique prévisible. Des algorithmes suivant un modèle prédictif, le Model Predictive Control ou MPC, sont en développement. Ils prennent en compte la sensibilité à l’insuline du patient ainsi que ses besoins de base, et peuvent être associés à l’introduction en ligne d’informations complémentaires dans le modèle, comme par exemple l’annonce d’une alimentation glucidique.
La première tentative de boucle fermée, rapportée en 2001-2002, a été menée au moyen du Long Term Sensor System (LTSS), développé par MiniMed puis Medtronic jusqu’en 2007. Les expériences se poursuivent avec d’autres systèmes… Au total, l’insulinothérapie en boucle fermée sera vraisemblablement limitée initialement à l’environnement protégé d’un centre d’investigation, puis étendue à la vie extérieure, par étapes : d’abord la nuit, puis le jour, en boucle semi fermée. Une individualisation des paramètres algorithmiques interviendra alors, le système étant initié pendant quelques jours en mode hybride, semi fermé, le temps de se familiariser avec le patient diabétique équipé du dispositif. C’est après ce « tour de chauffe » que l’utilisateur pourra se limiter à annoncer ce qu’il va faire pour que l’algorithme s’adapte. La vigilance du bénéficiaire restera de rigueur…
* Département d’Endocrinologie, Diabète, Nutrition, Hôpital Lapeyronie, CHU, Montpellier.
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