PAR ANALOGIE aux lymphomes B systémiques, le rituximab est de plus en plus utilisé dans le traitement des lymphomes cutanés B primitifs comme le soulignent les recommandations thérapeutiques issues du Groupe français d’étude des lymphomes cutanés parues en 2010. Ainsi, le rituximab fait partie intégrante du traitement des lymphomes cutanés B agressifs, notamment de type « jambe » associé à une polychimiothérapie de type CHOP ou CVP, comme dans leurs équivalents ganglionnaires, et permet une nette amélioration du pronostic par rapport aux séries historiques traitées par chimiothérapie pure comme l’a montré une étude rétrospective française récente. Il fait également partie des traitements de deuxième ligne des formes plus indolentes, tels que lymphomes B centro-folliculaires et de la zone marginale, notamment dans les formes évolutives, quand la masse tumorale est élevée ou quand les lésions sont multiples ou diffuses rendant une radiothérapie difficile à réaliser. Dans cette perspective, un essai thérapeutique dans le cadre d’un PHRC national est actuellement en cours, comparant radiothérapie "multichamp" et rituximab seul dans les formes multilésionnelles. Cette molécule peut également être utilisée par voie intralésionnelle dans des lésions localisées, soit en première ligne, soit en cas d’échec des moyens traditionnels et quand le thérapeute juge qu’il n’est pas forcément nécessaire d’exposer le patient aux effets systémiques de la molécule alors même que les lésions sont très localisées.
Entre lymphoprolifération et maladie systémique, le rituximab peut être utilisé avec succès dans les manifestations, notamment cutanées, des cryoglobulinémies, en réduisant la production des anticorps qui entrent dans la composition de cet édifice multimoléculaire précipitant au froid et pouvant entraîner une maladie micro-occlusive et/ou une vasculite, avec des dégâts tissulaires, cutanés, neurologiques et/ou rénaux souvent importants, voire menaçants. Le rituximab est alors souvent associé à des plasmaphérèses et empêche le rebond lésionnel après l’arrêt de ces dernières.
Des résultats encourageants dans la sclérodermie.
Les affections à composantes autoimmunes et ciblant de façon essentielle (voire spécifique) ou plus adjacente la peau, représentent un groupe d’indications en pleine expansion. Le lupus systémique, notamment dans sa composante hématologique, est une des grandes indications du rituximab, notamment en cas d’inefficacité ou d’effets secondaires liés à d’autres lignes thérapeutiques en particulier corticothérapie générale et immuno-suppresseurs, même si cet anticorps commence à être utilisé de façon plus précoce. Compte tenu de l’intervention possible des lymphocytes B dans la physiopathologie de la sclérodermie systémique, celle-ci devient une cible potentielle tout à fait intéressante et un certain nombre d’études pour l’instant ouvertes ont montré des résultats souvent encourageants, voire spectaculaires. Toutefois, son intérêt dans cette indication doit encore être précisé par des études prospectives portant sur des effectifs plus importants avant d’en tirer des conclusions vraiment précises. La dermatomyosite est également une indication bien reconnue, même si la cible proprement cutanée n’est alors pas forcément au premier plan. Un certain nombre de vasculites dont le tropisme cutané est bien connu (maladie de Wegener, périartérite noueuse, maladie de Churg et Strauss, et en fait toutes vasculites quand elles se comportent de façon agressive) peuvent également constituer une indication de rituximab, en général en association avec une corticothérapie générale initiale.
Une révolution dans le pemphigus.
Surtout, c’est probablement dans les maladies bulleuses autoimmunes où le rituximab a connu l’ascension la plus fulgurante au cours des dernières années. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il a probablement révolutionné la prise en charge du pemphigus, grâce notamment aux travaux du Groupe Bulles, français, emmené par Pascal Joly qui a publié ses travaux dans des journaux prestigieux, tel le New England Journal of Medicine. Cet anticorps permet en effet d’obtenir des résultats spectaculaires dans des situations très difficiles de corticorésistance ou de corticodépendance, et permet dans beaucoup de cas d’interrompre tout traitement chez ces patients, quitte à reproposer une cure de rituximab en cas de rechute. Un essai thérapeutique national est d’ailleurs en cours, toujours piloté par le Groupe Bulles, comparant la corticothérapie générale seule « classique » lentement dégressive à un schéma mixte associant rituximab en première intention à une corticothérapie générale rapidement réduite puis arrêtée après obtention d’un contrôle initial. Ce schéma permettrait bien sûr de réduire considérablement les complications à long terme de la corticothérapie générale tout en maintenant les patients en rémission prolongée. Le devenir de ces patients à moyen terme et surtout long terme n’est bien sûr pas encore connu avec certitude, mais il est déjà clair que les doses cumulées de corticothérapie générale seront de toute façon moins importantes, même si un contrôle définitif n’est pas forcément obtenu dans tous les cas. Quoi qu’il en soit, l’emploi de plus en plus précoce du rituximab dans cette indication phare commence à s’imposer pour le plus grand bien de nos patients. Son intérêt dans les autres dermatoses bulleuses autoimmunes, et notamment dans les pemphigoïdes bulleuses, la pemphigoïde cicatricielle et l’épidermolyse bulleuse acquise, commence également à se préciser comme le montrent les résultats tout à fait intéressants d’une étude française récente dans la pemphigoïde cicatricielle.
Enfin, le dermatologue doit également connaître cette molécule en raison des effets indésirables cutanés qu’elle peut générer et notamment des vasculites et surtout des réactions urticariennes parfois spectaculaires lors de la première perfusion, et occasionnellement accompagnées de manifestations systémiques par hyperperméabilité capillaire. Dans le cas des lymphomes cutanés, ces réactions urticariennes peuvent parfois permettre de démasquer des sites lésionnels infracliniques.
* Hôpital Saint-Éloi, CHU de Montpellier.
Liens avec la plupart des laboratoires pharmaceutiques impliqués en dermatologie.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024