Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV) constate avec amertume que la lutte contre la désertification médicale peut se faire au détriment de la spécialité qu’il défend.
La pénurie de dermatologues libéraux est une réalité, le SNDV en convient. Seulement 113 nouveaux dermatologues sont formés chaque année quand près de 30 % de ces spécialistes sont âgés de 60 ans, relate le syndicat par voie de presse jeudi 16 janvier. Pour les patients, c’est la croix et la bannière : obtenir un rendez-vous prend trois mois en moyenne. La France compte 3,4 dermatologues pour 100 000 habitants.
À défaut de pouvoir former le nombre de spécialistes suffisant, les médecins généralistes ont la possibilité de se former à la prise en charge et au suivi de pathologies dermatologiques courantes par des formations universitaires d’un an en dermatologie – des DU, très répandus dans les facultés de médecine.
Modules express de 70 heures
Mais le SNDV a constaté aussi que les généralistes ont la possibilité de se former « par certaines plateformes » selon des « modules express de 70 heures ». « Certains d’entre eux se trouvent ainsi référencés sur des plateformes de rendez-vous grâce à des mots-clefs, comme dermatologue, lors des recherches effectuées par les patients », déplore le syndicat.
Sans « remettre en cause les compétences des médecins généralistes », le SNDV s’interroge « sur la mise en place de ces formations, qui semblerait être une fausse bonne idée, pour répondre à la diminution actuelle du nombre de dermatologues » et pallier le déficit universitaire de la formation ad hoc.
Selon l’organisation présidée par le Dr Luc Sulimovic, l’existence de ces formations accélérées à la dermatologie (ou du moins à une partie de la dermatologie) doit être mise en parallèle avec les quatre années d’internat de cette spécialité. Et d’insister : « Un médecin généraliste, aussi bien formé qu’il soit, ne pourra atteindre le degré d’expertise d’un dermatologue dont la spécialité est son quotidien […]. Les patients et leur santé ne peuvent se satisfaire d’une prise en charge en mode dégradé. »
Frontière entre deux spécialités
Contacté par « Le Quotidien », le Dr Sulimovic confirme n’avoir « rien contre les formations des généralistes ne dermatologie » mais déplore en revanche « l’exploitation » de ces formations par « certains médecins qui se mettent en avant avec cette compétence sur certaines plateformes de prise de rendez-vous en ligne ». « Avec des mots clés comme “cartographie”, “dermoscopie”, “dermatologie médicale” ou “dermatologie chirurgicale”, ces médecins utilisent leur connaissance de ces actes d’expertise à titre individuel, et non dans le cadre du parcours de soins, en lien avec le médecin spécialiste, déplore le dermatologue parisien. Que les médecins généralistes veuillent acquérir un oeil plus aguerri sur le dépistage primaire des cancers de la peau, c’est une chose. Mais faire pulluler les DU et les formations courtes en dermatologie n’est pas la bonne réponse à apporter à la problématique de l’accès aux soins. »
Un point de vue qui est – sans surprise – aux antipodes de celui de Bastien Bailleur, président de l’Isnar-IMG (Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale) : « L'idée de ces formations est de permettre à un médecin généraliste de se former très rapidement sur un sujet spécifique. Ce n'est pas une formation générale en dermatologie, mais plutôt l'acquisition d'une compétence précise, que l'on peut apprendre en quelques jours. Cela permet de s'intéresser à des aspects spécifiques de la dermatologie sans entrer en concurrence avec les dermatologues, qui sont débordés et n'arrivent pas à répondre à tous les besoins. »
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