Par le Dr Michele Diana, le Pr Jacques Marescaux et le Pr Patrick Pessaux*
LE MODÈLE de la gestion des risques, de la prévention et de la minimisation de l’erreur mis en œuvre dans l’aviation a rendu l’avion le moyen de transport le plus sûr. Pendant le vol, le pilote est constamment assisté par l’ordinateur et par des systèmes de navigation sophistiqués qui augmentent les performances. La chirurgie s’inspire de plus en plus de ce modèle. Pour augmenter la sécurité et la précision du geste chirurgical, le chirurgien peut désormais compter sur l’assistance pré- et peropératoire fournis par des logiciels avancés de traitement de l’image pouvant guider l’intervention. La réalité virtuelle (RV) est l’ensemble de technologies permettant une simulation en temps réel de la réalité à travers la synthèse d’informations sensorielles reproduisant un environnement en 3D dans lequel le sujet peut être totalement immergé. Une application de la RV en chirurgie consiste à modéliser le patient en un modèle 3D « virtuel », à partir d’une imagerie (TDM ou IRM). Ce modèle est la copie conforme du patient, permettant une navigation à l’intérieur du corps, l’identification des structures anatomiques et pathologiques (1). Sur ce modèle, le chirurgien peut « planifier l’intervention », repérer les plans de dissection, estimer le meilleur abord et, plus récemment, évaluer les effets de sa stratégie chirurgicale.
Cette planification chirurgicale peut être très utile en chirurgie thyroïdienne ou parathyroïdienne comme récemment rapporté (2). L’exploration virtuelle 3D du cou a, dans ce cas, montré un adénome parathyroïdien supérieur droit en position latéro-œsophagienne associé à une artère sous-clavière droite rétro-œsophagienne, confirmant la présence d’un nerf laryngé non récurrent. Cet aspect n’avait pas été détecté lors du bilan d’imagerie standard. Une exérèse mini-invasive vidéo-assistée de l’adénome parathyroïdien a ainsi été effectuée en toute sécurité.
De la réalité virtuelle à la réalité augmentée.
La RV est limitée par sa nature virtuelle et pour surmonter cette limite, le concept de réalité augmentée (RA) est développé. La RA (ou réalité mixte) est la synthèse en temps réel d’images issues directement du patient, capturées par la caméra lors d’une intervention mini-invasive et d’images virtuelles du même patient, reconstruites à partir de l’imagerie médicale. Cela permet de voir des structures cachées (vaisseaux, ganglions, etc.) en « transparence virtuelle » durant l’opération (figure 1). L’application clinique de cet artifice est très prometteuse. En 2004, nous avons effectué une surrénalectomie laparoscopique guidée par la RA nous permettant une identification des structures de manière sûre et efficace (2). Depuis, nous avons poursuivi le développement et l’utilisation de la RA dans plusieurs indications tant en chirurgie laparoscopique, robotique, que par laparotomie, mais aussi en radiologie interventionnelle, grâce à l’habileté de la RA à « voir » à travers la peau la position des organes cibles.
Guidage par fluorescence.
Un artifice supplémentaire pour améliorer les performances et la sécurité du geste opératoire est le concept de chirurgie guidée par la fluorescence, déjà bien connu en chirurgie ouverte et qui a récemment été appliqué à la chirurgie laparoscopique et robotique. Grâce au développement de laparoscopes avec des sources de lumière émettant des fréquences infrarouges, il est possible de visualiser des structures nobles (vaisseaux, uretères) par le biais de l’intensité lumineuse de substances (fluorescéine, bleu de méthylène, vert d’indocyanine) qui sont injectées au malade. Ce concept se combine bien avec la RA à condition que les images laparoscopiques avant et après injection puissent être intégrées pour donner une image 2D + l’évolution dans le temps (3D virtuel) (figure 2). Les applications possibles sont multiples : détection de la perfusion capillaire au site de résection digestive, détection du ganglion sentinelle, identification de l’anatomie biliaire peropératoire, et détection peropératoire de fuites biliaires au cours d’hépatectomies laparoscopiques.
L’avenir est d’imaginer de nouvelles approches de la chirurgie adaptées à chaque patient grâce au guidage par l’image, à la modélisation, à la planification et à la robotique.
* Pôle d’hépato-digestive, hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Université de Strasbourg – Faculté de Médecine – IRCAD/EITS – IHU MixSurg.
Lien d’intérêt : aucun.
(1) D’Agostino J, Diana M, Vix M, Soler L, Marescaux J. Three-dimensional virtual neck exploration before parathyroidectomy. N Engl J Med. 2012 ;367 :1 072-3.
(2) Nicolau S, Sole L, Mutter D, Marescaux&J. Augmented reality in laparoscopic surgical oncology. Surgical oncology 2011 ;20 :189-201.
(3) Marescaux J, Rubino F, Arena M, Mutter D, Soler&L. Augmented-reality-assisted laparoscopic adrenalectomy. JAMA 2004 ;292 :2 214-5.
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