« L'épidémie des opiacés ». Lors d'un symposium à l'intitulé évocateur, l'Académie américaine de chirurgie orthopédique a esquissé avec les praticiens présents* des pistes pour faire face à la crise de santé publique, sans précédent ni équivalent, que traversent les États-Unis.
Si le développement de la chirurgie orthopédique a largement bénéficié de l'usage de ces médicaments comme composante du contrôle multimodal de la douleur post-opératoire, elle n'est pas totalement innocente dans cette crise iatrogénique dans la mesure où elle contribue directement à l'augmentation exponentielle des prescriptions médicales. En 2014, près de 250 millions de prescriptions d'opiacés ont pu être retracées.
Mais il importe tout d'abord de convaincre les opérateurs que l'épidémie des opiacées est tout autant leur problème que la pathologie douloureuse qu'ils s'apprêtent à opérer. Il faut aussi leur faire réaliser que la compression forcenée des durées de séjour peut conduire à des abus d'utilisation non contrôlés.
Les opiacés sont une arme à double tranchant. La première question posée par un ou une patiente candidate à une chirurgie orthopédique programmée est de savoir quel niveau de douleur sera généré par l'intervention et ses suites. La réponse du chirurgien est le plus souvent légitimement rassurante, parfois évasive, sans que ce dernier ne réalise immédiatement qu'il a peut-être ouvert une boîte de pandore, qui va, par la suite, faire de l'opéré un sujet en état d'addiction aux antalgiques majeurs.
Analyser les pratiques de prescription
Il est conseillé au chirurgien de procéder à une analyse de ses pratiques de prescriptions. Cinq interventions, les plus fréquentes, permettent au chirurgien d'établir un profil de prescription post-opératoire : la prothèse totale de hanche, la prothèse totale de genou, l'arthrodèse décompression du rachis lombaire, la réparation de coiffe des rotateurs d'épaule et la libération du canal carpien. L'analyse consistera à recenser les prescriptions, leur utilisation par les patients et le devenir des produits non utilisés par l'opéré à la suite de chaque intervention. Le recensement consiste en un comptage des comprimés : en raison de l'immense variété des produits prescrits, il convient de convertir tous ces dosages en un équivalent unique, comme l'oxycodone 5 mg.
Des alternatives créatives
Changer les pratiques reste une démarche délicate. La prescription d'opiacés reste une solution de facilité pour le praticien qui en connaît les règles à la fois du point de vue de la posologie que du point de vue médico-légal. Force sera donc sans doute de « retoucher » la réglementation de prescription, pourtant déjà assez stricte et surveillée aux États-Unis.
Une recherche importante est en cours aux États-Unis pour mettre au point des solutions évitant aux opérés l'absorption d'opiacés, ou à défaut d'en réduire la durée d'utilisation. Outre les blocs régionaux anesthésiques déjà largement utilisés, des biomolécules, dans la lignée des inhibiteurs des facteurs de croissance du nerf, sont en cours de développement et d'expérimentation clinique. Une autre solution prometteuse a été baptisée la « cryo neurolyse » qui consiste à implanter des électrodes réfrigérantes à proximité des trajets des nerfs sensitifs préalablement repérés par échographie.
Toutefois la démarche psychologique ne devra pas être négligée. On sait qu'il existe une énorme variabilité de perception douloureuse individuelle suivant le profil psychologique de chaque patient. L'opérateur doit en prendre conscience même si la démarche est coûteuse de temps. Le patient doit être encouragé à mieux définir ce qu'il appelle la douleur et ce qu'il attend des soignants pour mieux la contrôler. Il doit intégrer la notion que la douleur ne peut être totalement éliminée et que de toute façon elle ne sera que provisoire.
Participaient au symposium les Prs et Drs S. Armaghani (Temple Terrace, FL), T. Balach (Chicago, IL), T. F. Higgins (Salt Lake City, UT), J. Hsu (Charlotte, NC), K. Hynes (Chicago, IL), H. R. Mir (Tampa, FL) D. C. Ring (Austin, TX)
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024