La chirurgie robotique existe depuis une vingtaine d’années, mais en France, son développement en chirurgie gynécologique est relativement récent (depuis 2005-2006) et ce, essentiellement dans des indications initialement oncologiques. Aux États-Unis, aujourd’hui un tiers des hystérectomies pour pathologie bénigne sont réalisées avec assistance robotisée, 66 % des interventions pour indication oncologique. En France, pays pourtant considéré comme pionnier en cœlioscopie, seules de 15 à 25 % des hystérectomies pour cancer sont faites par cœlioscopie (chiffres de 2009). À ce jour environ 50 robots sont actuellement en fonction en France avec 400 à 500 procédures d’indication gynécologique par an.
Alors que la cœlioscopie offre une vision en 2D, quatre degrés de liberté, et peut être gênée par les tremblements et une ergonomie imparfaite, source d’inconfort pour le chirurgien lors de temps opératoires prolongés, l’assistance robotisée présente un certain nombre d’avantages théoriques : vision en 3D, sept degrés de liberté, filtration complète des tremblements et meilleure ergonomie, meilleure exposition, dissection plus précise. « Des avantages qui sont réels pour le chirurgien, mais dont l’impact clinique pour les patientes n’est pas encore complètement évalué », tempère le Pr Pierre Collinet. La littérature souligne les bénéfices de la chirurgie robotique sur la morbidité opératoire dans le cancer de l’endomètre et du col utérin. « C’est dans le cancer de l’endomètre que les bénéfices sont les plus significatifs. Comparativement à la laparotomie et à la cœlioscopie, la chirurgie assistée par robot permet de réduire significativement les pertes sanguines, le taux de complications globales et surtout le taux de conversion, en particulier chez les patientes obèses (odd ratio de 0,2 comparativement à l’hystérectomie laparoscopique), comme l’a bien montré Seamon (1). Dans le cancer du col, la réduction de la morbidité est moins nette, avec toutefois, versus laparoscopie, une réduction de la morbidité urinaire, de la durée d’hospitalisation et des pertes sanguines », précise le Pr Collinet. Dans cette indication, où le geste consiste en une hystérectomie élargie, l’assistance robotisée pourrait avoir un intérêt théorique -mieux préserver les plexus nerveux hypogastriques et donc de réduire le risque de séquelles fonctionnelles urinaires-, « mais ceci reste à ce jour à démontrer ».
Une étude randomisée française (cœlioscopie standard versus cœlioscopie avec assistance robotisée), portant sur toutes les indications oncologiques, a été mise en place dans le cadre d’un Programme hospitalier de recherche clinique (Étude ROBOT gyn). L’investigateur principal est le Dr F Narducci (Lille). Dix centres participent actuellement à ce projet avec 380 patientes à inclure.
La deuxième grande indication en cours de développement est l’endométriose profonde, en particulier en cas de lésions rectovaginales (avec la problématique du shaving rectal), antérieures ou latérales périurétrales. « Il s’agit de situations où le geste chirurgical est complexe, long, imposant une microdissection afin de ne pas compromettre la fertilité ultérieure et pour lesquelles le robot présente théoriquement des avantages, même si certains chirurgiens sont gênés par l’absence de retour de force, qui est à mon avis compensé par la meilleure exposition et la plus grande précision de dissection, expose le Pr Collinet. Pour l’instant, la littérature reste assez pauvre, avec de petites séries ou des case report et une étude comparative publiée par Nezhat. Mais dans le domaine de l’endométriose, où chaque cas, du fait de sa complexité, est particulier, il est difficile de comparer les techniques. En lien avec les sociétés savantes française et européenne de chirurgie robotique (groupe francophone de Chirurgie Robotique en Gynécologie et Society of European Robobotic Gynecology Surgery), une étude multicentrique est actuellement en cours sur ce sujet grâce à la création d’une base de données spécifiques ».
La promontofixation est une autre indication potentielle dans laquelle la chirurgie robotique a été évaluée par plusieurs équipes. Mais les résultats sont plutôt négatifs, notamment l’étude de Paraiso (2), qui conclut à une augmentation des douleurs postopératoires, de la durée opératoire et du coût global avec le robot, versus cœlioscopie. Une étude randomisée française est actuellement en cours sur ce sujet.
Enfin, la chirurgie robotique a, là encore, un intérêt potentiel pour la myomectomie, notamment pour permettre d’extraire des fibromes plus volumineux, en améliorant le temps de suture et en réduisant le taux de conversion. Mais les données scientifiques sont encore très parcellaires et ces bénéfices théoriques restent à démontrer.
« Aujourd’hui, alors que les preuves scientifiques font encore défaut, l’assistance robotisée en chirurgie gynécologique connaît un développement important dans notre pays. Les avantages technologiques de la chirurgie assistée par robot (ergonomie, exposition, dissection) sont indéniables. Cette technique représente une vraie innovation, qui ne doit pas être mise en compétition avec la coelisocopie, mais appréhendée comme un moyen de repousser les limites de la coelisocopie. En d’autres termes, pour des procédures complexes dans des indications choisies, l’assistance robotisée devrait permettre à plus de patientes de bénéficier d’une chirurgie mini-invasive. Il est du rôle des équipes utilisatrices d’étudier les bénéfices éventuels du robot par des démarches collaboratives, de sélectionner les indications opératoires justifiant cette évaluation. Par ailleurs, la chirurgie robotique pourrait également se développer dans l’enseignement des techniques chirurgicales, grâce à des simulateurs robotiques et des systèmes double-console mais aussi dans le domaine de la réalité augmentée avec notamment une imagerie peropératoire des rapports anatomiques vasculaires et nerveuses. Enfin de nombreuses perspectives s’ouvrent, avec la chirurgie robotique mais aussi avec d’autres innovations importantes comme la chirurgie sur monotrocart et les procédures NOTES (Natural orifice transluminal endoscopic surgery) ; avancées technologiques qui pourraient à l’avenir se combiner entre elles », conclut le Pr Collinet.
(1) Seamon LG et al. Gynecol Oncol. 2009 Apr;113(1):36-41. Epub 2009 Jan 24.
(2) Paraiso MF et al. Obstetrics & Gynecology. 2011;118(5):1005-13.
D’après un entretien avec le Pr Pierre Collinet, hôpital Jeanne de Flandre, CHRU Lille.
Lien d’intérêt : aucun.
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