EN RAISON de sa prévalence extrêmement élevée dans la population des plus de 50 ans, l’ostéoporose souffre d’une double désinformation faisant obstacle à une prise en charge adéquate. Dans l’univers des patients, tout d’abord, avant le coup de semonce de la fracture, ignorance et dénégation se conjuguent pour empêcher la prise de conscience de la réalité d’une pathologie évolutive. Dans la communauté des soignants, l’éducation clinique classique relative aux comorbidités habituelles des seniors, fait à tort percevoir cette pathologie comme une préoccupation de second plan ou comme un attribut inévitable, voire normal, de l’avancée en âge.
L’un des défis les plus difficiles à relever dans toute campagne d’information digne de ce nom, consiste à éliminer les idées reçues : chez les personnes âgées, l’ostéoporose n’est ni normale, ni inévitable.
Il s’agit d’une pathologie sévère car génératrice de dépendance et d’isolement social et, de surcroît, cette pathologie est accessible à la prévention à tous ses stades évolutifs.
Sans revenir sur les définitions conventionnelles (à présent intégrées par le corps médical) des termes d’ostéoporose ou d’ostéopénie, le nombre des sujets porteurs, en France, de l’une de ces anomalies, est de l’ordre d’une dizaine de millions de sujets, avec le risque inhérent de fracture que sous-entend une telle magnitude.
Il revient à tout soignant en contact avec l’un de ces sujets porteurs de le sensibiliser à la problématique posée et de le motiver à se faire soigner. Pour réaliser un tel objectif, il importe d’adopter un langage de conviction et d’accepter la notion que cet effort d’information du patient va consommer un temps de consultation non négligeable (du fait d’un contenu éducatif de volume conséquent, à assimiler).
La fracture, un tournant critique.
Dans le cadre de l’ostéoporose, la fracture (naturellement qualifiée de fracture de fragilité) est un événement très particulier en raison de sa signification variable.
Tout d’abord, il s’agit de la complication « par essence » de cette pathologie, à la fois redoutée et redoutable bien que malgré tout susceptible de prévention. Ensuite, il s’agit le plus souvent de la lésion révélatrice de cette affection sous-jacente demeurée silencieuse sur le plan symptomatique jusqu’à la survenue de cet événement. Enfin, cet incident fracturaire est dans une proportion importante de cas annonciateur, à plus ou moins long terme, d’incidents similaires de fractures, dont on doit pouvoir réduire l’incidence par l’institution d’une stratégie de prévention rigoureuse. L’essentiel est donc que tout soignant (rencontré par le patient à l’occasion de l’épisode de fracture) ne se contente pas d’un traitement traumatologique classique de fracture, mais utilise plutôt cet épisode comme une opportunité de prise en charge de la pathologie sous-jacente.
Les candidats au traitement.
Lorsque l’on se trouve dans une situation postfracturaire, la problématique n’est pas tant de prendre une décision de traiter que de convaincre le patient que la guérison de sa fracture n’a pas totalement réglé la pathologie qui a donné lieu à sa survenue.
Surtout, il importe de positionner la démarche thérapeutique dans une optique de prévention :
– avant toute nouvelle fracture, en identifiant les sujets à risque, c’est-à-dire au sein de la population des femmes ménopausées ou des hommes de plus de 50 ans ;
– en cas de fracture de hanche ou de vertèbre, que cette dernière soit cliniquement parlante ou de découverte radiographique fortuite ;
– en cas de fracture, quel que soit son site, chez un patient ostéoporotique ou ostéopénique ;
– lorsqu’une fracture est survenue en faisant accepter la notion que la fracture, d’une part, confirme le terrain à risque et, d’autre part, propulse ce risque à un niveau encore plus élevé.
Une fois leur fracture traitée et guérie, les patients acceptant de faire traiter sérieusement leur ostéoporose restent une faible minorité. C’est aux soignants que revient la mission de transformer cette tendance en majorité avec au premier rang d’entre eux le chirurgien orthopédiste, dont la plupart du temps le patient fracturé ne veut plus entendre parler une fois la fracture consolidée.
Quelques grandes lignes de traitement.
Il n’est pas question de passer en revue de façon détaillée le traitement de l’ostéoporose qui fait l’objet de manuels détaillés. Il importe cependant de rappeler quelques grandes lignes de ces traitements de façon à faire passer graduellement auprès des intéressés un message similaire à celui qui a permis d’introduire dans la routine quotidienne le contrôle tensionnel régulier ou la lutte contre l’hypercholestérolémie.
Le véritable tour de force d’une telle stratégie préventive est de la mener sur un double front à la fois celui de l’adhésion coopérative aux traitements prescrits et celui de l’observance sur le long terme de telles prescriptions ; et ce malgré des bénéfices de santé squelettique techniquement impossible à démontrer autrement que par des examens d’ostéodensitométrie environ tous les deux ans.
Un arsenal thérapeutique diversifié.
Les moyens de combattre l’ostéoporose sont multiples et d’efficacité variable. On peut les catégoriser selon diverses rubriques.
• Les mesures d’hygiène quotidienne. Elles luttent contre la sédentarité, favorisent certaines activités physiques et corrigent d’éventuelles carences. Les exercices en appui sont les plus recommandés, ainsi que l’arrêt éventuel du tabac et la modération de la consommation d’alcool.
• Les apports calciques et vitaminiques sont vérifiés et réajustés. En gros, 1 000 mg de calcium et 1 000 unités internationales de vitamine D par jour suffisent à couvrir de telles carences. Il s’agit de mesures thérapeutiques de fond, sans graves effets secondaires, mais d’efficacité somme toute modeste dans la lutte contre l’ostéoporose et surtout la prévention des fractures de fragilité.
• Une panoplie personnalisée de médicaments. La gamme de médicaments utilisables pour contrôler l’ostéoporose (et réduire le risque de survenue de son effet le plus néfaste, la fracture de fragilité) s’est développée depuis une quinzaine d’années. Elle est extrêmement diversifiée et requiert de la part du praticien prescripteur des choix adaptés à chaque patient. Seulement quelques grandes lignes seront ici évoquées.
L’os étant assimilable à un ensemble d’unités squelettiques de remodelage au sein desquelles s’établit un équilibre (ou un déséquilibre dans le cas de l’ostéoporose) entre phénomènes d’ostéoformation et de résorption osseuse, on peut classer les médicaments selon leur action prépondérante sur ces phénomènes élémentaires.
• Les médicaments antirésorption ou freinateurs de la résorption, qui englobent :
– la famille des bisphosphonates avec de nombreux représentants (alendronate, ibandronate, risédronate, acide zolédronique selon une liste non exhaustive). Ces composés de la même famille se distinguent selon leur intervalle d’administration (quotidien, hebdomadaire, mensuel, trimestriel, voire annuel), leur voie d’administration (per os, injection intraveineuse lente, perfusion intraveineuse) et leur pouvoir de réduire le risque de fracture vertébrale, de hanche et non vertébrale ;
– l’hormonothérapie substitutive œstrogénique ;
– le raloxifène (modulateur sélectif des récepteurs œstrogéniques ou SERM).
• Les médicaments qui favorisent l’ostéoformation, qualifiés également d’anabolisants. Le représentant pour l’instant unique de cette famille de composés est le tériparatide, forme recombinante de parathormone.
• Les médicaments qui agissent en découplant les deux phases du remodelage osseux, tel le ranélate de strontium.
La problématique de tous ces traitements.
Ces divers traitements partagent une caractéristique commune d’observance des prescriptions.
Au stade précédent la fracture, le praticien devra adopter un discours convaincant de qualité de vie en direction d’un patient qui ne se sent pas si malade. A ce stade de la prévention
se posent à la fois une double problématique d’enrôlement du pourcentage le plus élevé possible de patients, et d’adhésion de ces enrôlés sur une durée prolongée suffisante.
Au stade de l’après-fracture de fragilité, certes le patient comprend mieux les enjeux.
Il a cependant du mal à envisager un nouveau traitement alors qu’il a parfois passé plusieurs mois à récupérer de l’épisode fracturaire. Il admet encore moins bien que cette fracture puisse faire l’objet d’une récidive. Dans cette après-fracture, le soignant doit redoubler de pouvoir de conviction et d’une pédagogie patiente vis-à-vis de l’intéressé(e)
D’après la conférence d’enseignement SOFCOT 2010 du Pr Philippe Orcel, hôpital Lariboisière, Paris.
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