Pour sa dernière séance de l’année, l’Académie de médecine s'est penchée sur un sujet récemment très médiatisé, celui des accidents de trottinettes électriques. Le Pr Alain Charles Masquelet, membre de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot), a présenté un rapport sur ce qui est devenu une problématique polymorphe de santé publique.
Mais si l’on veut aboutir à une réduction significative de l’accidentologie des trottinettes électriques, il importe d’imposer une logistique rationnelle de prévention fondée sur une analyse méticuleuse de ses facteurs générateurs.
Il est tout d’abord indiscutable que la trottinette électrique est devenue un fait social propulsé par un besoin de déplacement rapide. Les accidents occasionnés par ce mode de transport sont des chutes, des collisions ou bien des dommages indirects occasionnés par un stationnement inapproprié. L'intitulé simplificateur sous la dénomination d’accident de la voie publique ou de la circulation rend difficile le recensement spécifique de ce type d’accidents. La région lyonnaise s’est par exemple attelée à les identifier sous le label TE, afin d'avoir une estimation plus précise.
Quels paramètres impliqués ?
Les données les plus fiables proviennent de la sécurité routière mais elles ne concernent souvent que les accidents les plus sévères. Les trottinettes électriques auraient produit 22 décès en 2019 et 19 en 2022. Le nombre des blessés serait de plus de 1 000 sur une année dans Paris intra-muros. Ces chiffres sont le résultat d’une mode sociétale, d’un accroissement des comportements à risque et d’une offre abondante en libre accès de ces engins.
Si l’on veut tenter de contrecarrer cette vague d’accidents, il convient d’en analyser tous les ressorts. Le mécanisme de production des lésions doit être littéralement disséqué : il s’agit d’un véhicule utilisé en station debout et dont la stabilité est précaire du fait d’une plateforme de taille réduite montée sur des roues de petite taille. Le couple engin conducteur est donc particulièrement instable, ce qui est amplifié par un non-respect de la motorisation réglementairement limitée à 25 km/h. La chute constitue la source principale des accidents (près de 70 % des cas) et il est utile de comprendre sa biomécanique assimilable à une ruade ou au cabrage d’une monture lors d’une phase d’accélération ou de freinage inattendue.
Toutes sortes de lésions
La distribution anatomique des lésions résultant de ces chutes est très diverse. Le membre supérieur est le premier impliqué mais l’extrémité céphalique et la face peuvent être gravement blessées. Il est remarquable de noter que le port du casque, bien que certainement utile, ne protège que de façon très partielle.
Pour tenter de mettre en place une politique de prévention, il est prioritaire d’identifier les facteurs de risque en cause : transport de deux personnes sur la plateforme, usage du trottoir comme piste de circulation, remontée à contre-courant des pistes cyclables et usage de substances addictives lors de la conduite.
De plus, certains propriétaires d’engins, lorsqu’ils débrident leur moteur, ou des locataires ponctuels n’ont pas la moindre idée des règlements relatifs à ce mode de déplacement, dont les touristes qui en font un moyen rapide de visiter la ville. La dépose de la trottinette en dehors des stations dédiées est à proscrire. Enfin, les usagers doivent savoir que les accidents de ces deux ou trois roues, contrairement à ceux du vélo électrique, ne sont couverts par aucune assurance, y compris la multirisque habitation.
Pour le Pr Jacques de Saint-Julien (qui a travaillé en tant qu'inspecteur du service de santé des armées), une politique indispensable de prévention s’impose. Elle pourrait relever d’une réglementation beaucoup plus drastique sur de très nombreux postes : l’âge requis (18 ans en Californie), l’information sur l’usage du casque et des gants, l’exigence d’une formation spécifique éventuellement en milieu scolaire, l’équipement de la plateforme de feux arrière, la mise en place de campagnes de sensibilisation, le réaménagement des voies de circulation urbaine et de leur signalisation, et bien entendu l’interdiction absolue de débridement des engins.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?