La dernière décennie a confirmé la place de la prothèse fémoropatellaire (PFP) dans le traitement de l’arthrose fémoropatellaire (AFP) latérale, isolée, pour ses stades les plus sévères (3 ou 4 de la classification d’Iwano), idéalement sur dysplasie de la trochlée fémorale (fig. 1 et 2). Ses objectifs sont de remplacer le cartilage usé et de corriger les déformations ostéochondrales pour soulager la douleur, prévenir l’instabilité et optimiser la congruence articulaire.
Pendant longtemps, les résultats fonctionnels et mécaniques ont été peu satisfaisants, ce qui laissait penser que la PFP était un mauvais traitement de l’AFP. Mais la connaissance et l’analyse des facteurs d’échec et de succès des prothèses de première et deuxième générations (prothèses de resurfaçage ou inlay, puis prothèses anatomiques à coupe ou onlay) ont permis de définir le cahier des charges des PFP modernes. Il s’agit de prothèses à coupe anatomique, dont le dessin permet d’éradiquer la dysplasie trochléenne et dont l’ancillaire est précis et reproductible (fig. 3). Ces implants de troisième génération ont en commun un dessin de trochlée dérivé de celui des prothèses totales, au dessin fémoropatellaire validé. L’implant fémoral en alliage de chrome cobalt est volontiers asymétrique, en dôme inversé. La pièce patellaire est en polyéthylène. Les deux pièces sont cimentées.
Indications… et contre-indications mieux cernées
En premier lieu, le traitement médical doit systématiquement être tenté pendant six mois quelle que soit la sévérité de l’arthrose, la gêne fonctionnelle étant parfois transitoire malgré une arthrose sévère. En cas d’échec, le traitement chirurgical conservateur, ostéotomie de la tubérosité tibiale antérieure (TTA) et patellectomie partielle, peut être retenu aux stades 1 et 2 (classification d’Iwano). C’est aux stades 3 et 4 que la PFP doit être discutée, car bien moins invasive qu’une prothèse totale de genou (PTG). C’est de fait souvent une première prothèse, remplacée des années plus tard par une PTG quand l’arthrose atteint les compartiments fémorotibiaux.
L’indication typique est un patient présentant une douleur sévère, une arthrose fémoropatellaire latérale de stade 3 ou 4, un genou mobile, un quadriceps souvent faible mais fonctionnel, des structures ligamentaires et méniscales intactes et aucune arthrose fémorotibiale. La dysplasie trochléenne est sévère. Le mauvais alignement de l’appareil extenseur n’est pas une contre-indication car il peut être corrigé. En revanche, une patella basse est une contre-indication.
Évidemment, un syndrome fémoropatellaire douloureux chronique sans arthrose, un flessum supérieur à 10° ou un terrain psychique déficient, notamment dépressif, sont des contre-indications formelles à la PFP, de même que l’arthrite rhumatismale, l’arthrite septique active et l’absence de quadriceps fonctionnel.
Il n’y a pas de critère d’âge strict, mais le plus souvent il s’agit de patients de moins de 65 ans, et rarement de patients très âgés. L’IMC supérieur à 30 est un facteur de mauvais pronostic.
Poser le diagnostic précisément
Le bilan radiographique standard comporte quatre clichés (face en appui, schuss, profil strict a 30° de flexion, cliché axial à 30° de flexion) et une télémétrie. Ce premier bilan permet de diagnostiquer l’AFP latérale isolée, sans aucun pincement fémoropatellaire (fig. 1 et 2). La tomodensitométrie (TDM) ne sera effectuée que si l’indication de PFP est retenue. Elle ne doit pas comporter de contraction quadricipitale. En cas de doute, l’arthro-TDM peut être utile pour éliminer une arthrose fémorotibiale débutante. L’IRM et/ou la scintigraphie ne sont pas nécessaires.
Les étiologies sont principalement l’AFP essentielle et l’AFP sur instabilité, avec antécédents de luxation patellaire. Elles sont proches sur le plan anatomopathologique, puisque l’on retrouve pour les deux une dysplasie de la trochlée 4 fois sur 5. Les autres étiologies sont la chondrocalcinose (9 %) et les séquelles de fracture patellaire (9 %).
Une technique préservant l’avenir
La voie d’abord cutanée est médiane, permettant une révision par PTG en cas de nécessité. L’arthrotomie peut être médiale ou latérale, cette dernière voie devant être privilégiée. Une ostéotomie avec relèvement de la tubérosité tibiale antérieure peut y être associée à la demande. En fait, elle doit être réservée aux difficultés d’exposition du genou ou à la correction d’un défaut d’alignement de l’appareil extenseur ou d’une patella alta.
La patella est explorée en premier. Sa préparation première par fraisage permet de déterminer l’épaisseur d’os restant, pour ne pas la fragiliser, et l’exposition de la trochlée fémorale d’évaluer la gravité de la dysplasie cartilagineuse — elle peut être plus importante que sur les radiographies, qui l’évaluent mal.
Un ancillaire précis permet de reproduire sur le fémur les angles évalués sur le scanner préopératoire, s’affranchissant des erreurs de repérage peropératoire. La coupe fémorale (fig. 4) est très précise, et conditionne le placement de l’implant dans le plan coronal. La dysplasie trochléenne doit être ainsi « gommée » par la coupe, qui aura une influence directe sur l’alignement de l’implant trochléen dans le plan coronal. C’est cet alignement qui déterminera la course fémoropatellaire, en particulier de l’extension à la flexion débutante.
Puis le choix de la taille et de l’orientation de l’implant fémoral sur le plan de coupe est une étape capitale. Au final, l’alignement coronal de la prothèse doit à la fois respecter l’ajustement métal - cartilage condylien latéral et favoriser l’engagement patellaire en début de flexion.
En respectant cette technique et en utilisant un implant de troisième génération, l’orientation du composant fémoral est prévisible, reproductible et assure la bonne course fémoropatellaire (fig. 5) . Le genou peut alors être testé entre 0 et 120° avec les pièces d’essai. Il faut vérifier que le glissement de l’implant patellaire sur la trochlée prothétique puis sur le condyle fémoral latéral est harmonieux. Il ne doit pas y avoir d’accrochage, ni de ressaut, ni de bascule. C’est le garant d’un bon résultat fonctionnel et mécanique final. Si l’essai est concluant, le garrot est gonflé, et les pièces prothétiques scellées.
Le suivi postopératoire
Le contrôle radiographique postopératoire est systématique (fig. 6, 7, 8). Dès le lendemain de l’intervention, le verrouillage du genou et l’extension sont recherchés — le renforcement du vaste médial doit être privilégié —, l’appui avec deux cannes autorisé pour trois semaines, et la flexion travaillée, de façon progressive sans limitation autre que la douleur. La prophylaxie antithrombotique est celle de toute prothèse de genou, de trente-cinq jours. Les bas de contention sont à garder la journée pendant un mois.
Le retour au domicile peut être autorisé trois jours après l’intervention, pour une rééducation par le kinésithérapeute pendant six semaines. La pratique des escaliers est immédiate dès le retour au domicile, mais en utilisant une rampe et une canne. La fluidité sera néanmoins tardive, pas avant la fin du troisième mois.
Les activités régulières de marche à l’extérieur peuvent reprendre à partir de trois mois après l'opération. De même, la pratique du vélo peut attendre six semaines, car une flexion de 110° doit être obtenue. Le patient peut monter en voiture dès sa sortie, mais doit attendre un mois avant de conduire, surtout s’il s’agit du genou droit. Les positions accroupie et à genou doivent être définitivement évitées. La course et le saut sont interdits.
D’après la conférence d’enseignement du Dr Franck Rémy, clinique de Saint-Omer, Blendecques
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