Il touche tous les niveaux sociaux : les médecins ne sont pas épargnés par le burn out ou syndrome d’épuisement professionnel, que ce soit dans le secteur public ou privé, chez les jeunes en formation ou les praticiens aguerris. Le monde de l’orthopédie est d'autant plus concerné qu'il réunit toutes les conditions : rythme de travail soutenu, augmentation de la sinistralité, perte de l’image auprès des patients, ingérence de plus en plus marquée des administrations hospitalières et/ou des grands groupes, politique de contrôle des institutions, activité libérale et secteur 2 sur la sellette, médias agressifs.
Le burn out désigne un état d’épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel. Il recouvre trois dimensions :
• Un épuisement émotionnel : fatigue ou usure, à la fois physique et mentale, due à des contraintes trop importantes. Les conditions, le rythme de travail ainsi que le degré personnel d’affect face aux charges émotionnelles en sont des facteurs clés.
• Une dépersonnalisation : conséquence de l'épuisement émotionnel, elle entraîne l'indifférence face à ce qui peut survenir, ce qui fait induit aussi une perte de la capacité décisionnelle et d'action.
• La perte de la notion d’accomplissement : le sujet sait bien qu’il n’est plus en état de « bien faire son travail », et cela augmente en retour sa souffrance émotionnelle.
Avec 22 questions simples, le test Maslach burn out inventory (MBI test), permet un diagnostic facile et précis d’état de burn out sur ces trois composantes.
Les manifestations cliniques du burn out peuvent être d’ordre émotionnel (anxiété, tensions musculaires, tristesse, manque d’entrain, irritabilité, hypersensibilité, absence d’émotion, fatigue, insomnie…), cognitif (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration…), comportemental (repli sur soi, isolement, comportement agressif, diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité, cynisme, comportements addictifs…), motivationnel (désengagement progressif, baisse de motivation et de moral, effritement des valeurs associées au travail, dévalorisation). Des manifestations physiques sont souvent associées, telles que l’asthénie, les troubles du sommeil, les troubles musculosquelettiques (lombalgies, cervicalgies…), les crampes, les céphalées, les vertiges, l’anorexie ou les troubles gastro-intestinaux.
Dans notre étude portant sur 1 204 questionnaires envoyés auprès de médecins exerçant en plateau technique lourd, il est apparu une corrélation entre le niveau de burn out et les signes d’interrogatoire ou cliniques suivants : les perturbations du sommeil, les céphalées et les rachialgies, l’appréhension à la charge de travail, la sensation d’épuisement, l’impossibilité de déconnecter après le travail ainsi que les difficultés à oublier les moments difficiles de la journée.
La HAS a bien sûr été alertée, et a mis en place une commission « qualité de vie au travail », dont l’auteur faisait partie. Cette commission a travaillé pendant plus de deux ans pour produire un document, le Guide thématique sur la qualité de vie au travail, destinée aux établissements de soins dans le cadre de la certification V3.
Une situation alarmante dans le monde médical
Plusieurs études, toutes plus alarmistes les unes que les autres, soulignent la gravité de la situation dans le monde médical. Rappelons que les maladies psychiatriques sont la première cause d’invalidité à la Carmf, avec un taux de 42 % selon le rapport d’Yves Léopold. L’enquête au sein de l’American College of Surgeon, avec plus de 7 905 réponses, est édifiante : 40 % de burn out, 30 % de symptômes de dépression. Le taux de suicides chez les chirurgiens est de 6,3 %, contre 3,3 % dans la population totale. Souvent, le sentiment d’accomplissement personnel demeure malgré tout intact.
Le burn out est constaté également chez les étudiants en médecine. En France, pour les internes, la situation est particulièrement alarmante : une enquête nationale (avec 4 050 réponses soit un taux de 64 % des internes de médecine générale de France) révèle que 34 % des internes considèrent faire partie d’au moins une des trois catégories de burn out. 39 % des internes en formation ressentent une baisse de leur accomplissement personnel et 34 % des internes dépersonnalisent leurs patients. Au total, près de la moitié des internes se sentent concernés, 16,5 % vont abandonner leur carrière, et 37 % regrettent d’avoir choisi la voie médicale.
Un certain nombre de facteurs influencent négativement l’approche de la qualité de vie des professionnels de santé : l’augmentation des tâches administratives, l’accroissement de la productivité avec, en corollaire, la diminution du temps consacré à chaque patient, l’augmentation du nombre d’heures de travail, le déséquilibre entre vie professionnelle et personnelle qui en résulte, sans compter l’évolution toujours plus rapide des connaissances médicales, l’augmentation de la sinistralité, la modification des relations praticiens patients et de l’image du praticien vis-à-vis du patient.
Notre spécialité est touchée dans les mêmes proportions que les autres : dans notre étude sur le monde orthopédiste, le niveau de burn out était de 32,3 %. Cela correspond aux résultats des autres enquêtes effectuées dans le monde des orthopédistes.
Une étude française récente chez les internes en orthopédie est particulièrement éloquente : 40 % des internes sont en état de burn out sévère selon le MBI test, avec notamment 63 % d’indice de dépersonnalisation, même si le taux de perte de l’accomplissement personnel (33 %) reste moindre.
Renforcer la prévention
Pour prévenir le burn out, nous proposons d'adapter son temps et le rythme de travail, de faire un travail sur la gestion des patients difficiles, apprendre à prendre du recul par rapport aux procédures et s’adapter aux administrations, retrouver le sens et les valeurs du métier, analyser la part de notre exercice professionnel dans notre vie, savoir s’exprimer, communiquer, reconnaître que l’on ne va pas bien et accepter d’y remédier.
Lorsque le burn out est avéré, la prise en charge impose un arrêt de travail immédiat, un suivi par le médecin traitant, presque toujours associé à une intervention psychiatrique et psychologique. L’arrêt de travail est une nécessité permettant au praticien de faire une pause professionnelle, se déconnecter par rapport aux situations professionnelles, retrouver ses valeurs, et choisir un mode et un cadre de travail plus appropriés.
Pour savoir si vous êtes concerné, nous vous proposons d’effectuer, vous aussi, le MBI test (1).
D'après la conférence d'enseignement du Dr Vincent Travers (Clinique des Lauriers, Fréjus) (1) http://www.masef.com/scores/burnoutsyndromeechellembi.htm
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