PAR LE Dr GUILLAUME LEURENT*
LA PREMIERE, tant historiquement que numériquement, des assistances circulatoires percutanées est la contre-pulsion par ballonnet intra-aortique (CPBIA), dont l’actualité récente est marquée par la publication de l’étude IABP-SHOCK II (1) et par une « dégradation » du niveau de recommandation (recommandations européennes 2012 sur la prise en charge de l’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST [2]) à une classe IIb, avec un niveau de preuve B.
Placée, par voie fémorale, dans l’aorte descendante, la CPBIA permet une diminution de la postcharge et de la pression capillaire, une amélioration de la perfusion coronaire, une réduction de la consommation myocardique d’oxygène et une augmentation modeste du débit cardiaque (de l’ordre de 0,5 l/min). Cependant, si les études et registres publiés à l’ère de la fibrinolyse plaident clairement en faveur d’une utilisation large de la CPBIA, ce bénéfice est moins clair chez les patients revascularisés par angioplastie primaire. En effet, jusqu’à cette année, les seuls essais randomisés étudiant spécifiquement son apport à l’ère de la revascularisation « systématique » du patient en choc cardiogénique (CC) postinfarctus ont été menés sur de petits effectifs, avec des résultats divergents. Ainsi, devant ces incertitudes, les résultats de l’étude IABP-SHOCK II, présentés lors du congrès 2012 de l’European Society of Cardiology (ESC), étaient attendus avec impatience (2) : 600 patients en CC postinfarctus (ce qui en fait la plus grosse étude publiée sur le CC) ont été randomisés pour avoir ou non une CPBIA, en plus du traitement optimal. L’étude est négative pour son critère principal de jugement, la mortalité à 30 jours : 39,7 % dans le groupe CPBIA contre 41,3 % dans le groupe témoin (p = 0,69). Il n’y a pas non plus de différence significative concernant les critères secondaires : temps nécessaire à l’obtention d’une stabilisation hémodynamique, durée de séjour en soins intensifs, pic de lactates, dose et durée des catécholamines, fonction rénale. Il faut noter, par ailleurs, l’absence de complication imputable à la CPBIA dans cette étude : pas de différence significative concernant les hémorragies majeures, les complications ischémiques périphériques, les sepsis et les accidents vasculaires cérébraux.
Si les résultats de cette étude ne sont pas en faveur de la CPBIA, il convient cependant de ne pas abandonner trop vite cette technique. En effet, outre un problème de « cross-over » important de patients, on rappelle que la revascularisation myocardique, pourtant d’indication « indiscutable » dans la prise en charge du CC, n’a pas non plus montré sa supériorité à 1 mois dans l’étude SHOCK, son bénéfice n’apparaissant qu’à 6 mois. Ainsi, les données du suivi à long terme des patients inclus dans l’étude IABP-SHOCK II seront déterminantes : si les résultats négatifs se confirment, ils risquent de réduire la place de la CPBIA dans la gestion des CC postinfarctus.
Les systèmes plus complexes.
Les recommandations de l’ESC laissent également une place aux systèmes plus complexes d’assistance ventriculaire gauche par voie percutanée (recommandation IIb, niveau de preuve C), parmi lesquels on peut distinguer trois classes (3).
• La pompe micro-axiale à débit continu (système Impella LP 2.5, Abiomed), qui est introduite dans le ventricule gauche par voie rétrograde (abord artériel fémoral). Elle génère un débit de 2,5 l/min, permettant ainsi une décharge du ventricule gauche. Ce système est dépendant de la pré- et de la postcharge ventriculaire gauche, et contre-indiqué en cas de sténose, de fuite ou de prothèse aortique, ainsi qu’en cas de thrombus intraventriculaire gauche. Cette assistance, évaluée dans l’étude ISAR-SHOCK sur un petit effectif de 26 patients en CC post-infarctus, a montré sa supériorité hémodynamique par rapport à la CPBIA (augmentation de l’index cardiaque à 30 minutes), mais sans réduction de la mortalité à 30 jours. À noter la récente mise sur le marché d’une nouvelle pompe percutanée Impella CP, fonctionnant sur un modèle similaire, mais pouvant générer jusqu’à 3,5 l/min de débit.
– La pompe centrifuge externe TandemHeart (CardiacAssist), qui aspire le sang dans l’atrium gauche (canule introduite par voie veineuse fémorale et nécessité d’un cathétérisme transseptal) et l’éjecte dans l’artère fémorale avec un débit de 3,5 à 4,5 l/min. Les inconvénients de cette technique sont liés à la nécessité du cathétérisme transseptal, à l’hémolyse et aux complications hémorragiques. Deux essais randomisés, sur 33 et 26 patients, ont comparé cette assistance avec la CPBIA, en plus du traitement médical optimal. Malgré une amélioration des paramètres hémodynamiques sous assistance, aucune différence significative n’a été observée sur la mortalité à 30 jours.
– Enfin, les assistances de types ECMO (Extra Corporeal Membrane Oxygenation), qui permettent une oxygénation du sang en plus d’un support hémodynamique important (4-5 l/min), sont de plus en plus accessibles. Leur mise en place, qui nécessite un abord fémoral veineux et artériel pour une aspiration du sang au niveau atrial droit et une éjection dans l’aorte descendante, doit pouvoir être réalisée en urgence. Ce type d’assistance, actuellement incontournable dans la prise en charge des CC les plus sévères, pose cependant plusieurs problèmes, notamment l’absence de décharge du ventricule gauche, la pré- et postcharge-dépendance, et le surrisque hémorragique. Enfin, une des difficultés actuelles est de savoir poser l’indication au bon moment, ce qui est d’autant plus difficile qu’un certain nombre de centres de cardiologie interventionnelle ne bénéficient pas de cette technique sur place (intérêt d’un réseau de soins, avec équipe mobile d’implantation).
* CHU de Rennes.
(1) Thiele H et coll. N Engl J Med 2012; 367(14):1287-96.
(2) Steg PG et coll. Eur Heart J 2012; 33(20):2569-619.
(3) Kar B et coll. Circulation 2012;125(14):1809-17.
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