La dégénérescence discale correspond à la perte des propriétés mécaniques et biologiques d’un disque intervertébral. Le processus de vieillissement discal est physiologique ; il est cependant pathologique quand on le considère comme prématuré. La présence d’une arthrodèse rachidienne perturbe le fonctionnement du disque adjacent, c’est-à-dire le premier libre, immédiatement après l’arthrodèse. La rigidité locale de l’arthrodèse reporte un excès de contrainte sur celui-ci, et entraîne son altération accélérée.
Plusieurs facteurs semblent favoriser cette évolution : l’étendue de l’arthrodèse, l’équilibre sagittal, le niveau de fixation, la rigidité du montage et l’intégrité des éléments postérieurs. Cependant, la littérature foisonne d’études aux méthodologies peu comparables et parfois contradictoires.
Un risque variable
Il est difficile de déterminer l’incidence de la discopathie du segment adjacent (DSA) car, selon les études et les critères utilisés, le taux évolue entre 5 à 70 %, dans un délai qui va de quelques mois à quelques années. Ha et al. ont rapporté une courbe de survie sans DSA : 72 % à 1 an, 63 % à 2 ans et 52 % à 4 ans, dans une population ayant eu une arthrodèse pour étiologie dégénérative (1). Les études montrent que la DSA concerne principalement le disque sus-jacent.
Un profil d’expression polymorphe
Le diagnostic repose sur la comparaison de radiographies successives. Il peut s’agir soit d’une diminution secondaire de la hauteur discale (le seuil retenu par la majorité des auteurs est de 50 %), soit d’un aspect de déstabilisation : décalage en translation (le plus souvent vers l’arrière ; rétrolisthésis), ou excès d’angulation entre les plateaux vertébraux sur la radiographie de profil (fig. 1). On note ici l’intérêt des radiographies dynamiques en flexion extension pour mettre en évidence un excès de mobilité. Des scores radiologiques, comme UCLA, peuvent être utilisés (tableau 1). L’IRM est aussi un examen, permettant les classifications de Pfirmann (tableau 2) et de Modic.
La DSA mise en évidence sur les radiographies est le plus souvent asymptomatique. Lorsque des manifestations cliniques sont présentes, il peut s’agir d’un syndrome rachidien ou radiculaire, ou de la combinaison des deux. Les manifestations cliniques sont 2 à 10 fois moins fréquentes que les manifestations radiologiques.
À moins d’une claudication liée à une éventuelle sténose du canal rachidien associée à la DSA, il est difficile d’affirmer que le mauvais résultat clinique, en présence d’une arthrodèse, est strictement lié à une DSA décelée par imagerie, notamment s’il s’agit d’une manifestation uniquement lombalgique.
Une décision thérapeutique délicate
Le traitement répond à la symptomatologie. Une forme radiologique asymptomatique sera respectée. Le traitement d’une DSA symptomatique est d’abord médical, mais peut faire appel à la chirurgie : extension d’arthrodèse et/ou extension de recalibrage spinal selon les cas. En cas de reprise chirurgicale, la question de l’équilibre sagittal doit être prise en compte, car il s’agit par définition d’un montage plus long qui nécessite l’évaluation de l’ensemble des courbures rachidiennes debout. Une ostéotomie vertébrale peut alors être discutée pour éviter syndrome du dos plat supplémentaire.
Le taux de réintervention pour DSA est toutefois relativement faible : pour Ahn et al. la survie sans réintervention pour DSA est de 97 % à 5 ans et 94 % à 10 ans (2). Il y a probablement un biais, car l’indication d’une réintervention n’est pas fondée uniquement sur une corrélation radioclinique mais dépend à la fois de la proposition (ou non) du chirurgien et du souhait (ou non) du patient ayant déjà été opéré par le passé. De plus, le terrain et les éventuelles comorbidités peuvent aussi freiner ou contre-indiquer une reprise (souvent complexe) chez des patients plus âgés que lors de l’arthrodèse initiale.
Des questions ouvertes
L’existence d’une problématique du segment adjacent à une arthrodèse est communément admise, malgré une certaine discordance anatomoclinique. Certains aspects techniques semblent influencer l’évolution mais il est difficile de préciser exactement leur contribution (3) ; réduire la longueur du montage et régler au mieux les courbures sagittales sont des objectifs logiques.
Une question d’importance reste ouverte : celle de la prise ou non des charnières, et plus particulièrement du sacrum, lors de la réalisation d’une arthrodèse rachidienne : faut-il inclure le segment adjacent d’emblée ou le laisser évoluer ? Ce choix peut être plus facile pour les disques franchement pathologiques mais moins pour les étages discaux dont la dégradation préalable est seulement intermédiaire. De toute manière, le traitement chirurgical éventuel d’une DSA repose sur une vue d’ensemble de la colonne vertébrale.
(1) Ha KY et al. Risk factors for adjacent segment degeneration after surgical correction of degenerative lumbar scoliosis. Indian J Orthop 201347(4):346-51
(2) Ahn DK et al. Survival and prognostic analysis of adjacent segments after spinal fusion. Clin Orthop Surg 20102(3):140-7
(3) Kasliwal MK et al. Frequency, risk factors, and treatment of distal adjacent segment pathology after long thoracolumbar fusion: a systematic review. Spine (Phila Pa 1976), 2012;37(22 Suppl):S165-79
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