La sécurité des patients exige le dépistage rapide de tout dysfonctionnement d’un dispositif médical afin de prendre les mesures nécessaires : il s’agit de la matériovigilance. Cette sécurité implique également la nécessité de retracer le chemin d’un dispositif tout au long de sa durée de vie : la traçabilité.
L’histoire de la matériovigilance est récente, avec la création de l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) en 1998, devenue en 2012 agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Une démarche avant-gardiste
Dès les années 1980, grâce à des pionniers tels Sylvain Terver et Norbert Passuti, la SOFCOT a pris conscience du problème et s’est efforcée d’organiser une surveillance préventive en collaboration avec tutelles et fabricants.
En France, la métériovigilance est calquée sur la réglementation européenne des dispositifs médicaux. Elle repose sur la notion de déclaration volontaire mais obligatoire par tout citoyen en cas de défaillance d’un dispositif médical. La centralisation ainsi que l’analyse des déclarations est assurée par l’ANSM, qui peut être amenée à prendre des mesures sécuritaires allant jusqu’à l’interdiction de commercialisation d’un dispositif. L’ANSM a également des fonctions de surveillance des fabricants, du marché des dispositifs, mais également des organismes chargés de délivrer le marquage communauté européenne (CE), en France.
À l’occasion d’épisodes récents (affaires des prothèses mammaires) la réglementation européenne sur les dispositifs médicaux a été améliorée, donnant plus de pouvoir aux agences nationales.
En France, une collaboration étroite est établie entre la SOFCOT et l’ANSM, sous la forme de réunions bisannuelles régulières ou en cas de crise. Un bel exemple de collaboration est celui de la gestion de la crise des têtes zircone en 2000, qui a abouti au retrait du marché en 2002 de ce produit. La difficulté de la matériovigilance est la sous-déclaration des événements, souvent par méconnaissance ou ignorance. Toutefois, chaque année, le taux de déclarations augmente sensiblement.
En pratique
Tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral, indépendants ou salariés, ont obligation d’informer l’ANSM de tout incident de matériovigilance rencontré au cours de leur exercice professionnel. La non-déclaration d’un incident expose à des sanctions pénales.
Tout comportement anormal d’un dispositif médical, rupture, dysfonctionnement, à l’exception des conséquences d’un mésusage, doit être déclaré. Par exemple, une révision anormalement précoce et inexpliquée d’une prothèse articulaire doit être déclarée.
Les praticiens exerçant en établissement de santé peuvent alerter directement leur CMLV qui assurera la déclaration auprès de l’ANSM. Il est préférable de tracer l’information par un courrier recommandé. Il est possible également de déclarer directement à l’ANSM avec l’imprimé cerfa téléchargeable (1).
Priorité à l’intérêt général
Un incident unique n’aura pas d’intérêt pour la collectivité, cependant, la multiplication du même incident permettra d’alerter les tutelles et de mettre en œuvre les mesures sanitaires nécessaires. Il s’agit donc d’un devoir civique vis-à-vis de tous nos collègues.
S’il ne s’agit pas d’un incident critique nécessitant une réaction immédiate, l’ANSM enverra au déclarant un récépissé, l’incident sera inscrit dans une base de données. En cas de fréquence élevée, une enquête sera diligentée.
Il est recommandé aux professionnels de conserver le dispositif incriminé, de ne pas le remettre aux fabricants, sauf demande expresse de l’ANSM. Il devra par contre être remis pour une éventuelle expertise judiciaire.
S’il n’y a pas d’obligation d’informer le fabricant, il toutefois recommandé de faire lui parvenir une copie de la déclaration, afin qu’il puisse prendre d’éventuelles mesures. Dans tous les cas, il sera averti par l’ANSM.
Vers une mondialisation des données
La traçabilité des dispositifs médicaux est fondamentale si l’on veut en assurer la sécurité. Elle doit être ascendante, permettant de retrouver un dispositif à partir d’un patient, mais également descendante, afin de retracer tous les patients porteurs d’un dispositif médical. Celle-ci reposait jusqu’à présent sur la notion de numéro de lot.
À l’occasion d’événements récents, et surtout de la découverte de nombreux dysfonctionnements dans la traçabilité, la communauté européenne ainsi que les États-Unis ont décidé la mise en œuvre d’un identifiant unique, accompagné d’un étiquetage unique et uniforme qui permettra d’affiner la traçabilité non plus avec le numéro de lot mais avec le numéro du dispositif. En principe, tous les utilisateurs du dispositif devront être reliés à une base de données européenne.
Cela implique une volonté commune des états membres, une uniformisation des codes-barres, et surtout la mise en commun d’une base exhaustive de données. La mise en œuvre de ce projet ambitieux est prévue pour 2017. Dès à présent, les dispositifs ne disposant pas d’un étiquetage conforme à l’identifiant unique ne peuvent pas être utilisés aux États-Unis.
(1) https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_10246.do
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