DE L’OBÉSITÉ À LA CHIRURGIE BARIATRIQUE. C’est un grand paradoxe : la prévalence de l’obésité augmente en France alors que la pharmacopée se rétrécit. La recherche industrielle a fait parfois fausse route et tarde à redémarrer. Les régimes sont souvent peu personnalisés et trop restrictifs. La chirurgie bariatrique sortirait-elle comme la grande bénéficiaire de cette situation ? Depuis dix ans, cette prise en charge chirurgicale peu anodine et réservée aux formes sévères connaît une croissance exceptionnelle.
LE QUOTIDIEN - Faut-il prendre en charge médicalement toute demande relative à un surpoids ou à l’obésité ?
PR ARNAUD BASDEVANT. - Dès lors qu’il n’y a pas de conséquences immédiates sur la santé, l’excès de poids, en soi, ne relève pas nécessairement d’une approche médicale sauf s’il atteint un niveau très significatif. Compte tenu de la fréquence des complications métaboliques, mécaniques, respiratoires, urinaires, inflammatoires, associées à l’obésité, le risque de certains cancers et les conséquences psychosociales, nombreuses sont les personnes obèses qui relèvent d’une approche médicale. C’est précisément le rôle du médecin de savoir si l’excès de poids doit être « médicalisé » : ce n’est pas systématique. J’insiste sur le fait qu’on ne doit pas se contenter d’une approche cardiovasculaire ou métabolique, évidemment essentielle. Certaines personnes peuvent souffrir d’apnée du sommeil sans forcément avoir une hypertension artérielle, de problèmes articulaires ou urinaires liés à l’obésité sans avoir de trouble métabolique.
Cette prise en charge relève-t-elle du premier recours du médecin traitant ?
Cette démarche initiale ne relève sûrement pas d’un spécialiste. Elle est faite en médecine de ville. Ce serait d’ailleurs complètement irréaliste compte tenu des 6 millions de personnes obèses en France de la réserver aux spécialistes mais c’est surtout parce qu’il s’agit d’un exercice de médecine générale qui consiste à évaluer l’état de santé des patients dans une approche globale.
Quelle stratégie développez-vous ici dans un service spécialisé ?
La stratégie thérapeutique devant une obésité médicale est hiérarchisée. Il faut en premier lieu demander au patient ce qui le gène et s’attendre à une très grande variété dans les réponses. Certains ont des problèmes d’image de soi, d’autres sont gênés par un essoufflement, des douleurs, une transpiration anormale ; ailleurs des problèmes d’embauche ou de harcèlement peuvent être au premier plan. Il est essentiel de partir de la demande du patient et non d’appliquer de manière pavlovienne le réflexe « il est gros, il doit manger moins ». Il reste malheureusement fréquent que des personnes obèses sont l’objet de stigmatisation au sein même du système de soins et ne reçoivent comme réponse à leur demande que des stéréotypes diététiques plus ou moins moralisateurs.
Chez certains, la priorité du traitement sera de corriger un diabète, une hypertension ; pour d’autres ce sera une prise en charge psychologique ; pour d’autres ce sera une approche sur le mode de vie : il ne faut pas avoir d’a priori, analyser la situation et identifier les priorités. À partir de là on avance un projet thérapeutique qui, entre autre, comportera des conseils sur l’alimentation et l’exercice physique.
Qu’en est-il de la pharmacopée présente et à venir ?
Il est vrai qu’il n’y a quasiment plus de traitement pharmacologique de l’obésité et on assiste une expansion considérable de la chirurgie bariatrique (voir ci-dessous). Cette expansion s’explique par la progression très spectaculaire des formes graves de l’obésité notamment chez les femmes et par l’absence de traitement pharmacologique disponible.
Les perspectives de traitement pharmacologique sont soumises à quelques conditions. La première est que la recherche se poursuive au niveau académique, au niveau industriel et avec des échanges entre les chercheurs dont les expertises respectives sont différentes et complémentaires. La question est d’autant d’actualité que de nombreuses firmes ont arrêté leur développement ou s’interrogent sur les développements futurs après les échecs successifs.
La deuxième condition, majeure, non respectée, est qu’il faut considérer que l’obésité est hétérogène. Il est illusoire de penser que l’on disposera d’un traitement pour tout le monde. La statine de l’obésité n’existera pas. Il faut identifier les populations cibles et différencier les indications. Certains ont cru que « le médicament de l’obésité » pouvait s’adresser à l’ensemble des personnes obèses. C’est une piste non réaliste et cela explique, à mon sens, de nombreux échecs. L’idée qu’un traitement de l’obésité se résume à un traitement de l’excès de masse grasse n’est pas pertinente. L’objectif d’un traitement médicamenteux dans le cas de l’obésité est la perte de poids mais plus fondamentalement l’amélioration de l’état de santé globale.
La troisième condition est de prendre mieux en considération les effets secondaires dans une population qui présente une grande variété des complications qui ne se limitent pas au système cardiovasculaire et aux aspects somatiques. Autre condition, prendre en compte les progrès de la recherche physiopathologique sur l’obésité, nombreux ces dernières années.
La chirurgie a-t-elle ouvert des pistes pharmacologiques ?
Le montage chirurgical modifie profondément les messagers du tube digestif ; on pourrait identifier des substances qui prédisent le succès thérapeutique et en faire des développements ciblés. Il faut également considérer les nouvelles pistes dconcernant la physiopathologie de l’obésité sur l’inflammation, sur la fibrose, sur la flore intestinale, sur les perturbateurs endocriniens, les agents infectieux. Toutes ces voies pourraient être développées dans des pistes thérapeutiques.
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