Comment s'assurer que la meilleure prise en charge est proposée aux patientes atteintes d'un cancer gynécologique ? Une certification nationale des praticiens et des centres de formation est une solution défendue par un groupe de travail issu de quatre sociétés savantes, du Conseil national des universités (CNU) et de la Fédération des centres de lutte contre le cancer (Unicancer). Le projet proposé va être publié prochainement dans le « Bulletin du cancer ».
« En France, il n'existe aucun parcours identifié pour la formation en cancérologie gynécologique, explique le Pr Chérif Akladios du CHU de Strasbourg, l'un des représentants des sociétés savantes qui a participé au projet. Notre pays fait figure d'exception : l’onco-gynécologie est reconnue comme étant une sous-spécialité dans de très nombreux pays du monde, et la Société européenne de gynécologie oncologique (ESGO) a mis en place un cursus spécifique et un système de certification des centres formateurs ».
Afin d'harmoniser la prise en charge sur le territoire, la Société française d'oncologie gynécologique (SFOG), la Société de chirurgie gynécologique et pelvienne (SCGP), la Société francophone de chirurgie oncologique (SFCO) et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) se sont associés pour dessiner le périmètre de la discipline. L'élaboration du projet a mobilisé un jury formé de dix experts reconnus, huit membres des sociétés savantes, un du CNU et un d'Unicancer.
Un soutien de l'ESGO
L'ESGO a d'ores et déjà donné son accord pour soutenir le projet. « C'est un gage de légitimité, se satisfait le secrétaire de la SFOG. Une reconnaissance importante pour que nos collègues adhèrent à la démarche ». Cette action a été considérée comme nécessaire face à l'absence totale de cadre institutionnel. « Nous, les sociétés savantes, nous nous sommes emparés du sujet pour faire bouger la situation, explique le Pr Akladios. Les institutions s'y intéresseront certainement quand les choses seront bien avancées ».
La cancérologie gynécologique a la particularité de se situer à la confluence de plusieurs disciplines médicales et chirurgicales : certains gestes opératoires sont compliqués et dépassent la sphère gynécologique au sens strict. L'un des exemples les plus parlants est le cancer de l'ovaire, qui est découvert dans plus de 75 % des cas à un stade avancé. « La prise en charge chirurgicale comporte généralement des résections digestives, en particulier de la charnière recto-sigmoïdienne, une splénectomie, des péritonectomies multiples, notamment sous-diaphragmatiques, et même la résection intrathoracique de ganglions cardiophréniques », est-il rappelé dans le document à paraître.
Au moins 20 cancers de l'ovaire par an
Mais la cytoréduction tumorale intrapéritonéale n'est pas le seul défi chirurgical dans la prise en charge des cancers gynécologiques : « les exentérations pelviennes avec ou sans dérivation digestive et urinaire, notamment dans le cadre de chirurgie de récidives, les lymphadénectomies pelviennes et lombo-aortiques et la recherche de ganglions sentinelles » sont également des temps opératoires dont la maîtrise entretenue par la pratique fréquente est essentielle.
Selon le consensus européen pour la prise en charge des cancers de l’ovaire, seuls les centres opérant plus de 20 cancers de l’ovaire de stades avancés par an devraient être accrédités. Ce critère n'est pas respecté actuellement en France car, selon les données de la CNAMTS, sur les 528 établissements habilités en 2018, seulement 10,9 % opéraient plus de 20 cancers de l'ovaire par an (en excluant les gestes non thérapeutiques). Au total, 55 % des Françaises sont traitées dans des hôpitaux généraux ou des cliniques opérant moins de 10 cas par an. Comme souvent plusieurs chirurgiens exercent dans ces établissements, leur expérience individuelle est réduite.
Un courrier à tous les établissements
Le comité propose ainsi une certification des centres de formation et des praticiens. « La première étape est de définir les centres de formation, explique le Pr Akladios. Tous les responsables d'établissements vont être contactés par courrier pour les informer de notre démarche et de la possibilité offerte de déposer un dossier ». Un site web hébergé par la SFOG présente l’ensemble des informations concernant la procédure de certification pour les centres et pour les praticiens.
Les prérequis indispensables retenus par le comité parmi les critères de l’ESGO sont : la prise en charge de 150 cas de cancers gynécologiques pelviens par an ; dont au moins 100 chirurgies d’exérèse tumorale et 20 de cytoréduction tumorale pour cancers de l’ovaire de stade avancé III-IV ; et une voie mini-invasive pour au minimum 60 % des cancers de l’endomètre.
Des projections pour 2040
Des critères d'éligibilité ont été définis : épreuve de connaissance de l'ESGO pour tous, mais cursus validant différent selon que le candidat est déjà en exercice ou en formation. Le cahier des charges comporte quatre volets : formation, recherche et publication, enseignement et inscription dans une dynamique de formation continue. Le « logbook » n'exige pas de seuils relatifs au nombre d’interventions à réaliser, mais les prérequis de l’ESGO sont pris comme repères sans être discriminatoires.
Le lancement de certifications de praticiens en exercice et de centres formateurs est prévu pour la rentrée 2021-2022. « Un chirurgien onco-gynécologue devrait consacrer au minimum 50 % de son temps à la chirurgie cancérologique selon la définition de l'ESGO, souligne le Pr Akladios. Combien de chirurgiens nous faudra-t-il former alors pour 2040 ? Selon nos calculs, les besoins évalués sur la base des données PMSI s'élèvent à 130 spécialistes, soit deux par million d'habitants. Avec une marge de manœuvre jusque trois pour tenir compte des disparités régionales et des profils de carrière et de sorte que chacun d'eux réalise au moins deux interventions par semaine pour garder la main. Ce chiffre, adapté en fonction des nécessités territoriales, permet de couvrir la totalité du territoire et d'éviter d'avoir des régions déshéritées ».
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