Connu dans le langage populaire sous la désignation imagée de « pied cambré » (par opposition au pied-plat) le pied creux se définit comme une accentuation de la courbure de l’arche plantaire, réduisant de fait la distance entre les appuis plantaires antérieur et postérieur et accroissant la pression sur ces deux zones d’appui.
Avec vingt-six éléments osseux principaux constitutifs, le pied doit sa morphologie à leur agencement. Lorsqu’il diverge de façon substantielle de celui de la majorité des pieds on est en présence d’un désordre architectural. De très nombreux paramètres peuvent y contribuer : forme des éléments squelettiques, disposition les uns par rapport aux autres, relâchement ou rétractions des structures d’union, équilibre des muscles à la fois extrinsèques et intrinsèques pontant la structure d’ensemble, etc. Le pied est une structure complexe tenant de la chaîne articulée, un seul chaînon pouvant perturber l’ensemble spatial, principalement d’aval, mais également d’amont.
Le diagnostic du pied creux est retenu quand l’angle repère matérialisant la hauteur de l’arche longitudinale entre l’arrière pied et l’avant-pied (angle de Djian et Annonier), visualisable sur un cliché en charge de profil, est inférieur à 120°. Ce diagnostic porte donc sur l’anomalie squelettique et il est dépouillé de la multiplicité des facteurs contributifs susceptibles de conduire à cette anomalie.
Le contexte étiologique détermine l’épidémiologie.
Le pied creux se rencontre principalement chez l’adulte ou le grand enfant, sans prédominance de sexe, aussi bien de façon unilatérale que bilatérale suivant la pathologie causale. L’étiologie prédominante est une maladie neuromusculaire (le système nerveux central ou périphérique, maladie de Charcot-Marie-Tooth, infirmité motrice centrale, polio, dystrophie musculaire, etc.). De nombreuses autres causes peuvent être évoquées : post-traumatiques (lésion d’un nerf du membre inférieur, séquelles d’un syndrome de loges, brûlure ou écrasement de membre, plaie tendineuse, etc.) ; congénitales (séquelles de pied-bot, arthrogrypose, hémimélie longitudinale médiale ou latérale, etc.). Ce n’est qu’une fois éliminé tous ces contextes étiologiques numériquement les plus nombreux que le pied creux est qualifié d’idiopathique.
Il existe plusieurs types morphologiques de pied creux.
On peut décrire ces anomalies en fonction de la topographie du sommet de l’angulation : le pied creux antérieur – ou cavus antérieur – dont l’apex se situe à la base métatarsienne ; le pied creux du médiopied se situe de façon plus proximale, en amont des cunéiformes ; le pied creux postérieur – ou cavus de l’arrière-pied – tire sa composante principale d’une verticalisation du calcanéum.
Le pied creux idiopathique a la particularité d’être plutôt antérieur. Il vient intéresser la palette métatarsienne qui se trouve verticalisée. De surcroît il est direct, sans retentissement d’amont ni d’aval, c’est-à-dire sans déformation surajoutée dans le plan frontal de l’arrière pied, ni déséquilibre de la pronosupination de l’avant pied. Il est plus rare qu’il comporte également une verticalisation calcanéenne donnant lieu au final à un pied creux mixte (antérieur et postérieur).
La déformation tire sa source de nombreux déséquilibres musculaires que l’on ne parvient pas toujours à parfaitement analyser dans la mesure où certains d’entre eux produisent parfois paradoxalement une déformation inverse. En outre, le rôle de la musculature intrinsèque est important et dans certaines atteintes neurologiques elle constitue le point de départ du processus déformant. L’analyse mécanique est également rendue complexe par l’intervention de groupes musculaires agonistes et antagonistes et par le fait que le déséquilibre n’est pas nécessairement celui qui, de prime abord, est le plus évident.
De telles modifications de synergie des groupes musculaires se combinant au repositionnement anarchique des chaînons couplés et à la rétraction de la corde de l’arche, l’aponévrose plantaire, aboutissent à la déformation finale du pied creux. Mais, au départ, cela peut être par exemple un affaiblissement du muscle tibial antérieur qui initie le processus déformant.
Examen clinique systématique.
Bien qu’apparemment insignifiant par rapport à d’autres examens diagnostics tels que la radiographie en charge de profil, le simple examen clinique ne doit pas être expédié. L’interrogatoire doit faire préciser la nature des symptômes ressentis : faible seuil de tolérance à la marche ou la station debout prolongée, gêne au chaussage, sensation d’appui instable, crampes des mollets… de tels symptômes peuvent être absents et le pied creux perdurer de nombreuses années sans manifestation notable. L’examen va ensuite se focaliser sur la marche, la station debout, la morphologie du pied. L’examen au podoscope fait partie intégrante de cette évaluation. En procédant de façon systématique, l’examinateur commencera par examiner le mollet afin de s’assurer de l’absence de déperdition musculaire d’amont. Puis seront testées les forces musculaires des releveurs du pied et des orteils, des fléchisseurs plantaires et des orteils, des jambiers et des péroniers latéraux. La sévérité de la déformation sera ensuite appréciée : degré de tension du fascia plantaire, siège de l’apex de la déformation, distribution équilibrée ou non de l’excès d’appui sur l’avant-pied (durillons sur l’ensemble des têtes métatarsiennes ou prédominant à la région du premier métatarsien), existence ou non d’un varus talonnier, présence ou non de griffes d’orteils, etc. La réductibilité partielle de la déformation globale sera également étudiée. Le reste de l’examen clinique consistera à percuter les réflexes et à procéder à un examen neurologique, aussi bien des membres inférieurs que supérieurs. En cas de constatations équivoques, une consultation neurologique ou neuro-pédiatrique sera organisée.
Ensuite, le bilan radiographique standard des désordres architecturaux du pied sera prescrit, avec des radiographies bilatérales des deux pieds en charge, de face, arrière-pied cerclé, de profil. Ce dernier cliché est particulièrement utile pour y mesurer la pente calcanéenne, l’angle talo-calcanéen, l’angle entre le talus et le premier métatarsien. Ces clichés confirment le siège de l’apex de la déformation subodoré par l’examen clinique (cunéo-métatarsien, naviculaire ou cunéiforme) et en chiffre la sévérité.
Pas de traitement standard.
Le pied creux idiopathique, par opposition aux autres étiologies, plus particulièrement neuromusculaires, est en général peu évolutif. Néanmoins certains symptômes sont susceptibles de s’aggraver : équin du pied, griffes fixées des orteils, perte de mobilité sous-astragalienne, durillons, surtout de l’avant-pied mais également du talon… La première approche thérapeutique est non opératoire : orthèses plantaires, modifications de chaussage, exercices d’assouplissement ou d’étirement musculo-tendineux (stretching). Les orthèses peuvent être à visée de correction, de prévention d’une aggravation, ou de compensation, lorsque les déformations ont avancé vers un point de non-retour et cherchent alors à adapter les appuis à la morphologie altérée : talonnette de surélévation discrète en cas d’équin, barre d’appui rétro-capitale, cuvette de stabilisation d’arrière-pied… Un chaussage approprié devra permettre l’utilisation confortable de ces orthèses.
Ce n’est qu’en cas d’échec avéré de ces mesures non opératoires qu’il conviendra de proposer des solutions chirurgicales. Les objectifs de la chirurgie doivent êtres clairs : corriger les déformations segmentaires, tenter de rétablir le meilleur équilibre musculaire possible, éviter autant que faire se peut les arthrodèses (qui, bien que morphologiquement correctrices, sont suppressives de mobilité) et enfin éviter de fermer des portes à des interventions ultérieures susceptibles de s’avérer nécessaires en cas de récidive…
Le choix de la technique opératoire, large, dépendra de la configuration de la déformation. Deux procédés essentiels : des ostéotomies visant à modifier la géométrie squelettique, et des libérations de parties molles rétractées… Ou à la combinaison des deux.
D’après la conférence d’enseignement du Dr Philippe Wicart.
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