Lorsqu’une prothèse totale de hanche a servi un certain temps, sa perte d’ancrage s’accompagne le plus souvent d’une détérioration du support osseux qui l’hébergeait en première intention, que ce soit côté fémoral ou côté cotyloïdien/acétabulaire. Le défi technique est alors de mettre en place une nouvelle prothèse dans un environnement squelettique le mieux possible reconstitué.
L’expérience historique de ces reprises avait fait apparaître que le versant acétabulaire était le plus préoccupant sur la durée. Les pertes de substances osseuses y étaient classiquement comblées soit par des greffes autologues, avec fort potentiel d’intégration mais des quantités limitées et une morbidité liée aux prélèvements, soit par des allogreffes provenant de donneurs, vivants, le plus souvent (tête fémorale), ou décédés (allogreffes massives), en quantité relativement illimitée mais avec des capacités d’intégration moins bonnes, notamment dans le dernier cas.
Pour pallier les phénomènes de résorption, les chirurgiens ajoutèrent des armatures (fig. 1), destinées à protéger les greffons d’un excès de contraintes mécaniques au cours de leur processus d’intégration. Malgré tout, des échecs des greffes sont rapportés après 7 à 15 ans.
Ces échecs tardifs étaient parfois la conséquence de fautes techniques lors de la reconstruction, mais ils pouvaient aussi être liés à des pertes de substance osseuse spécifiques. Celles-ci pouvant être segmentaires, cavitaires (de meilleur pronostic), compromettre le toit de l’acetabulum s’il est détruit, ou encore réaliser des cas de disjonction pelvienne (fig. 1). Deux classifications sont très utilisées en France : Sofcot et Paprosky (fig. 2). Ce sont les pertes de substance Sofcot 3 et 4 et Paprosky IIC, IIIA et IIIB qui posent le plus de problèmes de reconstruction et de pérennité.
Une chirurgie exigeante
Pour pallier les échecs tardifs liés à la résorption des greffes, des matériaux métalliques de reconstruction ont été mis au point, soit modulaire (fig. 3A) soit monobloc sur mesure (fig. 3B). Il s’agit de matériaux poreux et donc colonisables par l’os receveur, qualifiés de « réhabitables » en profondeur. Ils ne sont pas résorbables et ne sont donc pas exposés aux échecs tardifs qui affectaient les greffes par résorption.
Les composants modulaires permettent de s’adapter aux pertes de substance, en assurant une reconstruction à la demande au cours de l’intervention, mais ils sont exposés aux complications de la modularité — corrosion, libération de débris métalliques —, imposant de cimenter les jonctions (fig. 3A).
Quant aux matériaux métalliques monoblocs sur mesure, ils n’ont pas ces inconvénients, mais nécessitent un délai de fabrication de 5 à 8 semaines. Les possibilités de reconstruction sont alors théoriquement illimitées, pouvant aller jusqu’à la reconstruction d’un hémibassin… Mais la mise en place de tels composants est difficile lorsque le volume est important, imposant des voies d’abord plus étendues et exposant à des complications nerveuses par étirement (sciatique, fémoral).
Les composants modulaires sont en tantale (disposant d’un recul de 20 ans) ou en alliage de titane poreux (d’introduction plus récente). Les matériaux sur mesure sont fabriqués en alliage de titane à partir de données du scanner permettant de reproduire la perte de substance sur un bassin synthétique et de guider la fixation par vis en donnant leur taille et direction (fig. 3B).
Le succès des reconstructions métalliques suppose à la fois un contact intime avec l’os receveur, qui doit être avivé, et une stabilité immédiate, obtenue par press-fit et vissage pour les matériaux modulaires et par ajustement sur les données scanner avec impaction et fixation complémentaire par des vis pour les matériaux sur mesure.
Une survie prothétique améliorée
Les matériaux métalliques apportent une meilleure survie que les classiques armatures-allogreffes (avec un faible niveau de preuve scientifique), mais sont associés à un taux plus élevé de luxation, probablement du fait de difficultés à utiliser les implants à double mobilité, notamment sur les plus petites tailles. Ce sont les échecs préalables des armatures-allogreffes sur des pertes de substance type III de Paprosky avec ou sans discontinuité pelvienne qui bénéficient le plus des reconstructions métalliques (sous réserve d’artifices techniques).
Ces matériaux représentent un surcoût qui n’est pas complètement pris en charge. En ne considérant que le coût des implants, par rapport à une reconstruction greffe + armature + cupule scellée (2 100 €), le surcoût pour une reconstruction modulaire est de 1 534 euros, dont 1 434 euros non pris en charge. Le coût des implants sur mesure (hors hémibassin) varie de 4 200 à 8 500 euros, pour un tarif opposable de 4 749 euros.
Seules les reconstructions avec le tantale ont dépassé 10 ans de recul, suggérant une surveillance rapprochée pour les autres matériaux. En effet c’est dans ce délai que les classiques armatures-allogreffes ont montré leurs échecs, imposant aux reconstructions métalliques un plus long recul pour prouver définitivement leur apport bénéfique.
a Université de Lille Nord de France
b Service d'orthopédie, hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille
c Service de chirurgie orthopédique, CHU de Rennes-Pontchaillou
d Département de médecine du sport, faculté de médecine de Lille, université de Lille 2
Conflits d’intérêts : Aucun des auteurs ne déclare de conflit en relation avec ce travail. En dehors de ce travail, H. Migaud déclare être rédacteur associé pour
Orthopædics Traumatology Surgery and Research et consultant éducation et recherche pour Zimmer-Biomet, Corin-Tornier, MSD et SERF ; J. Girard, consultant pour Microport et Smith & Nephew ; S. Putman, consultant pour Tornier-Corin ; D. Huten, déclare être rédacteur en chef des Cahiers d’enseignement de la Sofcot et percevoir des royalties de Smith & Nephew.
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