« LA CONTRACEPTION DÉFINITIVE ? Je n’en ai jamais entendu parler », tel est le constat de la majorité des médecins réunis à Lille pour ce « Rendez-vous du Quotidien ». Quelques-uns, cependant, font référence à la ligature des trompes. « On la proposait, voire on l’imposait, à des femmes pour lesquelles une grave pathologie contre-indiquait toute future grossesse », se rappelle l’un des participants. D’autres évoquent l’existence d’une nouvelle méthode, sans en connaître la technique. « J’en ai entendu parler, mais je ne sais pas exactement quelle est la procédure ni à quelles patientes la proposer », résume une participante. Parmi les praticiens réunis à Lille, deux sont en revanche bien informées sur la contraception définitive par voie hystérectoscopique, mais observent que leurs confrères gynécologues auxquels elles ont adressé leurs patientes désireuses d’en bénéficier n’étaient pas au fait ou même s’étaient révélés réticents… Quelques-uns pensaient même que la contraception définitive n’était pas autorisée… « Et, pourtant, nous fêtons le dixième anniversaire de la loi de 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception qui autorise et encadre la stérilisation à visée contraceptive », rappelle le Dr Jean-Philippe Lucot, chirurgien gynécologue à l’hôpital Jeanne-de-Flandre (Lille).
Sortir du « tout pilule ».
Pour mieux comprendre la place et l’intérêt de la contraception définitive, un petit tour d’horizon des pratiques contraceptives en France s’impose, note le Dr Lucot.
Premier constat : Plus de 75 % des femmes en âge de procréer et sexuellement actives utilisent un moyen contraceptif. Dans 85 % des cas, il s’agit d’une méthode médicale, prescrite dans 40 % des cas par un généraliste. Compte tenu de la diminution du nombre de gynécologues de ville, le rôle des généralistes dans la contraception comme de façon plus générale en gynécologie médicale sera de plus en plus prépondérant, remarque encore le Dr Lucot.
Deuxième observation : en France, la pilule est le moyen le plus utilisé. Chez les femmes de moins de 35 ans, elle représente près de 75 % des méthodes de contraception. Le dispositif intra-utérin (DIU) vient en deuxième position, mais il reste très peu utilisé chez les moins de 30 ans. En revanche, c’est la méthode de choix au-delà de 45 ans où elle supplante la pilule. Cette dernière représente un tiers des moyens contraceptifs dans la tranche d’âge 45-54 ans. Le préservatif masculin est, quant à lui, surtout utilisé chez les jeunes.
Troisième particularité hexagonale : les autres méthodes (implant, anneau, patch, contraception définitive) restent mal connues – 44 % des Français connaissent l’implant ou l’anneau vaginal selon une enquête INPES-BVA de mars 2007 –, et surtout très peu utilisées : entre 1 à 2 % des femmes en fonction des classes d’âge y ont recours. Des pratiques qui se distinguent nettement de celles d’autres pays, notamment des pays anglo-saxons, où la contraception définitive est la principale méthode contraceptive, devant la pilule et, très largement, devant le DIU.
Pourquoi et quand proposer la contraception définitive ?
Bien que la contraception soit largement utilisée, un tiers des grossesses sont qualifiées de « non prévues », deux tiers des grossesses non prévues l’étant sous contraceptif, dont 20,9 % sous pilule et 8,7 % sous DIU. Le nombre d’IVG (200 000 par an) reste élevé et plus d’une IVG sur 5 concerne des femmes de plus de 35 ans. Des chiffres qui illustrent un taux d’échec important et qui ont conduit l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) à élaborer, en 2009, des recommandations pour la prévention des grossesses non désirées. Elles précisent qu’il faut diversifier les méthodes en les adaptant aux besoins et aux modes de vie des utilisatrices, promouvoir des méthodes moins contraignantes que la pilule, dont la contraception définitive, et anticiper les accidents de parcours contraceptifs. L’IGAS recommande d’agir à trois niveaux : la diffusion de la contraception en améliorant notamment l’accessibilité des jeunes, le choix de la contraception en promouvant les méthodes réversibles de longue durée et en présentant la contraception définitive parmi les autres méthodes contraceptives. « La contraception définitive peut se révéler une solution simple et adaptée pour un certain nombre de femmes ne désirant plus d’enfants et présentant une contre-indication à la contraception hormonale, ou oubliant régulièrement leur pilule ou ne tolérant pas le DIU », note le Dr Lucot. Le praticien rappelle l’encadrement juridique de cette option. Elle est, selon la loi du 4 juillet 2001, autorisée pour les personnes majeures ayant « exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d’une information claire et complète sur ses conséquences ; à l’issue d’un délai de réflexion de quatre mois après la première consultation médicale ; et après une confirmation écrite par la personne concernée de sa volonté de subir une intervention ».
Elle est assortie d’une clause de conscience : le médecin n’est pas tenu de pratiquer l’acte, mais il doit informer l’intéressée de son refus dès la première consultation et lui indiquer les coordonnées d’un confrère à même de la prendre en charge.
Des micro-implants pour obstruer les trompes.
La méthode Essure® consiste à mettre en place, par voie hystéroscopique, un micro-implant dans la partie proximale des deux trompes. C’est aujourd’hui la méthode de première intention quand le choix de la patiente s’est porté sur la contraception définitive. L’autre option, c’est-à-dire la ligature des trompes, se fait par cœlioscopie : technique plus invasive, ses complications, rares, peuvent toutefois être graves, explique le Dr Lucot.
La procédure hystéroscopique se fait en ambulatoire, en première partie de cycle. Le gynécologue introduit l’hystéroscope jusqu’à l’ostium (orifice de la trompe). Une fois bien positionné au niveau proximal, l’implant qui se présente comme un petit ressort est mis en place. Le geste est simple et ne dure que quelques minutes. Pratiqué par un médecin expérimenté, la procédure est peu douloureuse et ne nécessite donc pas d’anesthésie. À l’hôpital Jeanne-de-Flandre, elle se fait de plus en plus souvent sous hypnose, explique le Dr Lucot. « C’est une nouvelle façon de travailler », poursuit-il. « L’hypnose crée une ambiance calme et apaisante, les patientes l’apprécient beaucoup, l’équipe médicale également », ajoute-t-il. Anesthésistes et infirmiers anesthésistes sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à se former à cette technique.
Les micro-implants provoquent une réaction inflammatoire qui a pour effet de « boucher » les trompes, mais la fibrose se constitue progressivement : l’effet contraceptif n’est donc pas immédiat. Un autre moyen contraceptif doit être utilisé pendant les trois premiers mois suivant l’intervention et l’efficacité de la méthode doit être confirmée à ce moment-là par une radiographie de l’abdomen sans préparation ou une échographie, voire une hystérosalpingographie en cas de doute. Le taux de succès de la pose est de 97 % à 3 mois et 98 % des patientes se disent satisfaites.
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