« IL FAUT reconnaître que la transplantation rénale est le meilleur traitement possible pour les patients en dialyse. C’est aussi celui qui coûte le moins cher. Un traitement optimal qui est en même temps le moins coûteux : c’est une situation relativement rare en médecine ! », indique le Pr Lionel Badet, responsable de la coordination de la transplantation rénale et pancréatique aux hospices civils de Lyon et responsable du Comité de l’insuffisance rénale chronique et de la transplantation de l’Association française d’urologie (AFU).
Mais il faut bien reconnaître que ce traitement optimal est encore hors d’atteinte pour bon nombre de patients qui y seraient pourtant éligibles. « Aujourd’hui, seulement 30 % des insuffisants rénaux chroniques vont pouvoir accéder à la greffe. Ce qui est envisagé comme un droit par la communauté des malades finit par être un privilège, ce qui pose de nombreuses questions éthiques », indique le Pr Badet.
Donneurs décédés par arrêt cardiaque et donneur vivants.
La pénurie de greffons a donc conduit la communauté des transplanteurs à explorer d’autres pistes. L’utilisation des greffons provenant de donneurs décédés par arrêt cardiaque est une piste prometteuse qui pourrait, à terme, augmenter de 20 % l’activité de transplantation rénale. Une autre piste prometteuse est celle des prélèvements sur des donneurs vivants. Dans ce domaine, la France est très en retard par rapport à d’autres pays européens. Par exemple, en 2008, 222 prélèvements de rein ont été réalisés en France sur des donneurs vivants contre 800 au Royaume-Uni et 400 aux Pays-Bas. Actuellement, les greffes à partir de donneurs vivants représentent seulement 7,5 % de l’ensemble des greffes rénales dans l’hexagone. « Historiquement, la transplantation rénale a démarré avec des donneurs vivants. Cette pratique a ensuite été largement mise de côté en France pour laisser place à la greffe à partir de donneurs décédés. Un des freins est le risque chirurgical qu’on fait encourir au donneur : ce risque reste faible, mais il n’est pas nul. Aujourd’hui, la pénurie de greffons nous conduit à réfléchir à la nécessité de développer cette activité qui a l’avantage d’apporter au patient un rein d’excellente qualité, puisqu’une transplantation à partir d’un donneur vivant donne un meilleur résultat en termes de fonction et de survie qu’avec un donneur cadavérique », souligne le Pr Badet. Ce dernier insiste toutefois sur la nécessité de renforcer les moyens alloués aux hôpitaux pour développer cette activité. « Il faut des moyens logistiques supplémentaires avec, notamment, des postes d’infirmières coordinatrices pour assurer un travail de préparation des bilans. Il faut savoir que pour 10 dossiers engagés pour des donneurs vivants, seulement 3 ou 4 aboutiront. C’est une activité très chronophage ».
Les greffons marginaux.
Il existe encore une autre piste, celle d’un recours plus important aux greffons marginaux. « Il s’agit de ces greffons qui, il y a 10 ans, n’auraient jamais été retenus et pour lesquels on est bien obligé maintenant de se poser la question de leur utilisation. Ces greffons proviennent de patients âgés ou qui présentent une insuffisance rénale légère ou un diabète. Quand le rein paraît de qualité moindre que celle de nos standards habituels, il arrive même qu’on en greffe deux au lieu d’un seul. Il est probable qu’il faille s’attendre, si on augmente le nombre de greffons marginaux, à une baisse de l’espérance de vie des greffons. Là encore se pose la question éthique du choix des receveurs auxquels seront attribués ces greffons marginaux. Logiquement, il faudrait éviter qu’ils ne soient utilisés pour des patients jeunes », estime le Pr Badet.
Ce recours plus important aux greffons marginaux a aussi conduit la communauté des transplanteurs à développer la recherche autour de l’ischémie-reperfusion et de la conservation des organes. « Il nous faut savoir quel est le meilleur procédé de conservation entre le prélèvement et la greffe : le meilleur liquide pour éviter des lésions tissulaires. Nous savons désormais que les machines de perfusion présentent un avantage majeur en termes de survie des greffons par rapport à la simple immersion des greffons dans du liquide de conservation », indique le Pr Badet, en soulignant la nécessité de « démocratiser l’utilisation de ces machines pour améliorer la qualité de l’ensemble de nos greffons ».
Enfin, le Pr Badet tient à délivrer un message aux autorités de tutelles. « Il est impératif de remettre l’argent de la transplantation là où il doit aller. Aujourd’hui, notre activité est en principe financée par une enveloppe affectée aux hôpitaux : le FAG (forfait annuel de greffe). Le problème est que les établissements utilisent bien souvent cet argent pour éponger leurs dettes. Le résultat est que la majorité des équipes de transplantation sont à genoux à cause d’un manque flagrant de moyens humains et structurels ».
D’après un entretien avec le Pr Lionel Badet, responsable de la coordination de la transplantation rénale et pancréatique aux hospices civils de Lyon et responsable du Comité de l’insuffisance rénale chronique et de la transplantation de l’Association française d’urologie (AFU).
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