Chirurgie orthopédique : l'aspirine non inférieure aux anticoagulants en prévention des évènements thromboemboliques

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Publié le 17/10/2018

Un traitement par aspirine serait non inférieur à une anticoagulation en termes de prévention de la survenue des évènements thromboemboliques veineux après la pose d'une prothèse totale de genou, selon des résultats publiés par le Dr Brandon Hood et ses collègues du département de chirurgie orthopédique de l'université du Michigan.

Les auteurs ont réuni des données de 41 537 patients ayant bénéficié d'une opération de remplacement du genou. Ces données proviennent d'un registre collaboratif alimenté par 29 centres hospitaliers du Michigan, et comportent notamment la liste des incidents cliniques dans les 90 jours qui suivent l'opération. Les patients sélectionnés n'étaient pas antérieurement sous traitement anticoagulant et ne présentaient pas de facteur de risque thromboembolique particulier.

Dans les 90 jours qui suivaient l'opération, une petite minorité des patients ne recevaient aucune anticoagulation (1,6 %), tandis qu'un tiers d'entre eux (30,9 %) étaient sous aspirine seule, et que plus de la moitié (54,5 %) étaient sous anticoagulation (héparine de bas poids moléculaire, warfarine ou inhibiteur du facteur Xa). Enfin 13 % des patients étaient sous bithérapie aspirine et un autre anticoagulant.

Une thromboembolie veineuse est survenue chez 1,36 % des patients de l'ensemble de l'étude, chez 1,16 % des patients sous aspirine seule, chez 1,42 % des patients recevant un autre anticoagulant et 1,31 % des patients sous bithérapie. Le traitement par aspirine est non inférieur au traitement anticoagulant en termes de risque d'évènement thromboembolique veineux mais aussi en termes de risque d'hémorragie (0,90 % d'incidents dans le groupe aspirine contre 1,14 % dans le groupe sous anticoagulant et 1,35 % dans le groupe mixte).

« Il existe plusieurs raisons pour préférer l'aspirine dans la prévention de la thromboembolie veineuse chez des patients correctement sélectionnés, estiment les auteurs de l'étude, l'administration de l'aspirine est simple, sûre, et ne nécessite pas de surveillance. » L'aspirine est en outre bien moins chère que les autres traitements. Bien qu'il existe des limites à leur travail, les chercheurs estiment toutefois qu'il apporte de nouvelles preuves en faveur de l'utilisation de l'aspirine.

Trop tôt pour faire des recommandations

Faut-il donc recommander l'aspirine en routine après une chirurgie du genou ? « Pas encore » ! Répondent dans un édito le Dr Robert Sterling et le Pr Elliott Haut, tous deux de l'école universitaire de médecine Johns Hopkins, dans le Maryland qui estime que l'étude de cohorte reste « limitée par un potentiel biais de sélection des patients et des facteurs confondants résiduels ». Ils rappellent qu'il existe de grandes différences en termes de démographie et de traitements des patients entre les différents groupes. « Des incertitudes demeurent quant aux critères de choix qui doivent être utilisés pour choisir une prophylaxie appropriée à chaque patient », ajoutent-ils.

Selon les recommandations de la société française d'anesthésie et de réanimation, la prévention de la thromboembolie veineuse s'appuie en premier lieu sur les héparines de bas poids moléculaire ou les nouveaux anticoagulants oraux ne nécessitant pas de surveillance biologique. La HAS estime ainsi que l'l'apixaban et le rivaroxaban présentent un service médical rendu important pour la prévention de la thromboembolie veineuse, mais que ce n'est que ce n'est pas le cas du dabigatran.

Depuis 2012, l'académie américaine des chirurgiens orthopédiques (AAOS) a inclus l'aspirine en monothérapie dans la liste des stratégies prophylactiques possibles dans ses recommandations. Une méta analyse publiée en 2016 dans le « Journal of Orthopaedic Surgery and Research » montre que les prescriptions d'aspirine ont fortement augmenté dans cette indication depuis la publication de ces recommandations, sans que cela soit associé à une augmentation des événements thromboemboliques.


Source : lequotidiendumedecin.fr