Un matin, consultation pleine, période de grippe, et une maman me rajoute sa fille de 13 ans pour un petit malaise dans la salle d'eau...
La gamine est désagréable, pénible, ne veut pas que je la déshabille, que je l'examine correctement... J'essaie, je fais un examen neuro complet, et je ne détecte rien... elle m'énerve... Je réponds au téléphone... et je me dis, pour je ne sais quelle raison, de me calmer, de prendre mon temps et de réexaminer cette ado pénible qui me fait du cinéma et ne veut pas aller à l'école...
Et là, surprise, un rythme cardiaque anormal, qui m'avait échappé. Je lui fais un ECG, elle a un BAV complet... Le régulateur du SAMU ne voulait pas me croire et médicaliser le transport. Il a fini par céder...
Elle a quitté l'hôpital local pour le CHU et depuis elle a un pace....
Sans ce coup de fil, je serais passé à côté, et peut-être aurais-je dû vivre avec une catastrophe chez une enfant de treize ans... Mais après, j'étais vachement fier de moi, et soulagé de ne pas avoir fait mon job correctement.
Médecin généraliste
Et si je ne suis pas fière ? Vous imaginez une seule autre profession où vous êtes en position de décision de vie et de mort pour ceux qui font appel à vous, et où on demande à ce professionnel d'accepter d'être payé par tranches de 16,10 euros, vous laissant chercher les 6,90 euros à votre guise ?
Comment, nous, MG, pouvons être dans une position respectable ? Dans l'imaginaire des patients (nous sommes des soi-disant libéraux, nous sommes obligés de « plaire ») ?
Alors comment blâmer les confrères qui choisissent la fuite en avant dans l'activisme, et dont mes patients me rapportent dans mes consultations. « Mais oui, Dr. Untel n'a même pas pris le temps pour moi ! » ? Et pourquoi ? On ne dit pas aux habitants en France, « profitant » de la Caisse de maladie, que cette institution n'est qu'une CAISSE DE SOLIDARITÉ, et qu'ils payent bien tous les autres professionnels (coiffeurs, tous les soignants hors convention...) sans ciller ?
Oui, je suis fière quand je peux participer, sur la base de mes compétences, avec le temps qu'il faut, à la santé de mes patients en les écoutant, en réfléchissant avec eux sur le « pourquoi tomber malade », voire chercher des ressources en eux, pourquoi pas en leur apportant soulagement aux moyens pharmacologiques ou autres ? Et non pas en leur imposant une injonction de procédure (recos, guideline) qu'ils peuvent se chercher sur Internet.
Médecin généraliste
Il y a quelques années, je reçois un homme jeune, la quarantaine, pour une radiographie de sinus. Aucun renseignement clinique sur l'ordonnance qui stipule juste « Radiographie des sinus F + Bl ».
Aucun signe de sinusite. Le cliché de face n'est pas parfaitement de face, l'épiphyse est calcifiée et pas tout à fait sur la ligne médiane, mais déviée du mauvais côté compte tenu de l'imperfection d'incidence.
Je refais un cliché parfaitement de face sur lequel l'épiphyse est bien décalée d'un centimètre sur la droite. J'interroge le patient qui m'apprend qu'il se plaint de maux de tête depuis plusieurs mois. A-t-il été victime d'un accident ou d'un traumatisme quelconque ? Sa première réponse est négative.
Je creuse un peu, puis la mémoire lui revient : en effet 4 mois auparavant il se souvient être tombé d'une échelle, pas de très haut, il s'est cogné la tête, mais il n'y a « rien cassé ».
Je suis de vacation de scanner le lendemain, on programme un examen sans injection sur lequel je trouve l'hématome sous-dural gauche suspecté sur le contexte. Contact pris avec le CHU le plus proche, le patient est pris en charge en neurochirurgie et l'hématome évacué. Même les radiologues ont intérêt à conserver un contact clinique avec le patient.
Les tutelles seraient bien inspirées de nous conserver les moyens de ce mode d'exercice qui tend à disparaître avec les incessantes baisses tarifaires de l'imagerie médicale.
Tridard Didier, radiologue
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