L’athérosclérose est à l’origine de plus de 19 millions de décès par an, et la maladie coronarienne représente la majorité de ce tribut (1). Malgré des avancées majeures dans les techniques de dépistage de l’athérome coronaire (coroscanner, tests d’ischémie en imagerie non invasive, rupture de la plaque d’athérome), l'étape essentielle du processus physiopathologique aboutissant à l’infarctus du myocarde, reste encore imprévisible. En effet, la physiopathologie qui accompagne la formation de la plaque d’athérome commence par un remodelage excentrique. Ceci explique que la sténose serrée soit un phénomène tardif au cours de ce processus et que beaucoup d’infarctus puissent survenir sur des plaques d’athérome non sténosantes (2). Par ailleurs, malgré d’indéniables progrès dans la prise en charge médicale et interventionnelle des patients coronariens, 20 % des patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu récidivent (3). En effet, bien qu'une seule lésion soit cliniquement active au moment du syndrome coronarien, 80 % des patients présentent une autre rupture de plaque sur leur lit coronaire, amenant à la notion de pancoronarite (4). Le développement d’outils diagnostiques et par extension thérapeutiques pour l’identification et la stabilisation de la plaque vulnérable est donc un enjeu majeur dans la prise en charge des patients coronariens ou suspect de l’être. Dans une optique de dépistage à large échelle, les biomarqueurs semblent être l’outil idéal pour un dépistage rapide et à moindre coût de la plaque à risque, et par extension, du patient à risque. Pourtant, une fois le patient vulnérable identifier, le recours à l’imagerie, si possible non invasive, paraît être l’étape indispensable à la quantification du risque, que ce soit par la localisation ou par l’évaluation du degré d’évolutivité de la maladie athéromateuse. C’est en intégrant l’ensemble de ces considérations que s’est développée l’imagerie de la plaque d’athérome.
L’imagerie de la morphologie de la plaque
Il est maintenant bien établi que l’indication de revascularisation d’une lésion coronaire doit se faire sur la preuve d’un retentissement hémodynamique, soit de façon invasive avec l’utilisation validée et remboursée de la FFR (Fractional Flow Reserve), soit de façon non invasive avec l’étude de la perfusion coronaire (par scintigraphie myocardique ou IRM cardiaque) ou des anomalies de systoles au cours d’un stress (par échocardiographie ou IRM cardiaque). L’ensemble de ces indications s’intéresse donc plus au flux coronaire qu’à la plaque elle-même, et l’approche morphologique n’a pas sa place ici.
En revanche, elle a toute sa place dans l’étude de la plaque où les essais invasifs par échographie endocoronaire, et à moindre échelle par OCT (Optical Coherence Tomography), ont démontré que la plaque à risque était caractérisée par une fine chape fibreuse couvrant le corps lipidique (3). Ces données morphologiques caractérisant la plaque vulnérable par sa fine chape fibreuse ont été validées de façon non invasive par coroscanner (5, 6).
Ainsi, du fait de sa haute résolution spatiale et temporelle, le coroscanner, qui n’a pas sa place dans l’évaluation du retentissement hémodynamique des lésions coronaires, apparaît comme l’outil non invasif idéal dans l’évaluation de la plaque à risque de rupture (5, 6). En effet, bien que quelques études aient apporté des résultats prometteurs dans l’imagerie de la plaque d’athérome coronaire en IRM (7), la taille millimétrique des parois à explorer, la tortuosité et la proximité des artères coronaires avec la graisse épicardique riche en signal rend difficile en pratique l’utilisation de cette technique dans l’exploration de la morphologie de la plaque.
La faible spécificité, malgré une grande sensibilité, du coroscanner explique qu’il ne soit pas utilisé dans cette indication en pratique clinique et que la recherche s’oriente aujourd’hui vers le développement des techniques dites « d’imagerie moléculaire ».
L’avenir en développement de l’imagerie moléculaire
L'imagerie moléculaire est définie comme la caractérisation et la mesure in vivo des processus biologiques aux niveaux cellulaire, moléculaire, de l’organe entier ou encore du corps (8). En plus de fournir des informations anatomiques, les techniques d'imagerie moléculaire permettent de quantifier des processus biologiques spécifiques, donnant ainsi un aperçu des paramètres fonctionnels des tissus. L’imagerie moléculaire peut donc s'avérer utile pour détecter une maladie infraclinique, avant que les modifications anatomiques de taille et de composition de plaque se produisent. L'inflammation est actuellement considérée comme l'une des caractéristiques essentielles de la plaque vulnérable, et est donc une cible attractive pour les techniques d'imagerie moléculaire de façon à mesurer la progression de la maladie et, potentiellement, le risque de rupture de plaque (9). Certaines des étapes clés de la cascade inflammatoire impliquent la dysfonction endothéliale, l’expression de molécules d'adhésion cellulaire, la rétention lipidique, l’activation macrophagique, l’apoptose, la protéolyse et la néoangiogenèse, et peuvent être ciblées par l’utilisation de l'imagerie moléculaire (10). La visualisation et la quantification de ces processus biologiques ont été possibles grâce au développement d’une imagerie multimodale haute résolution et haute sensibilité, permettant de quantifier l'absorption par la plaque d’athérome de traceurs ciblant un processus biologique. Bien que quelques travaux encourageants basés sur l’utilisation de produits de contrastes ciblant l’activation macrophagique aient été publiés en IRM (11) ou en scanner (12) pour l’exploration de gros vaisseaux, l’imagerie moléculaire dans le domaine de l’athérosclérose coronaire est essentiellement représentée aujourd’hui par l’association tomographie par émission de positons (TEP) et scanner. Cette technique hybride permet d’associer la haute résolution et spécificité du scanner à la haute spécificité du TEP, qui dépend du traceur utilisé pour cibler le processus biologique. Ainsi, si longtemps les espoirs se sont basés sur l’utilisation du Fluoro-deoxy-glucose (analogue du glucose) marqué au Fluor 18 comme traceur de l’inflammation au travers de l’activité macrophagique (13), la proximité du myocarde (grand consommateur de glucose) en rend l’utilisation difficile en pratique clinique. Aussi, les travaux les plus récents se concentrent sur l’utilisation et le développement de nouveaux traceurs tels que le Fluorure de Sodium, marqueur de l’activité calcique de la plaque, qui a montré des résultats prometteurs (14).
Ainsi, la visualisation et la quantification non invasive des processus biologiques qui aboutissent à la rupture de la plaque d’athérome et à son expression clinique, le syndrome coronarien aigu pour ne parler que de l’athérome coronaire, est probablement le principal enjeu des prochaines années dans l’exploration de la maladie coronaire. Le développement d’une imagerie multimodale haute résolution et haute sensibilité et de traceurs hautement spécifiques a permis l’émergence de l’imagerie moléculaire dans cette indication. Les techniques d’imagerie moléculaire sont essentiellement utilisées aujourd’hui pour l’évaluation des effets des nouveaux traitements de l’athérosclérose et l’amélioration de notre compréhension de la biologie de l’athérosclérose, notamment grâce aux études précliniques. Son utilisation en pratique clinique attend encore la validation de ses indications et le développement indispensable des outils thérapeutiques qui accompagnent toute avancée diagnostique.
Centre d’imagerie cardiaque, CHU de Toulouse
(1) Naghavi M, Libby P, Falk E, et al. From vulnerable plaque to vulnerable patient: a call for new definitions and risk assessment strategies: Part I. Circulation 2003;108:1664-72
(2) Falk E, Shah PK, Fuster V. Coronary plaque disruption. Circulation 1995;92:657-71
(3) Stone GW, Maehara A, Lansky AJ, et al. A prospective natural-history study of coronary atherosclerosis. N. Engl. J. Med. 2011;364:226-35
(4) Rioufol G, Finet G, Ginon I, et al. Multiple atherosclerotic plaque rupture in acute coronary syndrome: a three-vessel intravascular ultrasound study. Circulation 2002;106:804–8
(5) Bourantas C V, Papadopoulou S-L, Serruys PW, et al. Noninvasive Prediction of Atherosclerotic Progression: The PROSPECT-MSCT Study. JACC. Cardiovasc. Imaging 2016;9:1009–11
(6) Motoyama S, Ito H, Sarai M, et al. Plaque Characterization by Coronary Computed Tomography Angiography and the Likelihood of Acute Coronary Events in Mid-Term Follow-Up. J. Am. Coll. Cardiol. 2015;66:337–46
(7) Fayad ZA, Fuster V, Fallon JT, et al. Noninvasive in vivo human coronary artery lumen and wall imaging using black-blood magnetic resonance imaging. Circulation 2000;102:506–10
(8) Dobrucki LW, Sinusas AJ. PET and SPECT in cardiovascular molecular imaging. Nat. Rev. Cardiol. 2010;7:38–47
(9) Hansson GK. Inflammation, atherosclerosis, and coronary artery disease. N. Engl. J. Med. 2005;352:1685–95
(10) Majmudar MD, Nahrendorf M. Cardiovascular molecular imaging: the road ahead. J. Nucl. Med. 2012;53:673–6
(11) Tang TY, Howarth SPS, Miller SR, et al. The ATHEROMA (Atorvastatin Therapy: Effects on Reduction of Macrophage Activity) Study. Evaluation using ultrasmall superparamagnetic iron oxide-enhanced magnetic resonance imaging in carotid disease. J. Am. Coll. Cardiol. 2009;53:2039–50
(12) Hyafil F, Cornily J-C, Feig JE, et al. Noninvasive detection of macrophages using a nanoparticulate contrast agent for computed tomography. Nat. Med. 2007;13:636–41
(13) Rogers IS, Nasir K, Figueroa AL, et al. Feasibility of FDG imaging of the coronary arteries: comparison between acute coronary syndrome and stable angina. JACC. Cardiovasc. Imaging 2010;3:388–97
(14) Joshi N V, Vesey AT, Williams MC, et al. 18F-fluoride positron emission tomography for identification of ruptured and high-risk coronary atherosclerotic plaques: a prospective clinical trial. Lancet 2014;383:705–13.
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