Jusqu’à présent, les cardiopathies étaient considérées soit d’origine génétique, soit non génétiques : théoriquement, une cardiopathie ne pouvait avoir une étiologie mixte, à la fois innée et acquise. Mais les tests génétiques qui se multiplient font tomber ce dogme.
Certes, certaines cardiopathies sont bien purement héréditaires, associées à des mutations monogéniques, désormais bien connues — comme certaines cardiomyopathies hypertrophiques ou dilatées. Cependant, la plupart apparaissent plutôt liées à des susceptibilités oligogéniques -c’est-à-dire à un terrain sensible, favorisé par plusieurs gènes. Ces gènes, ce terrain, ne se révéleraient qu’en présence d’un facteur déclenchant : toxiques, maladie coronaire, hypertension artérielle, etc.
Le nombre de pathologies et de patients concernés pourrait se révéler non négligeable.
Dans le même esprit, une certaine proportion des myocardites — maladie autrefois pensée comme exclusivement secondaire à des processus iatrogènes ou viraux — pourrait survenir chez des patients présentant une prédisposition génétique. Ainsi, selon une étude française, jusqu’à 8 à 10 % des patients atteints de myocardites présenteraient des susceptibilités génétiques à ce type de maladies.
Bien d’autres entités nosologiques encore pourraient être concernées. « Dans les grands centres spécialisés tels que le CHU de Toulouse, où les tests génétiques commencent à être proposés en routine, il semble — empiriquement — que 20 % des insuffisances cardiaques et 15 % des hypertrophies ventriculaires gauches aient une origine mixte, favorisées par des causes génétiques et acquises », souligne le Pr Michel Galinier, chef du service de Cardiologie du CHU de Toulouse.
Dépistage des susceptibilités génétiques, et adaptation de la prévention primaire ou secondaire
Aussi, dans le futur, ces susceptibilités génétiques pourraient être dépistées par un score polygénique, visant à orienter vers une prévention personnalisée. « Grâce à cette évolution — qui relève encore de la médecine-fiction —, en cas de cancer et de recours à une chimiothérapie cardiotoxique, un traitement cardioprotecteur pourrait être précocement et systématiquement introduit chez tout patient dépisté comme présentant un surrisque génétique de cardiopathie », explique le Pr Galinier.
Ce changement de paradigme pourrait concerner le traitement et le suivi des patients concernés. Ainsi, face à une hypertension artérielle diagnostiquée chez une personne à risque génétique de cardiopathie, des seuils de tension moins élevés qu’en population générale pourraient être ciblés, par des traitements plus interventionnistes. Autre exemple : après un premier diagnostic de myocardite, un dépistage génétique et l’identification de susceptibilités oligogéniques pourraient orienter vers une surveillance plus rigoureuse, afin de dépister au plus tôt d’éventuelles récidives ou l’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche.
Reste toutefois à attendre que les technologies de séquençage rapide des gènes continuent de progresser et de se diffuser.
Un train peut en cacher un autre
Quoi qu’il en soit, cette intrication de l’inné et de l’acquis qui se révèle peser dans la pathogenèse de nombre de maladies rappelle qu’en cardiologie, un train peut en cacher un autre : plusieurs étiologies — transmises ou acquises — peuvent coexister. « Si bien qu’il ne faut pas en rester à une évaluation phénotypique trop rapide », prévient le Pr Galinier.
En témoigne aussi l’évolution de la recherche des étiologies des cardiopathies hypertensives : depuis que le diagnostic d’amylose à transthyrétine peut être posé suite à une scintigraphie osseuse, certaines cardiopathies hypertensives s’avèrent associées à une amylose.
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