Voilà quelques mois que sont parues les dernières recommandations de la Société européenne de Cardiologie (ESC) sur la prise en charge de la fibrillation atriale (FA). Et selon le Pr Frédéric Sacher, rythmologue au CHU de Bordeaux et président du groupe de rythmologie de la Société française de Cardiologie (SFC), le message principal qui se dégage de ces nouvelles recommandations est clair : « il faut aller vers une prise en charge plus globale de la fibrillation atriale. »
AF-Care, nouvel ABC de la prise en charge
En lieu et place de l’ancien « ABC » (anticoagulation, better control, comorbidity), les nouvelles recommandations de l’ESC défendent plutôt un nouveau concept : l’AF-Care, pour Comorbidités, Anticoagulation, Réduction des symptômes et Evaluation/Réévaluation.
Ainsi, le document met en tout premier lieu l’accent sur la prise en compte des comorbidités et facteurs de risque présentés par tout patient atteint de fibrillation atriale : hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, diabète, surpoids et obésité, consommation d’alcool, sédentarité. Des recommandations de classe I incitent ainsi à corriger toute hypertension par un traitement visant une cible de 120-129/70-79 mmHg, à optimiser la prise en charge de l’insuffisance cardiaque par l’utilisation de diurétiques et d’inhibiteurs du SGLT2, à contrôler la glycémie, à rechercher — en cas de surpoids — une perte pondérale d’au moins 10 % du poids corporel, à proposer un programme d’activité physique modérée à intense, et à maintenir ou réduire la consommation d’alcool à moins de trois verres par semaine.
Et pour cause : « l’étude australienne Arrest-AF, présentée l’an dernier à l’AHA et publiée début 2025, a montré qu’un traitement agressif des comorbidités et facteurs de risque permet d’améliorer très significativement le résultat du traitement de la fibrillation atriale et ce, plus qu’une ablation seule (sans prise en charge particulièrement intense des comorbidités) », résume le Pr Sacher. Dans cet essai conduit chez des individus ayant un IMC supérieur à 27, une prise en charge agressive des facteurs de risque, en plus de l’ablation de FA, permettrait une amélioration de 53 % de la survie sans arythmie, par rapport à l’ablation seule.
On peut toutefois s’interroger sur la faisabilité de telles recommandations. « On sait depuis longtemps — et les patients savent — qu’il faut arrêter de fumer, consommer des fruits et légumes, faire de l’activité physique, etc. Mais dans les faits, changer les habitudes de vie reste difficile », déplore le Pr Sacher. Aux yeux du rythmologue, une solution pourrait être inspirée des « cliniques de la FA ». « Dans ces centres, qui se développent au Canada et en Australie — et que certains tentent de mettre en place en France —, les patients qui viennent pour une ablation sont également orientés vers des professionnels dédiés à la prise en charge des comorbidités », décrit le Pr Sacher. En attendant, dans l’Hexagone, il s’agit du rôle du cardiologue traitant et du médecin généraliste de s’occuper des comorbidités — mais ils restent parfois esseulés dans cette prise en charge. « La prise en charge globale de la fibrillation atriale pousse à travailler en réseau, aussi, au CHU de Bordeaux, nous essayons de structurer un projet autour d’une infirmière en pratique avancée pour aider à centraliser cette prise en charge », indique le Pr Sacher.
L’anticoagulation orale 2.0
L’anticoagulation évolue également dans ces recommandations. Si, dans les fibrillations atriales non valvulaires, l’introduction d’anticoagulants oraux dépend toujours du score de risque d’AVC CHA2DS2-VA, celui-ci change légèrement. « Auparavant, le score prenait en compte le sexe, et ajoutait un point aux femmes ; cependant, les patientes ne semblent finalement pas plus à risque d’AVC que leurs homologues masculins, si bien que le sexe n’entre plus en compte dans le calcul du risque d’AVC selon le score CHA2DS2-VA », rapporte le Pr Sacher.
De plus, toujours en matière d’anticoagulation, les recommandations interrogent la conduite à tenir en cas de fibrillation atriale asymptomatique détectée par les stimulateurs cardiaques, défibrillateurs et holters implantables. Deux études récentes importantes (Noah-Afnet 6 et Artesia) ayant évalué l’intérêt du traitement anticoagulant dans cette indication ont montré des résultats différents. Si, pour les épisodes de plus de 24 heures, l’anticoagulation est de mise, il existe une « recommandation de classe 2B invitant à envisager une anticoagulation au cas par cas, en fonction du risque hémorragique » pour les fibrillations atriales de moins de 24 heures identifiées dans ce contexte. Les recommandations insistent également sur la nécessité de suivi, 25 % des cas évoluant vers des épisodes de plus de 24 heures.
Les deux derniers éléments du concept Care — réduction des symptômes et évaluation — mettent finalement en exergue l’importance du traitement de la fibrillation atriale elle-même, et de la surveillance des patients pour atteindre un meilleur contrôle, dont la nécessité est soulignée par les recommandations précédentes. « Il faut continuer de réduire les symptômes, éventuellement en allant à l’ablation, et de réévaluer régulièrement le traitement dans le temps », insiste le Pr Sacher.
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