PAR LE Dr EMMANUEL SORBETS ET LE Pr LAURENT FELDMAN*
LES STENTS BIOACTIFS ( drug-eluting stents, DES) de première génération Cypher (sirolimus) et Taxus (paclitaxel) réduisent significativement le risque de resténose par rapport aux stents nus ( bare metal stents, BMS), les taux de réinterventions ne dépassant pas 10 % à long terme. En revanche, il semble que le risque de thrombose de stent (TS), en particulier de TS tardive (après 1 an), soit légèrement plus élevé après l’implantation de DES. Cette observation, dont la réalité est discutée par certains, est devenue une préoccupation majeure de la cardiologie interventionnelle car les TS sont le plus souvent associées à un syndrome coronaire aigu, potentiellement mortel. Dans le doute, il est recommandé de maintenir une bithérapie antiplaquettaire pendant au moins un an après l’implantation d’un DES chez les patients à faible risque hémorragique.
Divers mécanismes, imputables aux caractéristiques des patients, des sténoses traitées ou des DES eux-mêmes, sont à l’origine de ces TS. En particulier, les rôles d’une inefficacité des traitements antiplaquettaires, d’un défaut de réendothélialisation des DES, d’une hypersensibilité retardée aux polymères non biodégradables recouvrant les DES, d’une malapposition tardive des stents et d’une thrombogénicité des médicaments libérés par les DES ont été soulignés.
Afin de réduire encore l’incidence des resténoses et de limiter le risque de TS, de nouveaux DES sont en cours d’évaluation.
Stents métalliques recouverts de nouveaux polymères.
Les polymères utilisés pour recouvrir les DES de première génération ont des effets proinflammatoires reconnus. Les DES de deuxième génération Xience (fluropolymère/évérolimus) et Endeavor (phosphorylcholine/zotarolimus) seraient plus biocompatibles et leur principe actif aurait moins d’effet toxique sur l’endothélium, avec une efficacité au moins comparable à celles des DES de première génération. Le DES de troisième génération BioMatrix est recouvert uniquement sur son versant luminal par un polymère biodégradable (acide poly-L-lactique, PLLA) imprégné de biolimus. Dans l’étude LEADERS, ce DES est non inférieur au stent Cypher sur le critère composite associant mortalité cardio-vasculaire, infarctus du myocarde, et revascularisation du vaisseau cible.
Stents entièrement biodégradables.
Le concept d’un stent biodégradable, donc potentiellement moins toxique pour la paroi artérielle à long terme, s’est longtemps heurté au problème d’une force radiale insuffisante pour s’opposer au rappel élastique de la paroi artérielle. Par ailleurs, des travaux récents avec un stent biodégradable en magnésium, mais non imprégné de médicament, ont été décevants. Le stent biodégradable BVS (à base de PLLA et de poly-D,L-lactide) présente la particularité d’être imprégné d’évérolimus. Dans l’étude ABSORB, aucun décès, resténose ou TS n’ont été relevés à 2 ans chez 30 patients ayant reçu un stent BVS. Une étude ancillaire d’imagerie par échographie endocoronaire, histologie virtuelle et tomographie de cohérence optique (OCT) confirme la biodégradation au moins partielle du stent, la préservation de la lumière artérielle malgré une discrète rétraction radiale du stent dans les six premiers mois, et une cicatrisation de la paroi artérielle sous-jacente de type fibromusculaire, potentiellement moins thrombogène (Figures 1 et 2).
Stents de bifurcation.
Les angioplasties de bifurcation sont associées à un risque majoré de resténose et de TS. Le stent Axxess, dont le dessin est spécifiquement adapté à l’angioplastie de bifurcation coronaire, a été testé chez 299 patients dans l’étude DIVERGE. Il s’agit d’un stent auto-expansif recouvert de PLLA imprégné de biolimus. Déployé au niveau de la carène de la bifurcation, ce stent permet de procéder, si besoin, à une angioplastie d’aval (branche mère ou fille), sans déformation des ostia ou des mailles de stent (Figure 3). À 9 mois de l’angioplastie, le taux de complications de ces lésions complexes est relativement faible : 0,7 % de décès, 4,3 % de nouvelle revascularisation de la lésion cible et 1 % de TS.
Stents « sur mesure ».
Le stent ISAR est constitué d’une plateforme métallique classique en 316L recouverte d’un polymère biorésorbable (non commercialisé), et comportant en surface des micropores servant de réservoir à un principe actif qui peut être choisi en fonction de la situation clinique et pulvérisé à la surface du stent selon un procédé original. Dans l’étude randomisée ISAR-TEST-4 (n = 2 603), ce stent s’est révélé non inférieur à un an aux stents Cypher et Xience en termes de survenue de décès d’origine cardio-vasculaire, d’infarctus du myocarde ou de revascularisation de la lésion cible.
Progéniteurs endothéliaux, thérapie génique.
Le stent Genous est une plateforme en acier inoxydable recouverte d’anticorps anti-CD34, capables de « capturer » des cellules progénitrices endothéliales circulantes. L’objectif est d’accélérer la réendothélialisation du stent et de diminuer ainsi (peut-être) la durée de la bithérapie antiplaquettaire. L’efficacité clinique de ce nouveau stent reste à démontrer. Elle semble limitée, en partie, par la concentration, très variable d’un patient à l’autre, des progéniteurs endothéliaux circulants. D’autres stents faisant appel à des techniques de transfection de gènes thérapeutiques ou de courtes séquences d’ARN inhibiteurs, dont les effets biologiques seraient plus ciblés qu’avec les principes actifs à action pléiotrope utilisés actuellement, en sont encore à un stade de développement préclinique.
En conclusion, l’utilisation de DES de première génération a permis de diminuer considérablement le risque de resténose, au prix d’un probable excès (limité) de thrombose tardive de stent. Le développement de DES de deuxième et troisième générations, dont certains sont déjà utilisés en pratique clinique, devrait permettre dans un proche avenir, de garantir une efficacité au moins équivalente, tout en limitant le risque thrombotique. Des polymères biodégradables ou plus biocompatibles, permettraient en effet de libérer dans la paroi artérielle, pendant une période peut-être plus longue, de nouveaux médicaments préservant mieux les fonctions endothéliales. En attendant, la sagesse et la médecine fondée sur les preuves imposent une utilisation prudente de ces nouveaux stents dans des indications reconnues et chez des patients compliants ne présentant pas un excès de risque hémorragique.
*Département de cardiologie et U698 INSERM, CHU Bichat–Claude Bernard, APHP et université Denis Diderot–Paris 7.
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