Innovations thérapeutiques

Le blocage sympathique à l’honneur

Publié le 21/01/2011
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« À LA LUMIÈRE de la littérature, la plupart des anomalies du syndrome métabolique sont associées à une hyperactivité du système nerveux orthosympathique, ce qui nous a conduit à émettre l’hypothèse d’un lien de cause à effet entre hyperactivité sympathique et syndrome métabolique, explique le Pr Pascal Bousquet (Strasbourg). Il s’agit d’une approche très expérimentale, très en amont d’une quelconque application pratique ». Les recherches ont comparé l’activité sympathique de patients ayant un syndrome métabolique très précoce, à celle de sujets sains.

Mesurer l’activité sympathique n’est pas simple en pratique. Le dosage des cathécolamines est d’interprétation difficile en raison de leur forte variabilité. La méthode de référence est la microneurographie, technique invasive qui consiste à mesurer l’activité électrique d’une fibre sympathique le long du nerf péronier après pose d’une électrode. En recourant à cette méthode de mesure, une hyperactivité sympathique dès les stades très précoces du syndrome métabolique a pu être mise en évidence. Puis, des études expérimentales menées sur un modèle de rat invalidé en récepteur à la leptine ont montré que l’administration d’un inhibiteur sympathique (produit fabriqué dans le laboratoire) entraîne, après trois mois de traitement, une perte de poids, une réduction de la glycémie, une amélioration de la courbe de tolérance au glucose et une diminution du cholestérol total. Enfin, toujours sur ce modèle expérimental, il semble que l’adiponectine joue un rôle clé dans l’interface entre l’activité sympathique et l’activité métabolique bénéfique.

Nouveaux systèmes, nouvelles cibles.

Le blocage neurohumoral suscite de très nombreuses recherches, qui ont d’ores et déjà permis de mettre au jour de nouveaux systèmes et donc de nouvelles possibles cibles thérapeutiques. Le concept de la transactivation des récepteurs est déjà connu depuis un certain temps : « Les systèmes se parlent entre eux, par voie intracellulaire », précise le Dr Atul Pathak (Toulouse, Inserm U 558). Autre voie de recherche : la dimérisation des récepteurs. Un récepteur à l’état de monomère a la capacité de se « marier » dans la cellule et de devenir hétérodimère. Ceci aboutit à la formation de nouveaux couples de récepteurs doués de propriétés pharmacologiques différentes. En d’autres termes, un médicament aura un effet différent selon qu’il se fixe sur un récepteur monomère ou hétérodimère. Le système de l’endothéline est également à l’étude, avec le développement d’antagonistes de cette hormone à action certes duale vasoconstrictrice et vasodilatatrice, mais qui reste toutefois un puissant vasoconstricteur. Enfin, des stratégies non pharmacologiques sont aussi en développement, telle que la stimulation permanente de l’arc baroréflexe par un appareil, ou la voie des alicaments, avec l’émergence de la « polymeal » associant chocolat, thé et vin !

Surprises et promesses.

« Le système rénine-angiotensine-aldostérone a connu des réalisations majeures, a réservé de nombreuses surprises et demeure plein de promesses », souligne pour sa part le Dr Jean-Michel Halimi (Tours). Parmi les axes de développement dans ce domaine, le LCZ696 est un antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine 2 associé à un inhibiteur de la néprilysine, qui pourrait avoir un effet antihypertenseur intéressant. Une étude menée auprès de 1 300 patients a mis en évidence son effet significativement supérieur à celui du seul blocage de l’angiotensine 1 sur la pression artérielle systolique et diastolique.

Il a par ailleurs été montré que l’échappement à la rénine est surtout lié à une insuffisance en vitamine D, ce qui a conduit à mettre en place plusieurs essais thérapeutiques. L’administration de vitamine D3 s’accompagne d’une diminution de l’excrétion urinaire d’albumine chez le sujet diabétique, d’une baisse de la synthèse d’angiotensine 2 et de la NF-KB, ainsi que d’une réduction de la fibrose interstitielle.

Dénervation des artères rénales.

Au stade de l’évaluation clinique, la dénervation artérielle rénale par radiofréquence suscite intérêt et réserves. Il s’agit de l’application d’une technique récente à un concept assez ancien, la section des nerfs splanchnique ayant été proposée au début du siècle dernier, puis abandonnée en raison de ses effets secondaires majeurs et de sa mortalité considérable, de 16 %. La technique consiste en l’ablation des filets nerveux sympathiques qui passent autour de l’artère rénale par radiofréquence, appliquée localement grâce à un cathéter. La dénervation se fait en patches et chez l’animal, une fibrose est rapportée sur toute l’épaisseur artérielle, de l’endothélium à l’adventice et ce au niveau de chaque zone d’impact. Après les données encourageantes d’une étude de faisabilité sur 45 patients, l’essai SIMPLICITY, récemment publié dans le Lancet a confirmé les bénéfices de cette approche, en terme de baisse tensionnelle, chez une centaine de patients mal contrôlés par cinq antihypertenseurs à l’inclusion. Cette technique prometteuse doit encore être évaluée, notamment contre traitement médical optimal, tout comme ses effets à long terme au niveau des artères rénales.

Session « Innovations thérapeutiques en HTA », coprésidée par les Prs Michel Azizi et Pascal Bousquet.

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8890