80 %. Tel est le taux de survie des patients à un an d’une greffe de cœur. Si bien que « la médiane de survie atteint aujourd’hui 12 à 13 ans après une transplantation cardiaque », rapporte le Dr Richard Dorent, cardiologue et référent cœur, cœur-poumons, et poumons au sein de la direction du prélèvement et de la greffe organes-tissus de l’Agence de la biomédecine. Un chiffre qui atteint même 19 ans chez les patients opérés dans leur enfance. « La survie tend à augmenter avec le temps, par périodes, et s’est réellement améliorée ces dernières années », se félicite le cardiologue. « Le nombre de greffés qui ont 30 ans ou 40 ans de greffe ne cesse d’augmenter ».
Et pour cause : les pratiques de réanimation postopératoire précoce ont marqué des progrès notables, mis en œuvre par des équipes de plus en plus expérimentées. Le cap opératoire constituait « un défi important », estime le Dr Dorent. En effet, chez les patients greffés du cœur, l’essentiel des décès continue de survenir dans les premières semaines ou dans l’année suivant la transplantation – en lien avec un risque élevé de dysfonction du greffon, de rejet aigu ou d’infection grave.
Des progrès attendus pendant la période postopératoire précoce
Malgré la proportion croissante de patients opérés en situation d’urgence vitale, la survie postopératoire précoce pourrait continuer de progresser. Car « la manière de prévenir et de diagnostiquer les rejets aigus change, et la prévention des infections progresse lentement mais sûrement », observe le Dr Dorent. Et surtout, les machines de perfusion des greffons, développées pour en améliorer la conservation, pourraient changer la donne en matière de prévention des dysfonctions d’organes précoces. « Ces dispositifs ont montré leur capacité à réduire l’incidence des dysfonctions précoces », insiste le Dr Dorent. Ces équipements, pour le moment non utilisés en routine faute de prise en charge financière, pourraient arriver dans l’ensemble des centres de transplantation dans un futur relativement proche. « L’agence de la Biomédecine travaille à faire financer ces dispositifs – potentiellement dès l’année prochaine », indique le cardiologue.
De nouveaux dispositifs de perfusion devraient prochainement faire leur entrée
Par conséquent, le nombre des personnes vivant avec une greffe de cœur augmente. Or le suivi à long terme, désormais bien formalisé par la Société internationale de transplantation cardiaque et pulmonaire, reste complexe. Alors que passé la première année post-greffe, le taux d’attrition reste de 3 % par an, l’objectif est de repérer et traiter au mieux diverses complications : dysfonction cardiaque, maladie coronaire, allo-immunisation, insuffisance rénale favorisée par la néphrotoxicité de certains traitements immunosuppresseurs, manifestations de surimmunosuppression telles que certains cancers.
Repérer les complications cardiaques courantes en ville
Dans ce cadre, l’organisation du suivi tend à se transformer, notamment dans le sens d’une plus grande collaboration entre les centres de greffes et les praticiens de ville voire les hôpitaux de proximité. « Le suivi restera coordonné par les centres de greffes, mais on cherche à partager le suivi avec les médecins de ville et à développer des relations avec des hôpitaux plus proches des patients », avance le Dr Dorent.
Certes, certains examens semblent difficiles à réaliser en ville. À l’instar de la recherche systématique et régulière des anticorps anti HLA spécifiques du donneur – DSA – signant une allo-immunisation, qui survient chez presque 40 % des patients à 10 ans. Dans le même esprit, difficile de changer les habitudes de certains patients. « Certaines personnes greffées il y a longtemps ont pris l’habitude d’être suivis par “leur médecin” du centre de greffe », reconnaît le Dr Dorent. Mais la crise du Covid-19 a montré que nombre d’examens de biologie ou d’imagerie, et également de consultations spécialisées peuvent se faire en ville.
Les cardiologues de ville ont en particulier un rôle à jouer dans le repérage notamment des complications cardiaques telles que les dysfonctions du cœur – « en général restrictives parfois marquées par des anomalies de la fraction d’éjection » précise le Dr Dorent. Un enjeu important est de dépister la maladie coronaire – maladie immunologique, différente de l’athérome de la population générale. « On estime que 50 % des patients développent une maladie des artères coronaires dans les 10 ans qui suivent la greffe », estime le Dr Dorent. Le dépistage, le diagnostic et le traitement de l’hypertension artérielle quasi constante peuvent aussi être gérés en ville.
Un double objectif, automatiser et personnaliser le suivi
Parallèlement, à mesure que la collaboration ville-hôpital se développe, l’organisation du suivi change aussi au sein des hôpitaux où ont lieu les greffes. « Afin d’améliorer l’interface entre le patient et la ville d’une part, et les centres de greffe d’autre part, tous les centres font désormais appel à des infirmiers/infirmières coordinateurs/coordinatrices (Idec) », constate le Dr Dorent. Au sein des établissements autorisés à pratiquer plusieurs greffes d’organes, des projets d’hôpitaux de jour multi-organes sont également soutenus financièrement par l’Agence de la biomédecine.
Par ailleurs, l’utilisation de plateformes numériques permettant non seulement de faciliter la collecte et la centralisation des examens réalisés en ville mais aussi leur interprétation se développe. « Certaines solutions permettent de transférer les examens biologiques mais aussi d’automatiser leur interprétation », en définissant pour chaque variable biologique des seuils de normalité au-delà ou en deçà desquels une alarme est émise pour relecture par un médecin, explique le Dr Dorent. Dans ce contexte d’automatisation de la lecture des examens, des enjeux concernant la conformité à la réglementation, et surtout la personnalisation du suivi se dégagent. « Il faut vraiment définir des alarmes et des seuils différents en fonction du profil du patient, de la fonction rénale, de la présence d’une allo-immunisation ou non, etc. », juge le Dr Dorent.
Ces outils ne sont pas aujourd’hui utilisés pour les situations aiguës. Ainsi, le maintien de certaines interactions humaines directes reste nécessaire. Selon le cardiologue, « les patients doivent continuer d’avoir la possibilité d’entrer rapidement en contact avec les professionnels d’un centre de greffe. Le personnel soignant dans son ensemble doit continuer d’assurer l’accompagnement des patients ».
Entretien avec le Dr Richard Dorent, cardiologue et référent cœur, cœur-poumons, et poumons au sein de la direction du prélèvement et de la greffe organes-tissus de l’Agence de la biomédecine
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