Le SAS prend une place croissante en cardiologie, car sa physiopathologie conduit à des processus (athérosclérose, dysfonction endothéliale, troubles de la coagulation, changement des paramètres hémodynamiques, activation sympathique), qui peuvent être responsables d'une hypertension artérielle (HTA), de fibrillation atriale, d'insuffisance cardiaque, de coronaropathies et d'HTA pulmonaire. « Jusqu'ici, la pathologie aortique ne faisait pas communément partie de cette liste. Pourtant, de nombreuses publications font état de ce lien entre SAS et augmentation du diamètre de l'aorte », insiste le Dr Serge Kownator (Thionville).
Une dilatation favorisée de l'aorte
« Sur le plan physiopathologique, le SAS provoque une dépression intrathoracique intermittente et répétitive au cours de la nuit, qui entraîne une hausse du gradient entre la pression aortique et thoracique. Les forces de contrainte sur les parois de l'aorte sont donc augmentées de façon répétitive, et peuvent favoriser une dilatation », détaille le Dr Kownator. D’après un essai mené sur 150 patients suspectés de SAS (59 % d'hypertendus), le diamètre de l'aorte ascendante est plus important en fonction de la présence ou non d'un SAS, indépendamment de la pression artérielle (1). Selon une autre étude de la cohorte MESA portant sur plus de 700 patients stratifiés en fonction de l'importance du SAS (pas de SAS en dessous de cinq évènements/heure de sommeil, SAS modéré entre cinq et quinze, SAS sévère au-delà de quinze), un SAS modéré à sévère est associé à un diamètre augmenté de l'aorte ascendante, notamment chez les femmes (2).
Un risque accru de dissection
« Le SAS s'accompagne également d'une répétition de micro-réveils et d'une fragmentation du sommeil. Les effets sont une activation sympathique et une contrainte majorée sur les parois vasculaires, pouvant contribuer à une HTA. Enfin, l'hypoxie intermittente stimule le stress oxydatif, avec des conséquences délétères sur la fonction endothéliale et l'activation sympathique, pouvant conduire à la formation d'une dilatation, d'un anévrisme et donc d'un risque accru de dissection », souligne le Dr Kownator.
La littérature confirme ce risque. Un cas particulier est la maladie de Marfan. Dans une étude de 2009 réalisée sur 60 patients atteints de maladie de Marfan (3), 32,8 % présentent un SAS (18 % de SAS sévère). Or, plus la forme de SAS est sévère et plus le diamètre de l'aorte est élevé. Une méta-analyse observationnelle de 2022, menée sur plus de 214 000 patients (4), montre que la présence d'un SAS est associée à une dilatation du diamètre aortique. En outre, la prévalence du SAS est presque deux fois plus importante chez les patients avec un anévrisme ou une dissection de l'aorte.
Selon un essai portant sur 127 patients (5), un lien peut être établi entre le risque d'anévrisme de l'aorte abdominale et la vitesse d'expansion de l'anévrisme, quand l'index de saturation en oxygène ou d'apnée-hypopnée est augmenté (surtout s’il est supérieur à 30/heure). « Chez ces patients avec un anévrisme de l'aorte abdominale, on pourrait très bien imaginer de rechercher un SAS. En effet, si celui-ci est confirmé, la question de surveiller de manière plus rapprochée l'anévrisme de l'aorte abdominale se pose. Il est possible que sa taille augmente plus vite, et donc qu’une intervention soit plus rapidement indiquée », estime le Dr Kownator.
Une récente étude de 2022 (6) s'est intéressée aux dissections de l'aorte de type A chez 27 patients, et de type B chez 13 sujets. Elle retrouve une prévalence du SAS de 61 %, tendant à montrer que tous les segments aortiques peuvent être dilatés en cas de SAS. Une méta-analyse concernant plus de 400 patients (7) ayant présenté une dissection aortique (sur une cohorte de plus de 56 000 sujets) montre également une élévation de 60 % du risque de SAS (OR = 4,43 en cas de SAS modéré à sévère). Quant à une étude lilloise réalisée chez 71 patients avec une dissection aortique (80 % de SAS, dont 43 % de forme sévère), elle démontre qu’en cas de dissection le taux d'expansion du faux chenal est plus important lors de SAS sévère (8). Des résultats similaires ont été retrouvés pour les dissections de type B. « Le lien entre SAS et l’augmentation de la taille du diamètre de l'aorte et du risque d'anévrisme ne peut plus être ignoré. En revanche, on ne sait pas si le traitement du SAS par ventilation en pression positive continue pourrait ralentir la progression d'un anévrisme ou réduire le risque de dissection. Cette question devra faire l'objet de prochaines études », conclut le Dr Kownator.
D’après un entretien avec le Dr Serge Kownator, centre cardiologique et vasculaire « Cœur de Lorraine » (Thionville)
(1) Serizawa N et al. J Am Coll Cardiol 2008;52:885–6
(2) Kwon Y et al. Cardiology. 2019;142(3):180–8
(3) Kohler M et al. Thorax 2009;64:162–6
(4) ZhaiT et al. Heliyon 8 (2022) e10049
(5) Mason RH et al. Am J Respir Crit Care Med. 2011;183:668–74
(6) Friend EJ et al. Clin Cardiol. 2022;45:386–90
(7) Zhou X et al. Vascular. 2018 Oct;26(5):515-23
(8) Delsart P et al. Ann Thorac Surg 2016;102:1558–64
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