« Face aux conséquences des comorbidités de l’insuffisance cardiaque [IC], nous devons avoir une approche holistique de nos patients, plaide le Pr Michel Galinier (CHU de Toulouse). Les lignes bougent, et les cardiologues deviennent de ce fait des super-internistes. »
Obésité : bénéfice démontré des arGLP-1
L’obésité touche 20 % des patients atteints d’IC et son incidence est en augmentation. Elle est de dépistage facile, confirmé par la mesure de l’indice de masse corporelle (> 30 kg/m2). Elle constitue une étiologie de l’IC à fraction d’éjection préservée (ICFEP), qui bénéficie de traitements spécifiques avec la démonstration de l’efficacité des agonistes du récepteur au GLP-1 (arGLP-1) dans ce contexte.
Dans l’étude Step-HFpEF, qui avait inclus des patients obèses, non diabétiques avec une ICFEP, l’administration de sémaglutide avait permis, comparativement au placebo, une perte de poids significative, une amélioration des symptômes et de la capacité d’effort. Puis l’étude Select, présentée également l’an dernier, a mis en évidence une baisse de 20 % des événements cardiovasculaires sous sémaglutide chez des patients obèses ou en surpoids, non diabétiques, avec un antécédent de maladie cardiovasculaire. Ces bénéfices sont-ils expliqués par la perte de poids ou par d’autres mécanismes ? « Les deux, probablement », indique le Pr Galinier, avant de rappeler l’action anti-inflammatoire du sémaglutide attestée par une baisse de la CRP. « Les arGLP-1 vont devenir un traitement de l’IC chez le patient obèse, mais d’autres molécules intéressantes sont en développement, notamment un analogue de l’amyline (hormone glucorégulatrice sécrétée par le pancréas) et le cagrilintide, qui est actuellement évalué en association avec le sémaglutide », précise le spécialiste.
Les cardiologues deviennent des super-internistes
Pr Michel Galinier
Diabète de type 2 et MRC : un arsenal qui s’étoffe
Le diabète de type 2 concerne 40 % des patients atteints d’IC et représente un élément majeur du pronostic. « Avec les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2 ou gliflozines), on dispose désormais d’une classe de médicaments spécifiques pour prévenir et traiter l’IC et on va, à terme, aller vers une association iSGLT2/arGLP-1 [lire aussi p. 37] », estime le Pr Galinier.
La maladie rénale chronique (MRC) est une complication fréquente du diabète et touche 45 % des patients avec une IC (syndrome cardiorénal). Le diagnostic se fonde sur l’augmentation du rapport albuminurie/créatininurie (RAC) qui, s’il est supérieur à 30 mg/g, signe une microalbuminurie, associée ou non à une baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG) en deçà de 60 ml/mn.
La MRC est un facteur de risque de décès et d’hospitalisation, dans l’IC chronique mais aussi aiguë, comme le montre le registre Frenshock, plus grand registre français sur le choc cardiogénique : la MRC est associée à un plus mauvais pronostic et ce, d’autant plus qu’elle rend délicate l’utilisation des inhibiteurs du système rénine angiotensine (SRA), qui constituent la pierre angulaire du traitement.
Toutefois, deux classes de médicaments permettent d’améliorer le pronostic rénal et cardiovasculaire de ces patients : les gliflozines et les antagonistes non stéroïdiens des récepteurs aux minéralocorticoïdes – proches de la spironolactone, mais sans effet hormonal et doués d’une action antifibrosante plus marquée. Dans les études Fidelio-DKD et Figaro-DKD, la finérénone a entraîné une réduction des événements cardiovasculaires et de la progression de la maladie rénale. D’autres molécules en développement devraient venir enrichir l’arsenal thérapeutique.
Correction IV pour la carence martiale
La carence martiale est une comorbidité de l’IC très fréquente, elle est retrouvée chez 70 % des patients en IC aiguë et elle aggrave le pronostic de la maladie. Son dépistage se fonde sur le dosage de la ferritinémie et surtout sur celui du coefficient de saturation de la transferrine.
La Société européenne de cardiologie a édicté en 2021 des recommandations pour la correction de cette carence, qui doit être réalisée par voie intraveineuse et non pas orale. « Cela peut être fait en hôpital de jour ou en hospitalisation à domicile, selon un protocole qui permet d’adopter les bons gestes en cas de rare réaction immunoallergique », précise le Pr Galinier.
Si l’effet de cette correction sur les réhospitalisations est débattu depuis les résultats négatifs sur ce critère de l’étude Heart-FID, ses bénéfices sur les symptômes et la qualité de vie sont indiscutables (recommandation de classe IA).
BPCO, soyons plus proactifs
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) touche 25 % des patients ayant une IC, le diagnostic étant rendu difficile par l’intrication des symptômes, tels que la dyspnée. « La prise en charge thérapeutique doit être optimisée, souligne le Pr Galinier. Certains patients ne reçoivent pas de bêtabloquant alors que ce n’est pas une contre-indication, la réhabilitation respiratoire est également sous-utilisée et la trithérapie bêta-2 mimétique/anticholinergique/corticoïdes pourrait améliorer le pronostic. »
« Ce comorbidome fait intervenir des phénomènes inflammatoires et pourrait être une cible thérapeutique des arGLP-1, qui font baisser la CRP, ainsi que d’autres molécules en cours d’évaluation, telles que le ziltivekimab, un anti-IL6 », note le Pr Galinier.
Entretien avec le Pr Michel Galinier, Toulouse
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