Les dernières recommandations européennes et nord-américaines sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC) ont revu leur classification basée sur la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) en introduisant un nouveau sous-groupe d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection intermédiaire (ICFEi ; FEVG 41-49 %) en plus des sous-groupes d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (ICFEr ; FEVG ≤ 40 %) et d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEp ≥ 50 %). Cette classification en trois sous-groupes, dont l’objectif affiché est de relancer la recherche dans le domaine de l’insuffisance cardiaque à FEVG > 40 % après les échecs de plusieurs essais cliniques, a ouvert la discussion sur la pertinence d’une classification de l’IC basée sur la seule FEVG.
Vers une classification de l’IC reposant uniquement sur la FEVG ?
C’est dans le prolongement de cette discussion que des auteurs californiens se sont intéressés au profil clinique et au pronostic de 39982 patients de plus de 65 ans extraits du registre nord-américain GWTG-HF de plus de 115000 patients atteints d’IC. Dans cette étude, malgré une différence déjà bien décrite de phénotype des patients atteints d’ICFEp (patients plus âgés, avec prédominance de femmes, et ayant plus de comorbidités – fibrillation atriale, bronchopneumopathie obstructive, anémie, hypertension artérielle, valvulopathie, dépression), les auteurs retrouvaient une mortalité à cinq ans de 75 % sans différence entre les trois sous-groupes de FEVG. La seule différence entre groupe concernait les taux de réadmission pour insuffisance cardiaque, atteignant 80 % à cinq ans, avec une tendance à l’augmentation évoluant à l’inverse de la FEVG. Cette étude, sans rejeter la FEVG qui guide notre stratégie thérapeutique au quotidien, interroge sur la pertinence d’une classification basée sur ce seul paramètre dans une population à haut risque avec une mortalité atteignant 75 % à cinq ans, quelle que soit la FEVG.
Recourir à un dispositif implantable en cas d’ICFEp ?
Malgré toutes les critiques que l’on pourrait faire à une classification de l’insuffisance cardiaque sur la seule FEVG, force est de constater que l’ensemble des traitements efficaces aujourd’hui dans le domaine se concentrent sur l’ICFEr. Devant le constat d’échec des essais cliniques pharmacologiques dans l’ICFEp, l’année 2016 avait été marquée par l’émergence des thérapeutiques interventionnelles. Lors du congrès de l’American Heart Association (AHA) 2016, avaient été présentés les résultats à 12 mois de la mise en place d’un dispositif implantable pour la création d’un shunt interatrial chez les patients atteints d’ICFEp. Ces résultats encourageants montraient que la création d’un shunt interatrial permettait une amélioration du débit cardiaque qui se traduisait par une amélioration des paramètres fonctionnels et de la qualité de vie (1). Un an après cette étude de faisabilité et de sécurité, ce sont les résultats à un mois de l’étude randomisée REDUCE LAP-HF I qui ont été présentés cette année. Cette étude a randomisé 44 patients en deux groupes : mise en place d’un shunt interatrial et groupe contrôle. La mise en place du dispositif ne s’est accompagnée d’aucune complication (événements cardiaques majeurs, cérébraux-vasculaires et rénaux) et a permis la réduction des pressions capillaires pulmonaires à l’effort - 3,2 ± 5,2 contre 0,9 ± 5,1 mmHg à 20 watts, - 1,0 ± 4,5 contre - 1,9 ± 4,3 mmHg à 40 watts et - 2,3 ± 4,9 contre - 1,3 ± 4,9 mmHg à 60 watts (p = 0,028).
Ces résultats confirment la faisabilité et la sécurité de mise en place d’un tel dispositif mais sont probablement encore trop préliminaires pour apporter une réponse au problème du traitement de l’ICFEp. Les effets à long terme du dispositif, notamment sur le lit capillaire pulmonaire, restent encore inconnus. Seule une étude randomisée avec un critère primaire de morbimortalité permettra de valider ce dispositif dans le traitement de l’ICFEp.
Fédération des services de cardiologie, CHU Rangueil (Toulouse). Département de médecine nucléaire, centre d’imagerie cardiaque, faculté de médecine, université Paul Sabatier (Toulouse)
(1) Kaye DM, Hasenfuss G, Neuzil P, et al. One-Year Outcomes After Transcatheter Insertion of an Interatrial Shunt Device for the Management of Heart Failure With Preserved Ejection Fraction. Circ. Heart Fail. 2016;9
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