Après les équipes de soins primaires (ESP), les équipes de soins spécialisés (ESS) vont-elle enfin monter en puissance ? « La Cnam y croit beaucoup pour favoriser l’accessibilité des patients aux médecins spécialistes. Les équipes de soins spécialisés vont enfin sortir du flou », s’est félicité le Dr Patrick Gasser, président d’Avenir Spé, à l’issue du groupe de travail consacré au travail en équipe, dans le cadre des négociations conventionnelles.
Le gastro-entérologue de Nantes salue la volonté de l’Assurance-maladie de soutenir ces pools de médecins spécialistes hors les murs (ESS) dans le cadre conventionnel. Définies dans la loi Buzyn de 2019 et relancées sous forme d'expérimentations, via l'avenant 2 à l'accord conventionnel interpro (ACI) des CPTS (2021), ces équipes libérales regroupant des spécialistes hors médecine générale commencent à s’organiser pour accompagner les médecins de premier recours à trouver rapidement un rendez-vous ou un avis dans la spécialité concernée.
Dotations
Mais trois ans après cette signature, ces collectifs peinent à se développer faute de financement pérenne. Seulement une quinzaine d'équipes pionnières en cardiologie, dermatologie, ophtalmologie ou pédiatrie émergent, grâce aux fonds régionaux (Fir) ou innovation (article 51).
Consciente de l’urgence, la Cnam est prête, cette fois, à mettre de l’argent sur la table pour maintenir les équipes pionnières et accompagner de nouveaux projets. Deux dotations sont proposées, calquées sur le modèle des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). À la création d’une ESS, un crédit d’amorçage de 40 000 euros est envisagé pour aider les acteurs à rédiger le projet de santé, dès l’acceptation de la lettre d’intention simplifiée. Puis, dès la première année de fonctionnement, l’aide oscillerait entre 50 000 et 100 000 euros pour rémunérer les missions socles (comme l’accès direct aux spécialistes grâce, par exemple, à l’ouverture d’agenda partagé ou la télé-expertise, etc.), en fonction de la taille de l’équipe (selon le nombre de médecins) mais aussi de « compléments » au titre de missions optionnelles (bonnes pratiques, formation, santé publique).
Seuils trop hauts
La Cnam suggère aussi un suivi régulier de la montée en charge du dispositif « afin d’ajuster le cas échéant les modalités d’accompagnement financier de ces équipes, notamment pour prendre en compte la diversité de leurs tailles », peut-on lire. En contrepartie, l’ESS, comportant « au moins 10 médecins de la spécialité concernée » s’engage à couvrir géographiquement a minima un département, non déjà couvert par une autre équipe de la même spécialité. Autre condition pour être éligible au financement conventionnel : chaque équipe doit réunir « au moins 20 % » des praticiens de la spécialité concernée du territoire couvert et à terme « au moins 50 % ».
À ce stade, ces propositions ne sont pas « acceptables » pour les syndicats. Avenir Spé et la CSMF appellent la Cnam à promouvoir des ESS « fonctionnelles » et « souples ». Pionnier en Île-de-France pour avoir créé en 2021 un pool de cardiologues (135 adhérents volontaires sur 950), le Dr Patrick Assyag déplore les seuils « trop hauts » proposés par la Cnam. « 20 % c’est difficile, confie le président régional des spécialistes de la CSMF. Il faut convaincre les confrères de dégager des créneaux alors qu’ils sont déjà surchargés. Il faudrait un seuil adapté à chaque territoire, sinon on va casser la dynamique ».
Même plaidoyer du côté de la secrétaire générale de la FMF, la Dr Nicole Cochelin. La cocréatrice d’une ESS de dermatologie (OncoBreiz) rappelle que son organisation a réussi à fédérer 35 dermatologues sur les 115 de la région. « Si on nous demande 50 %, cela voudrait dire qu’il faut encore de 10 à 15 dermatologues de plus, cela ne serait pas possible en sachant que 30 % des dermatologues bretons auront pris leur retraite d’ici à cinq ans ». Côté financement, l’enveloppe est jugée « insuffisante » pour les syndicalistes interrogés. « Gabriel Attal a annoncé des milliards d’euros pour l’hôpital et, pour nous, le budget reste très peu ambitieux », déplore la spécialiste bretonne.
Dans un contexte budgétaire contraint, les syndicats savent que le montant de l’enveloppe allouée aux médecins spécialistes libéraux ne sera pas extensible. « Le gros du financement doit aller vers les revalorisations des tarifs, recadre le Dr Gasser. Je ne veux pas qu’on déverse des millions d’euros sur ce type d’organisations »
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