L'incidence des cancers du pancréas est en augmentation. Alors qu’environ 7 200 nouveaux cancers du pancréas exocrine avaient été recensés en France en 2005, le nombre de nouveaux cas en 2018 était évalué à 14 184 (1). Au moment du diagnostic, environ 15 à 20 % des patients présentant un cancer du pancréas ont une tumeur résécable, 35 à 40 % une tumeur à la limite de la résécabilité ou localement avancée et 40 à 50 % un cancer métastatique (2).
Pour une chimioradiothérapie néoadjuvante ?
L'exérèse chirurgicale suivie d'une chimiothérapie adjuvante est le seul traitement potentiellement curatif des cancers du pancréas. Une autre approche thérapeutique consiste à administrer au patient un traitement néoadjuvant. Les résultats préliminaires de l'essai de phase III PREOPANC-1 montrent une amélioration de la survie globale chez les patients opérés ayant reçu une chimioradiothérapie préopératoire par rapport à ceux ne l'ayant pas reçue (42,1 mois versus 16,9 mois, p < 0,001) (3). Cependant, ces résultats restent à confirmer et la chimioradiothérapie néoadjuvante n'est pas recommandée pour l'instant hors essai thérapeutique.
Il n'y a actuellement pas de consensus sur la prise en charge des cancers pancréatiques "borderline" (BLR), c’est-à-dire à la limite de la résécabilité. S’ils sont opérés d'emblée, le risque de résection microscopiquement incomplète (R1) est élevé. Par conséquent, de nombreuses équipes proposent un traitement néoadjuvant afin d'améliorer les chances de résection R0 de ces patients. Un autre avantage théorique du traitement néoadjuvant est de traiter de manière précoce une maladie micrométastatique encore non détectable. Dans un essai de phase II, 50 patients avec une tumeur BLR recevaient un traitement néoadjuvant par FOLFIRINOX puis une chimioradiothérapie (4). Deux tiers des patients avaient ensuite une exérèse chirurgicale dont 97 % étaient R0. La durée médiane de survie globale était de 37,8 mois. Dans un essai de phase III coréen, 58 patients avec un cancer du pancréas borderline ont été randomisés entre une chimioradiothérapie néoadjuvante suivie de chirurgie versus chirurgie d'emblée suivie d'une chimioradiothérapie adjuvante (5). Le taux de résection R0 était plus élevé dans le bras néoadjuvant (82 % versus 33 %), ainsi que le taux de survie globale à 2 ans (41 % versus 26 %). En France, l'essai prospectif PANDAS pose actuellement la question du rôle de la chimioradiothérapie néoadjuvante après une chimiothérapie d’induction par FOLFIRINOX.
L’émergence de la radiothérapie stéréotaxique
Le traitement optimal des patients ayant un cancer localement avancé est toujours controversé. Les recommandations actuelles comportent diverses options telles qu’une chimiothérapie exclusive ou suivie d'une chimioradiothérapie ou d'une radiothérapie stéréotaxique (6). En effet, une approche émergente concerne l’utilisation de la radiothérapie stéréotaxique qui permettrait de lutter contre la radiorésistance intrinsèque des adénocarcinomes pancréatiques par l’utilisation de fortes doses par fraction, et de limiter la dose reçue par les tissus sains. L’analyse poolée de 19 essais de radiothérapie stéréotaxique, incluant 1009 patients, a montré une bonne tolérance avec moins de 10 % de toxicité sévère (7). Le taux de survie sans récidive locale à un an était encourageant (72,5 %). Cependant, l’absence de standardisation des protocoles de radiothérapie stéréotaxique, comme le faible niveau de preuve des études publiées, ne permettent pas encore de recommander cette modalité thérapeutique hors essai clinique.
Ainsi, le pronostic des adénocarcinomes pancréatiques reste mauvais mais des lueurs d'espoir sont apparues récemment. Pour les cancers résécables d'emblée, une chimioradiothérapie préopératoire pourrait améliorer la survie des patients opérés mais ces résultats restent à confirmer. Pour les tumeurs borderline, une stratégie thérapeutique associant une chimiothérapie néoadjuvante par FOLFIRINOX suivie d'une irradiation est en cours de validation. Pour les cancers localement avancés, le traitement de première intention est une chimiothérapie, en raison du risque élevé d'évolution métastatique. Une chimioradiothérapie doit se discuter pour les patients ayant une maladie contrôlée sous chimiothérapie (8). L’amélioration des techniques d’irradiation, avec notamment la radiothérapie stéréotaxique, devrait permettre d'améliorer ces résultats prometteurs.
Service d’Oncologie Radiothérapie, Hôpital Tenon, Paris
(1) Defossez G et al. Santé publique France, 2019. 20 p.
(2) Ryan DP et al. N Engl J Med. 2014;371(22):2140-1.
(3) Geertjan Van T et al. Journal of Clinical Oncology. 2018;36(18_suppl):LBA4002-LBA.
(4) Murphy J al. JAMA Oncol. 2018 Jul 1;4(7):963-69.
(5) Jang JY et al. Ann Surg. 2018.
(6) Balaban EP et al. J Clin Oncol. 2016;34(22):2654-68.
(7)Petrelli F et al. Int J Radiat Oncol Biol Phys. 2017;97(2):313-22.
(8) Hammel P et al. JAMA. 2016;315(17):1844-53.
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