Le traitement du myélome multiple a connu des bouleversements ces vingt dernières années : depuis la découverte des capacités immunomodulatrices et anti-angiogéniques du thalidomide, la recherche et le développement de nouvelles classes de médicaments, chacune avec des cibles thérapeutiques spécifiques, n’ont cessé de progresser. Aujourd’hui, les patients en rechute se voient ainsi proposer de nouvelles lignes thérapeutiques associant différentes classes de médicaments. Cinq nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) ont été obtenues en un an.
L’introduction dans les stratégies de traitements des inhibiteurs de protéasome et des immunomodulateurs, a permis aux patients atteints d’un myélome multiple de gagner quelques précieuses années de vie. Récemment, d’autres classes thérapeutiques sont évaluées dans des associations de plus en plus puissantes. Parmi celles-ci, les inhibiteurs de l'histone désacétylase (HDAC) et aujourd’hui des anticorps monoclonaux dont le daratumumab (Darzalex, laboratoires Janssen), 1er anticorps monoclonal anti-CD38, et l’elotuzumab (Empliciti, Laboratoires BMS), anti-CS1, dans le myélome multiple en rechute et/ou réfractaire aux lignes thérapeutiques antérieures. Des anti-Bcl2 et des anti-Mcl1 sont également en développement dans le traitement du myélome. Autant de mécanismes d’action différents qui suscitent beaucoup d’espoirs en particulier dans le cadre d’associations thérapeutiques.
Associer trois molécules
Actuellement, comme l’a indiqué le Pr Philippe Moreau (CHU de Nantes), « l’association de 3 drogues donne les meilleurs résultats dans les essais cliniques chez les patients présentant un myélome réfractaire et/ou en rechute ». C’est le cas lorsque le carfilzomib (Kyprolis, Laboratoires Amgen) est associé au lénalidomide + dexaméthasone, ou l’elotuzumab (Empliciti, Laboratoires BMS), anti-CS1, associé au lénalidomide + dexaméthasone (Essai Eloquent-2), ou encore le panobinostat (Farydak, Laboratoires Novartis), inhibiteur de l'histone désacétylase, associé au bortézomib + dexaméthasone (Essai Panorama-1). De même, le daratumumab (Darzalex, laboratoires Janssen) a été évalué dans deux études pivotales de phase 3, POLLUX et CASTOR, en association au lenalidomide + dexaméthasone ou au bortézomib + dexaméthasone. Comme souligné par l’expert, les résultats présentés au 58e congrès de l’ASH sont impressionnants : amélioration significative de la survie sans progression (SSP) et du taux de réponse globale. « Toutes ces combinaisons de traitements peuvent être utilisées dans le cadre d’ATU ou de programmes compassionnels ».
L’ixazomib (Ninlaro, laboratoires Takeda), inhibiteur du protéasome, est également étudié dans un essai de phase 3, associé au lenalidomide + dexaméthasone, traitement standard, chez des patients en rechute et/ou réfractaire.
Évaluer la réponse grâce à la MRD
Ces associations thérapeutiques bénéficient aux sujets âgés de plus de 65 ans en rechute ou réfractaire, non-candidats à l’autogreffe de moelle. Pour le Pr Philippe Moreau, « ces associations thérapeutiques sont administrées dans le cadre d’essais cliniques jusqu’à une éventuelle progression de la maladie, il faudrait pouvoir faire des fenêtres thérapeutiques dans certains cas, notamment lorsqu’on observe une excellente réponse ». La maladie résiduelle (MRD) aide dans le cadre des essais cliniques à évaluer cette réponse. « On est aujourd’hui capable de détecter une cellule anormale parmi un million de cellules. Les objectifs des traitements sont de maintenir cette MRD la plus basse possible, le plus longtemps possible. Et peut-être suspendre le traitement si cette MRD reste basse ».
Le profil génétique de la tumeur s’affine peu à peu et on cherche des marqueurs pronostiques et des marqueurs prédictifs de réponse. Certaines anomalies cytogénétiques sont des marqueurs pronostiques de gravité, comme la délétion 17p, « sa présence peut guider le choix de la stratégie thérapeutique vers des traitements plus agressifs », a affirmé le Pr Moreau.
Valider la place du daratumumab
Chez le patient jeune (moins de 65 ans), l’utilisation de telles associations aussi puissantes est en cours d’évaluation, notamment dans les protocoles d’autogreffes de moelle. Le protocole CASSIOPEE a pour objectif d’évaluer si le fait d’ajouter du daratumumab au VTD (Velcade (bortézomib)- thalidomide-dexaméthasone) chez des patients, non encore traités, éligibles à l’autogreffe, augmente le taux de réponse complète stringente (RCs définit par une immunofixation négative, de même qu’un rapport κ/λ normal) après la consolidation et la durée de survie jusqu’à̀ la progression de la maladie, depuis le début du traitement d’entretien par le daratumumab. Mille quatre vingt patients vont être inclus dans cet essai. L’Intergroupe francophone du myélome (IFM) participe activement au recrutement des patients, 80 centres en France y sont impliqués. Les premiers résultats sont attendus pour 2019.
Les patients candidats à l’autogreffe représentent un tiers des patients traités. « Aujourd’hui, 10 % d’entre eux guérissent. On souhaite à l’avenir avec des protocoles encore plus agressifs guérir 50 % de ces patients qui peuvent bénéficier d’une autogreffe et dont la médiane de survie est de 10 ans ».
« On ne guérit pas le myélome du sujet âgé ; la médiane de survie des patients âgés de plus de 65 ans présentant un myélome est de 5 ans. »
Quel est le prix de l’innovation ? C’est un réel problème qui s’aggrave avec les stratégies d’associations de molécules innovantes. Les négociations de prix sont en cours et risquent d’être difficiles.
D’après un entretien avec le Pr Philippe Moreau (chef du service d’hématologie clinique, CHU de Nantes) dans le cadre du 58 e congrès de l’American Society of Hematology (ASH), San Diego, États-Unis
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