LE QUOTIDIEN : Quelles sont les répercussions de manque de personnel sur la cancérologie ?
Pr JEAN-YVES BLAY : La situation de la démographie médicale n’est pas optimale en France. Les établissements, prenant en charge des patients atteints de cancer, ne sont pas épargnés par la pénurie de personnel médical (l'imagerie, l'anesthésie et la radiothérapie étant les plus touchées), mais aussi paramédical (10 % de vacance de postes chez les infirmières et 6,6 % parmi les manipulateurs en radiologie), même si la situation reste très disparate à l’échelle du territoire (jusqu’à 30 % de postes vacants dans certains centres).
Ce sont les établissements publics situés à Paris et en région parisienne qui sont le plus sous tension, à la fois pour les médecins ou les infirmières. Toutes les ressources ne sont pas pourvues pour certaines spécialités médicales. En province, la situation est en général un peu moins difficile. La tendance n’est pas à l’amélioration à l’avenir. Toutes spécialités confondues, environ 12 000 médecins vont partir en retraite au cours des prochaines années. Dans le même temps, 9 000 à 10 000 jeunes médecins vont sortir des épreuves classantes nationales (ECN), mais entre 10 % et 20 % d’entre eux ne devraient pas avoir d’exercice clinique ou ne pas exercer à plein temps, selon l’Ordre des médecins. Alors que pendant longtemps un médecin remplaçait un médecin, la tendance désormais est qu’il en remplace 1,8. Le déficit en personnel risque encore de se creuser dans les années à venir.
Quelles sont les conséquences ?
Cette tension sur les effectifs oblige certains établissements à devoir fermer des lits (7 % en moyenne et jusqu'à 20 % dans les plus gros centres), réduire des activités ou décaler parfois des mises en route de traitements. Cela ne pénalise pas les patients, mais génère beaucoup de stress et de tensions dans les équipes.
De plus, la pénurie ne touche pas que les cancérologues. Aujourd’hui, on constate que 10 à 20 % de patients soignés pour un cancer n’ont pas de généraliste traitant, ce qui pose un problème au niveau de la coordination des soins.
Quels sont les principaux critères d’attractivité pour le recrutement ?
Plusieurs critères guident aujourd’hui les professionnels du soin avant de s’orienter vers tel ou tel établissement. Le premier est sans doute l’attention donnée à un travail qui ait un sens, qui soit en accord avec les valeurs qu'apporte la personne dans l’exercice de son métier. C’est un critère qui fait de la qualité de vie au travail un facteur désormais majeur. Le fait de proposer des activités innovantes en matière de recherche et d’innovation est ici un avantage.
Un autre critère, fortement pris en compte, est celui des salaires (voir encadré). Les établissements publics souffrent un peu de l’attractivité du secteur libéral. Les centres de lutte contre le cancer sont d’ailleurs les seuls à avoir une activité exclusivement publique. L’activité libérale n’y est pas possible.
La jeune génération a-t-elle des attentes particulières ?
Effectivement, les nouvelles générations ne veulent pas travailler comme les précédentes, et il faut prendre ce critère en considération, nous le retrouvons d’ailleurs dans d’autres domaines que la médecine. C’est une évolution là aussi majeure. Aujourd’hui, les jeunes médecins ne veulent plus travailler 80 heures par semaine. Même si certains le regrettent, c’est une évolution plutôt positive que de souhaiter un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle.
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