Une éradication à long terme chez la souris

Un petit groupe de cellules, talon d’Achille du mélanome

Publié le 09/02/2011
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Crédit photo : PHANIE

LE MÉLANOME fait partie de ces tumeurs composées de différentes populations cellulaires, distinctes par le phénotype comme par le génotype. Ce qui explique la difficulté de son traitement puisque ces multiples populations cellulaires sont résistantes à une grande variété de chimiothérapies. C’est pourquoi on s’est tourné vers l’approche biologique, développée depuis une quinzaine d’années par les travaux de l’équipe de Rosenberg. La constatation de récidives persistantes, en dépit de la réduction du volume tumoral, est attribuée à la survie de groupes de populations cellulaires au sein de la tumeur. La détermination et le ciblage par thérapie antigénique d’un tel groupe de cellules pourraient alors permettre d’éradiquer la tumeur, même si ces cellules sont minoritaires.

Le transfert adoptif de lymphocytes T cytotoxiques.

Pour tester cette nouvelle approche, les chercheurs d’Outre-Rhin ont ciblé, de manière sélective, une population cellulaire qui exprime l’antigène HMV-MAA (High Molecular Weight Melanoma-Associated Antigen). Ils ont, pour ce faire, employé la technique de transfert adoptif de lymphocytes T cytotoxiques (CTL)*, en redirigeant ces derniers au moyen d’un récepteur d’antigène chimérique (CAR), afin de garantir un ciblage des cellules exprimant le CD20 humain, et non murin.

L’analyse en cytométrie de flux de cinq biopsies de mélanome révèle tout d’abord que les cellules co-exprimant les antigènes CD 20 et HMV-MAA, retrouvées dans quatre des biopsies, représentent moins de 2 % des cellules de mélanome. Ces cellules ont été ciblées par des CTL « HMV-MAA-spécifiques », alors que les autres populations cellulaires malignes ne l’étaient pas. L’équipe de Hinrich Abken observe que l’administration, en trois injections consécutives, des lymphocytes T ainsi manipulés provoque l’éradication de lésions tumorales induites chez des souris immunodéficientes NIH-III par la transplantation des cellules de biopsies de mélanome. Le traitement par les CTL HMV-MAA-spécifiques accroît également la survie sans tumeur, par rapport à l’administration de cellules non modifiées (p = 0,00004).

Les auteurs se sont ensuite demandé si le ciblage d’autres populations cellulaires minoritaires, marquées par un autre antigène, l’antigène carcino-embryonnaire (CEA), pouvait avoir la même action. Le transfert adoptif de cellules T CEA-spécifiques élimine bien les cellules cancéreuses CEA+, mais n’affecte en rien la progression globale de la tumeur.

L’éradication du mélanome expérimental résulte donc du ciblage, et de l’élimination au moyen du transfert adoptif de CTL, d’une population cellulaire bien définie, les cellules CD20+ HMV-MAA+, sans tenir compte du reste de la tumeur. Cette action apparaît, en outre, durable puisqu’aucune récidive n’a été enregistrée au cours des 36 semaines d’observation. Il convient toutefois de noter que certains mélanomes (un sur cinq patients dans la cohorte présente) n’hébergent pas ces cellules CD20+. Il serait donc difficile de généraliser une telle approche thérapeutique à l’ensemble des mélanomes.

Les travaux des chercheurs allemands permettent de mieux comprendre la physiopathologie du mélanome, puisque le maintien de la croissance de la tumeur (qui explique les récidives) semble requérir la présence d’un groupe de cellules minoritaire. Il peut s’agir de cellules à phénotype CD20+ HMV-MAA+, comme ici, ou, peut-être également, d’autres populations minoritaires. Mais leurs observations ont aussi des implications en termes de stratégie thérapeutique : on peut en effet se demander si l’association, à un traitement biologique visant à réduire le volume du mélanome, du ciblage de certaines populations essentielles à la survie de la tumeur ne permettrait pas d’accélérer le processus de guérison tout en évitant la survenue de récidives.

P Schmidt, H Abken et coll. Eradication of melanomas by targeted elimination of a minor subset of tumor cells. Proc Natl Acad Sci USA (2010) Publié en ligne.

* Une technique qui a pour objectif d’amplifier les réponses tumorales.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8903