Il y a plus de vingt ans, le trastuzumab (Herceptin) avait révolutionné la prise en charge du cancer du sein surexprimant HER2. Depuis, le pertuzumab, le lapatinib et l’anticorps conjugué trastuzumab emtansine (T-DM1) ont également contribué à améliorer le pronostic de ces tumeurs, auparavant assez sombre. Néanmoins, alors que le cancer du sein métastatique s’apparente de plus en plus à une maladie chronique, l’arsenal thérapeutique peine à répondre à la prise en charge des patientes au-delà de la seconde ligne de traitement métastatique. Dans ce contexte, le trastuzumab déruxtécan (T-DXd, Enhertu) offre de nouvelles perspectives.
Un effet « bystander »
Alliance d’un anticorps monoclonal anti-HER2 avec un inhibiteur de topoisomérase I (puissant agent cytotoxique) et un agent de liaison clivable, le T-DXd dispose d’un mécanisme d’action novateur. Cet anticorps conjugué a la particularité d’exercer un effet « bystander » sur les cellules tumorales adjacentes, indépendamment de leur niveau d’expression. « Le caractère innovant du trastuzumab déruxtécan repose sur sa charge cytotoxique mais surtout sur l’effet bystander qui permet à une partie de cette charge d’exercer ses effets au-delà des cellules cibles, sur celles du voisinage », explique le Dr Éric-Charles Antoine, oncologue à la clinique Hartmann (Neuilly-sur-Seine). « Son efficacité a même été démontrée en cas de maladie exprimant faiblement HER2 », révèle la Dr Véronique Diéras, oncologue au centre Eugène-Marquis (Rennes).
Plus de 60 % de patientes répondeuses
L’étude internationale de phase II Destiny-Breast01 a inclus 253 patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+ non résécable et/ou métastatique, dont 184 traitées à la dose optimale de T-DXd (5,4 mg/kg toutes les trois semaines). Elles avaient déjà reçu en moyenne six lignes de traitements antérieurs (au moins deux), dont du trastuzumab et du T-DM1 (plus d’un tiers étant résistantes à ce dernier). « Sur le critère principal, le résultat est impressionnant et historiquement inégalé dans cette population de patientes : il existe une réponse objective chez 61,4 % d’entre elles et un contrôle de la maladie dans 97,3 % des cas », s’enthousiasme le Dr Antoine. La réponse est obtenue rapidement (1,6 mois en médiane) et pour une durée médiane de 20,8 mois. De plus, la survie sans progression atteint 19,4 mois.
Les effets indésirables de cette chimiothérapie vectorisée sont surtout des neutropénies chez un tiers des patientes (20,7 % de grade 3-4) et des nausées dans trois quarts des cas (7,6 % de grade 3), nécessitant la prescription d’un anti-émétique en préventif. Apparues chez 15,2 % des patientes, « les pneumopathies interstitielles diffuses sont un effet qu’il faut savoir reconnaître et traiter précocement lorsqu’il survient », relève le Dr Antoine.
Une AMM conditionnelle
D’après ces résultats, une autorisation de mise sur le marché européenne conditionnelle a été octroyée au T-DXd le 18 janvier 2021, en attendant dans les prochains mois les résultats comparatifs de phase III (essai Destiny-Breast02). Le T-DXd est ainsi indiqué chez les patientes présentant un cancer du sein HER2+, non résécable ou métastatique, ayant préalablement reçu au moins deux lignes de traitement anti-HER2. « Entre 15 et 20 % des cancers du sein surexpriment HER2 : 15 % au stade précoce et 20 % en métastatique », rappelle la Dr Diéras. Ainsi, environ 2 000 nouvelles patientes par an seraient éligibles au T-DXd. Lors des six mois d’autorisation temporaire d'utilisation (ATU, jusqu’au 31 mars), 468 patientes ont déjà été traitées dans 55 centres. Aujourd’hui, le traitement est disponible dans le cadre d’une post-ATU.
« On s’aperçoit que d’autres pathologies tumorales peuvent être candidates à un traitement ciblé anti-HER2 : les cancers du poumon, de l’estomac et colorectaux », note la Dr Diéras. Ainsi, si plusieurs essais sont en cours à des stades plus précoces des cancers du sein, il existe aussi des développements cliniques dans ces trois autres localisations tumorales.
Déjà homologué au Japon et aux États-Unis dans les cancers gastriques, le T-DXd pourrait bénéficier prochainement en Europe d’une indication en deuxième ou troisième ligne métastatique de ces tumeurs. Au regard des premiers résultats, une demande d’AMM européenne est également prévue dans le cancer du poumon métastatique HER2+.
D’après une conférence de presse des laboratoires Astra Zeneca et Daiichi-Sankyo
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