Femmes homosexuelles, personnes trans, sans activité sexuelle : que dire au sujet du dépistage du cancer du col de l'utérus ? Et plus largement, que répondre aux femmes, ayant un test HPV positif, inquiètes du risque de contaminer leur(s) partenaire(s) ? Alors que le virus HPV est sexuellement transmissible, les questions autour de la sexualité sont nombreuses. C'est ce qu'a abordé la Société française de colposcopie et de pathologie cervicovaginale (SFCPCV) en conférence de presse à l'occasion de son congrès annuel les 13 et 14 janvier.
« Un dépistage positif a toujours des conséquences sur la sexualité », rapporte le Pr Xavier Carcopino, gynécologue obstétricien à l'hôpital nord de Marseille et vice-président de la Société de colposcopie. Charge aux médecins de donner les bons messages afin d'alléger le poids de l'annonce.
Expliquer la physiopathologie du virus HPV
Le premier d'entre eux est de rappeler la physiopathologie du virus HPV, explique le Dr Jean-Luc Mergui, gynécologue obstétricien à Paris. « Un HPV à haut risque positif ne veut pas dire lésion sur le col », insiste-t-il, rappelant que 65 % des tests positifs sont sans lésion. Dans les cas restants, il s'agit de lésions mineures (bas grade) dans 25 % des cas et de lésions de haut grade dans 10 %.
Si un test HPV est négatif, il est nécessaire de respecter l'intervalle de cinq ans entre chaque test en expliquant pourquoi. « Si le test se positive entretemps, il faut de toute façon au moins cinq ans pour qu'une lésion se développe », explique le Dr Mergui. En revanche, il faut savoir qu'un HPV à haut risque peut persister (50 % à un an). Si la cytologie réflexe initiale est normale, il reste donc nécessaire de surveiller à un an et de réaliser une colposcopie si le test reste positif (même si la cytologie est de nouveau normale).
Pas utile d'avertir le partenaire
Autre point d'inquiétude : quelle prise en charge pour les partenaires ? « Aucune », répond le Pr Carcopino. Certes, il existe un risque de transmission mais, en réalité, « c'est déjà fait », abonde le Dr Mergui, ajoutant « de ne pas changer ses habitudes ». Au bout de cinq ans d'activité sexuelle, avec seulement deux partenaires, la probabilité cumulée d'infection HPV est de plus de 80 %, quand elle est de 50 % avec un seul partenaire. De plus, chez les hommes, le risque de lésion cancéreuse (oropharynx, pénis, anus) est plus faible et le dépistage n'a pas fait ses preuves.
« Tout est une question de persistance de l'infection et de l'incapacité à éliminer le virus », souligne le spécialiste marseillais, citant des études sur la faible concordance virale au sein des couples (moins de 25 % des cas). Un phénomène qui s'explique davantage par l'élimination par l'un et pas par l'autre, plus que par l'infidélité. « L'infection est inévitable, poursuit le Pr Carcopino. Il n'y a aucun intérêt à avertir le partenaire, il n'y a pas de geste de prévention mais que des inconvénients. » La rentabilité d'un examen systématique est très faible, les condylomes se voyant à l'œil nu. Quant au port du préservatif, la contamination a déjà eu lieu, au moment où le test revient positif (qui plus est, son efficacité est incomplète, transmission manuportée).
Transmission de femme à femme
Le dépistage organisé (DO) concerne les femmes de 25 à 65 ans, asymptomatiques, immunocompétentes et… ayant déjà eu des relations sexuelles. Pour autant, « si la sexualité n'est plus active, il ne faut pas arrêter le dépistage, explique la Dr Julia Maruani, gynécologue obstétricienne à l'hôpital nord de Marseille et secrétaire générale de la SFCPCV. L'âge moyen du diagnostic de cancer est de 51 ans. » Le phénomène de cancérogenèse fait qu'il faut 5 à 10 ans avant l'apparition d'une lésion précancéreuse (âge moyen 35-40 ans) et 5 à 10 ans avant celle d'un cancer.
Pour les femmes homosexuelles, « il faut lever l'idée reçue de la transmission uniquement par les rapports sexuels avec les hommes », insiste la gynécologue. La contamination est possible même lorsqu'une femme n'a jamais eu de rapport sexuel avec un homme : le risque est de l'ordre de 20 % et de 30 % en cas de bisexualité. « Le virus HPV se transmet de femme à femme, poursuit-elle. Pourtant, les femmes homosexuelles participent moins au dépistage. Il y a plus de risque de lésions avancées et plus de cancer du col par absence ou insuffisance de dépistage. »
Penser à dépister les hommes transgenres
Quant aux hommes transgenres (assignées femmes à la naissance), l'hystérectomie reste peu réalisée, car « non requise pour le changement d'identité dans la majorité des pays d'Europe, précise la Dr Maruani. Et ce qui laisse la possibilité d'une grossesse. » Si le dépistage n'est pas nécessaire en cas d'hystérectomie, il reste ainsi nécessaire dans la très grande majorité des cas. Or, il se révèle largement insuffisant. « Seuls 27 % des hommes trans sont dépistés versus 60 % des femmes cisgenres en France », indique la gynécologue.
Pourtant, le risque d'infection HPV est plus élevé du fait des partenaires multiples, des pratiques sexuelles, du risque de dépistage anormal par la cytologie lié à la prise de testostérone (multiplié par 8, la colposcopie est également plus difficile). Alors que l'attention est concentrée ailleurs lors de la transition, « ces hommes trans ne rentrent pas dans les cases et ne reçoivent pas d'invitation pour le dépistage du cancer du col, pas plus que pour celui du sein », déplore-t-elle, signalant les problèmes de remboursement. Le rôle des médecins est d'y penser.
La vaccination de tous les jeunes de moins de 20 ans (filles et garçons) est à promouvoir et le dépistage organisé actuel concerne aussi la jeune génération de femmes vaccinées. A contrario, il faut avoir à l'esprit que « les femmes immunodéprimées ou exposées au Distilbène (DES) ne rentrent pas dans le cadre du DO, souligne la Dr Maruani. Le dépistage est différent et repose sur une cytologie annuelle. » De même, les femmes ayant été opérées d'une lésion intraépithéliale sortent du DO et doivent bénéficier d'un suivi spécifique (test HPV à six mois puis à intervalle régulier).
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